Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur Les Nuits de Mashhad. Jack l’Eventreur en Iran

Les étés passent et se ressemblent, après un film iranien imparfait au cinéma Dyke (sic) du Puy-en-Velay en août 2021, un film iranien imparfait au Scoop du Chambon-sur-Lignon hier soir. Je dis iranien, cependant Les Nuits de Mashhad, tournées en Jordanie avec des capitaux européens par un réalisateur exilé au Danemark, n’ont pas, contrairement à La Loi de Téhéran, dû composer avec une censure extrêmement contraignante. Précision qui a son importance, et qui explique que nudité et rapport sexuel soient au menu dès les premières minutes. Il va sans dire que le film est interdit, et même condamné, en Iran. Je dis imparfait, pourquoi, je vous avais exprimé mes réserves en ce qui concerne le spectaculaire épais de La Loi, c’est un peu pareil ici, la palme — astuce, le film a reçu le Prix d’interprétation féminine à Cannes — revenant à deux ou trois courts-circuits dans la conduite du récit, tellement énormes qu’ils m’ont fait ricaner intérieurement. Mais pourquoi pas après tout, ça indique quelles sont les priorités du film, et il a beau être ‘’inspiré de faits réels’’, la vraisemblance n’en est pas une. Puisqu’on est au chapitre ricanements, ceux démoniaques semblant surgir du cadavre d’une Vénus de Willendorf nous forcent à nous installer dans le cerveau du psychopathe — le personnage est absolument repoussant, et l’acteur super dans le genre, imaginez un Brando tardif mâtiné de Pialat —, lequel prétend nettoyer le monde de la présence de l’éternel féminin et du péché qu’il est censé charrier. L’éternel a bon dos, à un autre moment, ce n’est plus Vénus mais Ève, reconnaissable à son fruit défendu, qui croise la route du monstre aux motivations meurtrières de plus en plus troubles. Face à lui, le montage parallèle s’attarde sur les difficultés de l’héroïne qui le traque. La comédienne récompensée est très bien, qui module à l’envi entre deux expressions, l’écœurement devant la pesanteur du patriarcat ou la terreur devant la pesanteur du patriarcat.

Réalisme crapoteux, touches grotesques malaisantes, plans nombreux de pieds (ou de mains, cf. photo), on pourrait se fâcher, parler de complaisance et de voyeurisme, mais je ne sais pas. Aurais-je été anesthésié par overdose d’Argento ? Je m’étais déjà posé la question de la pertinence de mon jugement d’esthète parigot à la gomme devant La Loi de Téhéran — pamphlet anti-peine de mort —, c’est un peu pareil ici, quand bien même on pourrait considérer qu’il s’agit au fond d’un film tout ce qu’il y a d’européen. Les attendus du film de serial killer ne sont-ils pas subvertis dans le portrait maxi-chargé d’une société qui dysfonctionne à plein régime ? On pourra gloser cent sept ans sur la grossièreté de telle ou telle chose, mais force est de constater que les dernières images restent en mémoire. Comme dans La Loi de Téhéran, l’attention portée aux enfants exprime la colère et le désespoir devant des valeurs délétères qui, en plus d’intoxiquer le monde des adultes, contaminent déjà la génération suivante.