TOP 10 Cinéma 2022 : les films préférés de MovieRama en 2022

Comme l’on dit parfois que nous vivons des Nuits de la Pleine Lune, dixit Eric Rohmer, l’un des cinéastes dont nous regrettons le plus la disparition, cette année 2022 a été depuis trois ans la première année “pleine” de cinéma, dans tous les sens du terme, que ce soit pour le nombre de jours où les salles sont restées ouvertes, ou encore pour la jubilatoire pléthore d’oeuvres de cinéma qui sont venues illuminer nos jours et nos nuits. Deux films ont largement dominé cette année 2022, ce dont le classement de cette année s’est fait l’écho, à tel point qu’ils ne sont séparés que d’une minuscule unité de vote : Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson et Pacifiction d’Albert Serra. Ces deux oeuvres, en évoquant le passé directement (la crise du pétrole en 1973 pour Licorice Pizza) ou indirectement (la reprise des essais nucléaires dans Pacifiction), éclairent d’une étrange lumière notre présent. L’art possède une prescience dont les horoscopes ne disposent souvent pas. Les deux films ont ainsi prévu, alors qu’ils ont été tournés avant l’invasion de l’Ukraine, la hausse infernale du prix des carburants et l’actualisation du risque d’intervention nucléaire. Le passé éclaire le présent et le cinéma invente l’avenir.

TOP GENERAL FILMS 2022

1. Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, 31 points.
2. Pacifiction d’Albert Serra, 30 points.
3. Aucun ours de Jafar Panahi, 24 points.
4. Joyland de Saim Sadiq, 24 points.
5. Bruno Reidal de Vincent Le Port, 21 points.
6. La Nuit du 12 de Dominik Moll, 18 points.
7. As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, 17 points.
8. Armageddon Time de James Gray, 16 points.
9. Petite nature de Samuel Theis, 15 points.
10 ex aequo. Decision to leave de Park Chan-wook et Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi, 13 points.

N.B. : en dépit d’un nombre identique de points, la 3ème place d’Aucun ours par rapport à Joyland s’explique par un nombre plus élevé de premières places (2) dans les listes de rédacteurs.


  • ANA HYDE

L’année 2022 fut riche et contrastée, multiple et dispersée, comme en réponse à deux années de crise sanitaire durant lesquelles une somme de films dut attendre que la tempête passe pour sortir sur les grands écrans. Bien que le confinement et par là l’enfermement nous aient tous précédés, on constate que l’image de la libération et par elle le pouvoir libérateur du cinéma ait finalement coïncidé à, certes, un souci d’émancipation, visible à travers des destinées de héros essayant d’en sortir, mais par eux, comme vœux trop pieux, à la traduction de quelques autres enfermements dont nous semblons tous dépendants d’une manière ou d’une autre. Que ce soit via le biopic, le western, le huis-clos, le film engagé et leur détournement par le cinéma, pris dans les psychismes de personnages ou seulement clos dans la boîte noire, dans des registres du plus burlesque au plus tragique, du plus chic au plus fou, voici quelles sont les dix propositions qui révèlent qu’on ne sort pas si facilement de deux années trop policées, même à vouloir s’émanciper ou alors pas sans drame… finalement.

1. Aucun ours de Jafar Panahi
2. Joyland de Saim Sadiq
3. Bruno Reidal de Vincent Le Port
4. Medusa d’Anita Rocha Da Silveira
5. La Légende du roi crabe d’Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis
6. Petite nature de Samuel Theis
7. Juste sous vos yeux de Hong Sang-soo
8. She said de Maria Schrader
9. Mauvaises filles d’Emérance Dubas
10. After blue – Paradis sale de Bertrand Mandico


