Introduction : la beauté des commencements

« Introduction, nom féminin : 1. fait de présenter une personne à une autre. 2. Quand une personne éprouve quelque chose pour la première fois. 3. La première partie d’un ensemble. 4. Amener au monde une chose nouvelle. » (Hong Sang-soo). Qu’a voulu dire Hong Sang-soo, en intitulant Introduction, son nouveau film? Sans doute toutes ces choses à la fois. Ours d’argent du meilleur scénario à la Berlinale 2021, Introduction est le 26ème film en 25 ans de Hong Sang-soo et ressemble à une épure de son oeuvre, un film en trois parties où les gens partent, reviennent et se croisent en suivant les liens unissant les membres d’une famille ou des amis. Il s’agit peut-être aussi d’un nouveau départ, comme celui du personnage principal du film, une nouvelle preuve de la force du système Hong Sang-soo, capable de générer chaque année des oeuvres en fonction d’aléas (un déplacement à Berlin). Il faut sans doute remonter à Chabrol ou Woody Allen pour retrouver les traces d’une telle productivité ininterrompue.

Youngho cherche à se frayer un chemin entre son rêve de devenir acteur et les attentes de ses parents. Alors que sa petite amie part étudier à Berlin, le jeune homme y voit l’occasion d’un nouveau départ.

La vie, le cinéma, les beuveries, les aspirations, s’entremêlant, c’est un Hong Sang-soo classique qui ne décevra pas les fidèles du réalisateur, creusant de film en film le sillon des mêmes motifs et thématiques. Néanmoins y pointe un renouvellement de génération qui pourrait justifier le titre d’Introduction.

Cette fois-ci, Hong Sang-soo filme exclusivement de jour, lui qui a souvent célébré les beautés des nuits agitées et fortement alcoolisées (Seule sur une plage la nuit, Matins calmes à Séoul). L’éclairage diurne de Introduction est évidemment magnifié par le somptueux noir et blanc garrellien qui, depuis quelques films, occupe le devant de la scène chez Hong Sang-soo. En effet, sur ses quatre derniers films, trois sont photographiés en noir et blanc, permettant à Hong Sang-soo de retrouver une certaine esthétique proche de Philippe Garrel ou de Jean Eustache.

Dans Introduction, film en trois parties, un personnage joue le rôle de fil rouge, un jeune homme coréen, apprenti acteur, qui va voir son père médecin sur son lieu de travail, puis rejoint à Berlin sa petite amie qui l’a quitté et enfin revient en Corée du Sud en retrouvant sa mère et son nouvel ami, un vieil acteur, du côté de la Mer de l’Est. Le film semble être dans l’ordre chronologique mais sait-on jamais avec Hong Sang-soo? C’est en tout cas une sorte de rêverie diurne où des gens plus âgés donnent des conseils aux plus jeunes qui commencent leur vie. Pour la première fois, depuis longtemps, un très jeune personnage se trouve au centre du film de Hong Sang-soo, pris dans des tourments existentiels au sujet de sa future profession d’acteur qui ne semble pas lui correspondre, des soucis par rapport aux aspirations de ses parents, et à sa petite amie.

La ronde des relations semble tourner de manière aléatoire, avant qu’on ne découvre avec le retour dans chaque partie du fil rouge que le scénario est bien plus cohérent qu’il n’y paraît au premier abord. Cela ressemble donc par son côté circulaire à certains Rohmer (plutôt du côté des Contes moraux ou des Comédies et proverbes) ou à La Ronde d’Ophuls. Cela ressemble en fait surtout à du Hong Sang-soo pur sucre, où ressortent au moins deux grandes scènes marquantes, celle où Youngho, le jeune homme, se fait draguer avec humour par une infirmière qui lui rappelle qu’il était amoureux d’elle quelques années auparavant, et celle d’un déjeuner où le vieil acteur ivre, ami de la mère de Youngho, s’emporte contre lui, car ce dernier ne parvient pas à embrasser ses partenaires à l’écran, de peur de fâcher sa petite amie. Ce n’est peut-être pas le meilleur Hong Sang-soo ; on réservera ce privilège à Seule sur la plage la nuit, Haewon et les hommes ou Matins calmes à Séoul, entre autres, sans oublier Turning gate ou La Femme est l’avenir de l’homme. La vie, le cinéma, les beuveries, les aspirations, s’entremêlant, c’est un Hong Sang-soo classique qui ne décevra pas les fidèles du réalisateur, creusant de film en film le sillon des mêmes motifs et thématiques. Néanmoins y pointe un renouvellement de génération qui pourrait justifier le titre d’Introduction.

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RÉALISATEUR : Hong Sang-soo
NATIONALITÉ : sud-coréenne
AVEC : c Shin Seokho, Mi-so Park, Kim Young-Ho
GENRE : Drame 
DURÉE : 1h06
DISTRIBUTEUR : Capricci Films 
SORTIE LE 2 février 2022