Ce sont dix trajectoires, des chemins ou des cheminements, à travers forêts intérieures ou déserts imaginaires, des routes infinies ou des voies sans issues, des parcours d’émancipation où souvent rôde pourtant la mort – la perte, le deuil ou l’emprisonnement –, où les héroïnes n’ont rien à envier aux héros, surtout quand elles les dépassent, que ces dix films choisis nous donnent à voir. De façon certaine, directement ou directement – consciemment ou inconsciemment –, ce sont plus que les maux de la Terre qui se partagent ici, à travers des géographies, des cultures, des habitus, ou leurs fantasmes qui se traduisent par, pour et dans l’image de cinéma. S’il est impossible de classer en croissance ou décroissance ces dix films, ils se répondent pourtant dans un chœur à réveiller les morts ou à vouloir même les déterrer. L’enfer reste bien les autres [Sartre], c’est un existentialiste qui l’a dit, même si à côté de lui, on peut toujours imaginer Sisyphe… heureux…
À vos amours, et surtout… en 23, allez au cinéma !

Dans tous les cas, et au-delà de cette petite liste, il faut nécessairement aller voir Coma de Bertrand Bonello, Viens je t’emmène d’Alain Guiraudie, Eo de Jerzy Skolimowski et La Nuit du 12 de Dominik Moll.


  • BERENICE PAUL

1. Les Nuits de Mashhad d’Ali Abbasi

Ali Abbasi compose un chef-d’oeuvre d’une incroyable densité en forme de réquisitoire contre la société patriarcale iranienne.

2. Pacifiction d’Albert Serra

Une oeuvre magnifique qui enchante l’oeil autant qu’elle charme l’esprit.

3. Everything everywhere all at once de Daniel Scheinert et Daniel Kwan

Un film qui fait de la science-fiction un art martial mâtiné d’humour tendre.

4. La nuit du 12 de Dominik Moll

Une oeuvre qui démonte la mécanique du féminicide tout en pointant les défaillances du système politico-judiciaire.

5. Joyland de Saim Sadiq

Un chef-d’oeuvre qui annonce le renouveau du cinéma pakistanais.

6. Fumer fait tousser de Quentin Dupieux

Qui a dit fumer ne faisait pas rire ? Quentin Dupieux nous le prouve en faisant de l’industrie du tabac le terreau humoristique de son dernier film.

7. Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson

Une oeuvre humoristique et tendre sur l’amour adolescent qui rend hommage au San Francisco des années 70.

8. Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux

Une oeuvre tendre et sympathique qui renoue avec la tradition de la rom’com à la française.

9. Sans filtre de Ruben Östlund 

Le grand gagnant de la Palme d’Or 2022 s’annonce comme l’oeuvre-monstre de cette année.

10. Coupez ! de Michel Hazanavicius

Michel Hazanavicius rend hommage aux trucages à la Méliès avec ce remake d’un film japonais.

 


  • XAVIER AFFRE

1 / Pacifiction (Albert Serra) : une œuvre marquante, fascinante, d’une audace incroyable ;
le geste impressionnant de 2022, le tout magnifiquement interprété par Benoit Magimel.
2 / Bruno Reidal (Vincent Le Port) : L’un des meilleurs films français sortis ces dernières
années. Une œuvre forte et remarquable, qui tranche et donne furieusement envie de suivre son réalisateur.
3 / Licorice Pizza (Paul Thomas Anderson) : un long métrage virtuose. Une histoire
d’amour de deux adolescents dans le Los Angeles des années 70. Romantique, fantasque,
mélancolique et doux-amer.
4 / Contes du hasard et autres fantaisies (Ryusuke Hamaguchi) : Les jeux de l’amour et du hasard selon Hamaguchi, l’un des réalisateurs asiatiques les plus importants. Une oeuvre d’une finesse et d’une sensualité bouleversantes.
5 / Armageddon Time (James Gray) : Une évocation des souvenirs d’enfance du cinéaste
bouleversante, teintée de mélancolie et de gravité. Une mise en scène élégante et intelligente qui prouve une fois encore la grandeur de James Gray.
6 / Saint Omer (Alice Diop) : L’une des œuvres marquantes de cette année, par son
intelligence, son propos subtil, son côté radical et sa nécessité, par la justesse de son scénario.
7 / Aucun ours (Jafar Panahi) : ce long métrage sort sur nos écrans alors que son auteur est désormais en prison. Une mise en abyme passionnante, bouleversante et une réflexion sur l’Iran actuel ainsi que sur le statut des images.
8 / Les Passagers de la nuit (Mikhael Hers) : le 4e long métrage de Mikhael Hers est
magnifique, délicat et réussit à reconstituer intelligemment les années 80. Charlotte
Gainsbourg est magistrale !
9 / Leila et ses frères (Saeed Roustaee) : Grâce à une mise en scène tendue et délicate, ainsi que des comédiens formidables, une réflexion puissante et bouleversante sur la famille, sur la place des femmes au sein de la société, sur l’ascension sociale en Iran.
10 / Babi Yar, contexte (Sergei Loznitsa) : un travail de montage d’images d’archives
remarquable, des choix audacieux pour un documentaire essentiel, à voir absolument !
Mentions spéciales :

  • le magnifique hommage de Shlomi Elkabetz à sœur Ronit avec Cahiers noirs I et II
  • l’excellence (et la constance) de Hong Sangsoo : Juste sous vos yeux.
  • Les Crimes du Futur : le retour de Cronenberg dans un film-somme dense et abstrait.
  • 2 documentaires essentiels : Everything will be ok (Rithy Panh) et Et j’aime à la fureur
    (André Bonzel).
  • 2 premiers films étonnants revêtant les aspects de la fable, du conte : Sous le ciel de
    Koutaïssi
    (Aleksandre Koberidze) ; Plumes (Omar El Zohairy)
  • Le Lycéen (Christophe Honoré) : un film bouleversant, une révélation : Paul Kircher !
  • Le thriller très réussi de Thierry de Peretti, Enquête sur un scandale d’État


  • SYLVAIN JAUFRY

1 As bestas de Rodrigo Sorogoyen

Chef-d’œuvre de Rodrigo Sorogoyen, sur une humanité bestiale, qui rappelle l ‘ambiance du film de Sam Peckinpah, Les Chiens de paille .

2 Licorice pizza de Paul Thomas Anderson

Un film incontournable de 2022. Paul Thomas Anderson analyse la jeunesse américaine des années 70. Une œuvre d’amour , romantique, une gourmandise de cinéma avec un sujet qui réchauffe le cœur.

3 A plein temps de Eric Gravel

Un excellent film réalisé par Éric Gravel . Emmené par une Laure Calamy dynamique, voici une œuvre menée tambour battant décrivant le rythme fou et insensé de la vie en région parisienne.

4 La vraie famille de Fabien Gorgeart

A la fois familial , touchant , attendrissant, Fabien Gorgeart met en scène un univers montrant le bonheur d’une famille , et surtout celui d’un enfant subissant la séparation de ses parents .

5 Revoir Paris d’Alice Winocour
Film choc, essentiel, pour comprendre les conséquences psychologiques liées aux attentats de novembre 2015. En s’inspirant du témoignage de son frère, Alice Winocour rend un hommage fort aux survivants et aux défunts. Quelle prestation de Virginie Efira !

6 Les Passagers de la nuit de Mikhael Hers

Mikhael Hers nous emmène dans le tourbillon des nuits parisiennes, à la rencontre de personnes issues de milieux différents, qui vont finalement se lier d’amitié.

7 The Innocents de Eskil Vogt

C’est le film de genre de 2022, à découvrir. Si vous êtes amateurs de David Cronenberg, découvrez cette réalisation ou l enfant devient meurtrier .

8 Placés de Nessim Chikaoui .

Excellente surprise du début d’année 2022. Cette immersion dans le quotidien d’une structure d’accompagnement comporte son lot d’émotions et de vérités sur une dure réalité sociale , la descolarisation .

9 Ouistreham d’Emmanuel Carrère

Une des réussites de janvier 2022. Emmené par une distribution majoritairement amateure, Ouistreham nous plonge dans un milieu professionnel dur, précaire. Percutant et réaliste, ce film nous raconte les difficultés physiques , financières, morales du métier de femme de ménage.

10 Murina de Antoneta Alamat Kusijanovic

Camera d’or du Festival de Cannes 2021. Une pépite filmée dans les beaux paysages grecs, et un thriller vénéneux sur un modèle familial dominé par un patriarche autoritaire .


Dans un monde toujours plus intense, où une chose en chasse aussitôt une autre, l’heure du bilan cinématographique est toujours un exercice salutaire : une occasion de renouer avec des joies, des peines, des réflexions, des impressions, et surtout des images. Une nuit s’est imposée, celle du 12, recouvrant de son mystère et de ses thématiques une année pourtant chargée en propositions. Je me souviens encore des chants discrets et mélancoliques d’Olivier Marguerit, de la photographie crépusculaire du film, teinté d’un étrange optimisme qui contraste avec la gravité du sujet traité par Dominik Moll. Dans une ambiance tout aussi crépusculaire, Albert Serra nous a conviés à une « Pacifiction » passionnante, une oeuvre maîtrisée, audacieuse, littéralement hors du temps. Au coeur de la tempête, un Benoît Magimel presque polymorphe : représentant de l’Etat français, mafieux des îles ou patron de boîte de nuit ? Autre figure énigmatique de 2022, Viggo Mortensen dans Les Crimes du futur de David Cronenberg, à la fois artiste performer et espion aux intentions troubles. Une méditation sur l’avenir (organique) de l’humanité, sublimée par les étranges et grouillantes sonorités d’Howard Shore. Inutile toutefois d’aller aussi loin dans le futur pour retrouver des monstruosités : à la manière de La nuit du 12, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen nous rappelle la banalité du mal avec As Bestas, un thriller puissant et virtuose, dont on retient notamment l’interprétation de Marina Foïs. Comment ne pas citer également le futur apaisé d’After Yang, la force émotionnelle de Piccolo Corpo, la surprenante mise en scène de Decision to Leave, les contes de 3000 ans à t’attendre, l’épopée romantique de La légende du roi crabe et l’originalité d’Unicorn Wars, à la profondeur insoupçonnée.

1. La nuit du 12 de Dominik Moll

2. Pacifiction – Tourment sur les îles d’Albert Serra

3. Les Crimes du futur de David Cronenberg

4. As Bestas de Rodrigo Sorogoyen

5. After Yang de Kogonada

6. Piccolo Corpo de Laura Samani

7. Decision to Leave de Park Chan-wook

8. 3000 ans à t’attendre de George Miller

9. La légende du roi crabe d’Alessio Rigo de Righi, Matteo Zoppis

10. Unicorn Wars d’Alberto Vázquez


  • JOLAN MAFFI

1-Petite Nature de Samuel Theis

Regard de génie sur les désirs chamboulés d’un jeune garçon impeccablement interprété par Aliocha Reinert. Humble, féroce, et terriblement entêtant.

2-Joyland de Saim Sadiq

Un premier film saisissant de maturité et de maitrise. Ses deux récompenses cannoises sont définitivement les plus méritées de toute l’édition 2022. Un chef-d’oeuvre.

3-Magdala de Damien Manivel

L’histoire d’amour de l’année, entre deux âmes muettes, immatérielles, errantes. Nouvelle preuve de la vitalité d’un cinéma français en marge, qui réinvente l’art et sa conception. Elsa Wolliaston, elle, est la plus grande interprète de l’année.

4-Jerk de Gisèle Vienne

Gisèle Vienne propose une expérience inconfortable, aux confins de l’esprit dérangé et pervers d’un homme qui a dépassé toutes les limites humaines. Un acteur, une chaise, quelques marionnettes : il ne lui en faut pas grand chose pour faire un grand film.

5-Inu-Oh de Masaaki Yuasa

La folle frénésie de Yuasa rencontre son amour de l’émotion pure. Inu-Oh est de ces films qui ne quitte jamais notre esprit, grâce à la sidération que ces scènes provoquent.

6-Apollo 10 1/2 de Richard Linklater

L’animation en rotoscopie à son plus haut niveau pour un film sensible, puissant et limpide dont seul Linklater a le secret. Le cinéma américain n’aura pas fait mieux cette année.

7-Cow d’Andrea Arnold

Qui d’autres qu’Andrea Arnold pour filmer la vie d’une vache de manière aussi juste, sensible et belle ? Documentaire de l’année et animal de l’année, rien que ça

8-Days de Tsai Ming-liang

Pendant deux heures, le temps se suspend, les sens s’éveillent et les images d’un grand film défilent devant nos yeux. Une fois de plus, Tsai Ming-liang prouve son essentialité au cinéma.

9-La Casa Lobo de Cristóbal León et Joaquín Cociña

Son animation mouvante et insaisissable, où tout se défait et se refait aussitôt, son ambiance horrifique glaçante, la maîtrise de sa mise en scène, son propos radical et subtil…. pas de doutes, La Casa Lobo est un grand film sorti bien trop discrètement sur Mubi.

10-Residue de Merawi Gerima

Sorti la toute première semaine de 2022, Residue a marqué au fer rouge l’année par son urgence, son discours enragé et sa virtuosité à le mettre en scène.

Mention spéciale à Cahiers Noirs 1&2 de Ronit Elkabetz, Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues, à la saison 2 d’Undone et à la superbe série française Chair Tendre.


  • POULET POU

Votre humble serviteur ne fait pas de tops ciné, mais s’il en faisait — jésuitisme forever —, vous ne seriez nullement étonné d’y voir figurer au moins deux Hong Sang-soo (Introduction + Juste sous vos yeux) et un Jafar Panahi (Aucun ours), tant vous savez, depuis le temps que vous vous farcissez ses interminables blablas, à quel point il goûte le genre d’arte povera cultivé par les chouchous susnommés. Vous savez également qu’en tant que buñuelo-langien, il ne peut pas ne pas distinguer le retour de David Cronenberg, dont le film, sous une apparence décevante de florilège (encore, décidément), qui pioche son inspiration ici ou là dans la carrière de son auteur, possède un synopsis des plus éclairants — il s’agit du futur, peuplé de types qui mangent du plastique au lieu de chocolats ou de topinambours. Seule la crainte de lui porter malheur me retient de déclarer que c’est au fond le Mille Yeux du Docteur Mabuse du démiurge de Toronto, et j’espère bien qu’il fera encore d’autres films. Soit dit en passant, je me suis longuement interrogé sur le sens du titre. Or je crois avoir eu cette nuit une idée — il faut bien que les insomnies servent à quelque chose. N’est-ce pas que les errements et négligences d’aujourd’hui constituent déjà Les Crimes du futur ? Le moindre rapport du GIEC vous le dira.

1. Aucun ours de Jafar Panahi
2. Introduction de Hong Sang-soo
3. Juste sous vos yeux de Hong Sang-soo
4. Days de Tsai Ming-liang
5. Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne
6. La Combattante de Camille Ponsin
7. A vendredi, Robinson de Mitra Farahani
8. Les Crimes du futur de David Cronenberg
9. Armageddon Time de James Gray
10. Viens je t’emmène d’Alain Guiraudie

Mentions spéciales :

Au cœur des volcans de Werner Herzog
Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre
Enquête sur un scandale d’État de Thierry de Peretti)
Incroyable mais vrai + Fumer fait tousser de Quentin Dupieux


  • DAVID SPERANSKI

Cette année, peu de films américains intéressants, hormis Licorice Pizza, Armageddon Time et le controversé Blonde, qu’il sera bon de redécouvrir avec un certain recul. Quant à James Cameron, Avatar : la voie de l’eau propose une expérience immersive tellement différente de tous les autres films qu’elle mériterait d’être placée hors concours. En revanche, le cinéma asiatique était à la fête : Decision to leave, le prix de la mise en scène cannois, le diptyque, Suis-moi je te fuis – Fuis-moi je te fuis de Koji Fukada, les trois Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi, Les Bonnes étoiles issu de l’excursion coréenne de Hirokazu Kore-eda. et nous ne parlons même pas des deux films annuels de Hong Sang-soo ni celui de Tsai Ming-liang…Quant au cinéma français, à lui tout seul, il aurait pu remplir le Top 10, ce qui fait que la moitié a dû atterrir dans les mentions spéciales. Dans ce Top, intégrant les mentions spéciales, ont ainsi été privilégiés les cinéastes francs-tireurs, en rupture avec le politiquement correct (James Gray, Vincent Le Port, Albert Serra, Bertrand Bonello, Arnaud Desplechin, Gaspar Noé, Andrew Dominik, Ruben Östlund, etc.), délivrant un cinéma non aseptisé, défiant les conventions, expérimental, libre et indépendant dans tous les sens du terme.

1. Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson

Un teen movie de plus? Evidemment non, Paul Thomas Anderson délimite définitivement son territoire de cinéma qui n’appartient qu’à lui, Los Angeles, plus précisément la vallée de San Fernando dont il est originaire, à laquelle il a désormais consacré la moitié de ses films. Licorice Pizza est un film sur ce moment précis, la jeunesse, où tout est encore possible dans la vie, où les portes restent ouvertes, où le champ des possibles demeure une zone riante et débordante de vitalité.

2. Decision to leave de Park Chan-wook

On a souvent vanté à juste titre la mise en scène virevoltante et fourmillant d’idées de Park Chan-wook. Mais cela fait passer au second plan que Decision to leave est aussi et surtout une tragique histoire d’amour entre un insomniaque perfectionniste et une manipulatrice qui choisit de baisser la garde.

3. Armageddon Time de James Gray

James Gray surprend avec ce film à la forme modeste, voire très lisse. Derrière se cache un contenu explosif en ces temps de promotion de la diversité, l’admission des règles de l’intégration, afin de substituer l’intégration de la communauté juive à celle de la communauté noire.

4. Suis-moi je te fuis – Fuis-moi, je te suis de Koji Fukada

Fukada parvient enfin à faire entendre sa voix dans la nouvelle génération du cinéma japonais, en exposant un cinéma bien plus âpre que celui de Hamaguchi, se référant au tragique des histoires d’amour truffaldiennes (La Femme d’à côté) ou à l’ambiguïté des romans dostoievskiens.

5. Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi

Ce film commence gentiment par une intrigue vaguement rohmérienne, avec des emprunts à Hong Sang-soo (une femme se lie d’amitié avec une autre qui, sans le savoir, a séduit l’ex de la première) puis bascule dans le troublant (la lecture érotique d’un roman devant son auteur) pour finir par le bouleversant (deux inconnues rejouent leur passé virtuel de leur ancienne amitié qui n’a jamais existé). Une montée en puissance assez orgasmique.

6. Les Bonnes étoiles de Hirokazu Kore-eda

Un road-movie sur l’adoption où Kore-eda réaffirme son credo de toujours sur la prééminence des liens du coeur sur les liens du sang. Bénéficiant de l’interprétation de Song Kang-ho et Donna Bae, cette virée en Corée atteint une maturité unanimiste supérieure par rapport à ses films précédents.

7. Bruno Reidal de Vincent Le Port

Premier film saisissant sur la genèse d’un adolescent meurtrier, ce film signe l’irruption fracassante d’un grand metteur en scène dans l’horizon du cinéma français. En utilisant une voix intérieure qui vient souligner et non répéter l’action, Vincent Le Port retrouve les traces d’un chemin que Bresson et Pialat ont déjà arpenté.

8. Falcon Lake de Charlotte Le Bon

En entremêlant histoire de fantômes et apparent teen movie, Charlotte Le Bon crée avec un sens esthétique certain un doux apologue sur la vérité des sentiments. La révélation d’une vraie réalisatrice, avec des partis pris visuels audacieux et un sens inné de la direction d’acteurs.

9. Pacifiction d’Albert Serra

Un immense morceau de cinéma qu’il faut prendre en bloc, ce dont on est mille fois récompensé, car il crée sa propre durée comme beaucoup de grands films (L’Amour fou de Rivette, La Maman et la Putain d’Eustache). Pendant près de trois heures, on vit dans la bulle de Tahiti, avec un Benoit Magimel, désorienté et lâchant prise.

10. La Nuit du 12 de Dominik Moll

Plus qu’une intrigue policière, un constat lucide et accablant sur les origines et causes d’un féminicide. Echappant au film à thèse, Dominik Moll parvient à imposer un ton sec et pessimiste sur des personnages qui n’échappent à aucun moment à la triste et terrible condition d’humains.

Mentions spéciales :

  • Un beau matin de Mia Hansen-Løve : une oeuvre tendre et cruelle sur une jeune femme partagée entre les ravages du 3ème Age affectant son père et la naissance d’un nouvel amour. La maturité du regard de Mia Hansen-Løve.
  • Coma de Bertrand Bonello : ce qui se passe dans la tête d’une adolescente bloquée chez elle à l’époque du confinement. Un film poétique, atmosphérique, visionnaire où la jeune fille est obsédée par les portraits de serial-killers, les sitcoms de l’actualité et le côté obscur des limbes dans lesquelles il est délicieux de se perdre.
  • Frère et soeur d’Arnaud Desplechin : le sujet qui fâche des inimitiés qui naissent on ne sait pourquoi, entre un frère et une soeur. Desplechin prend tous les risques et réussit tout la plupart du temps, en bousculant son univers du côté de la crudité et de la trivialité.
  • Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret : un film sur le sentiment amoureux où la conjugalité est laissée hors champ, ce qui laisse la place à une singulière pudeur des sentiments entre des êtres délicats qui ne voudront jamais s’avouer qu’ils s’aiment.
  • Vortex de Gaspar Noé : loin de la provocation d’antan, Gaspar Noé se recentre sur l’essentiel, des parents qui continuent à vivre ensemble mais n’existent plus que dans leur portion séparée d’univers. La vieillesse, l’incompréhension, la solitude n’éliminent pas la profonde tendresse qui existe toujours entre eux.
  • Sans Filtre de Ruben Östlund : en rupture avec le politiquement correct qui voudrait imposer une version univoque de la vie, Östlund met en scène trois paraboles de l’existence remettant en cause les rapports de séduction dévoyés par le féminisme, l’entre-soi entre les ultra-riches capitalistes et le renversement des rapports de pouvoir où les pauvres font finalement bien pire que les riches.
  • Blonde d’Andrew Dominik : revisitant la légende de Marilyn Monroe, ce faux biopic, transposant assez fidèlement le roman-fleuve de Joyce Carol Oates se révèle être une ode à une jeune femme dépressive qui n’a jamais su reprendre définitivement le contrôle de sa vie.
  • Avatar : la Voie de l’eau de James Cameron : on pensait Avatar oublié, abandonné, loin de nous. Il ressuscite de belle manière dans cette suite où Cameron n’a pas perdu sa maestria de conteur et de poète lyrique des océans. Une expérience immersive à laquelle il est difficile d’échapper et de résister.