Vortex : on est bien peu de choses et mon amie la rose…

Comme le dit avec humour Thierry Frémaux, quand le Festival de Cannes s’annonce, Gaspar Noé prépare un film. Pendant longtemps, cela a été pour la galerie, l’esbroufe, même si on ne nie pas le côté cinéphage, sinon intensément cinéphile, de Gaspar. Cette fois-ci, finie l’esbroufe et la provocation, place à l’émotion pure. Vortex, dernier film du Festival de Cannes 2021, excepté le film de clôture, se confronte directement à des sujets que les auteurs et le cinéma ont souvent du mal à regarder en face : la mort, le deuil, la dégénérescence. Des sujets peu aimables que Gaspar Noé traite sans renier une once de son style, à grands renforts de split-screens, de profondeur de champ et de raccords, et dont il parvient à dégager une véritable émotion.

Un couple âgé, le père italien, la mère française. Tous deux sur leur fin de vie. La mère souffre d’Alzheimer. Le fils va être confronté à une situation douloureuse.

Hommage aux disparus, aux vies qui s’achèvent sans avoir forcément compté au-delà de leurs proches, et pourtant si importantes dans l’ordonnancement du monde, en phase avec le fameux mantra d’Irréversible, « le Temps détruit tout », Vortex signe un aboutissement pour Gaspar Noé

Pendant longtemps, Gaspar Noé a fait des films pour faire des films. L’intense douleur que l’on peut percevoir dans Vortex apparaissait de manière fugace dans ses précédents films, tellement masquée que la douleur paraissait à l’arrière-plan. En-dehors de cela, souvent, le côté tape-à-l’oeil des effets éclipsait voire éradiquait totalement le contenu des films (Enter the void, Climax, Lux Aeterna). Ce n’est plus le cas désormais, du moins dans Vortex, où Noé sert le sujet, sans en rajouter.

Il bénéficie pour cela des aides précieuses de Dario Argento (le père), réalisateur culte (Suspiria, Les Frissons de l’angoisse), qui passe pour la première fois devant la caméra, de Françoise Lebrun (la mère) qui retrouve enfin un grand rôle depuis La Maman et la Putain de Jean Eustache et d’Alex Lutz (Guy), inattendu et bouleversant dans le rôle du fils. Ce trio de choc, alliage de talents diversifiés et en apparence dépareillés, s’avère le parfait soutien que Gaspar Noé pouvait espérer pour son élégie du deuil. Il affiche d’emblée ses intentions en montrant en intégralité un clip de Françoise Hardy des années soixante où elle chante face caméra « Mon amie la rose« . Puis après une brève introduction où Françoise Lebrun et Dario Argento citent Twin Peaks the Return de David Lynch, « la vie, ne serait-elle pas un rêve? Un rêve à l’intérieur d’un rêve.« , Gaspar Noé montrera en split-screen la vie de ces deux personnes du troisième âge, en n’évacuant rien, la solitude et la dégénérescence, jusqu’à une scène fabuleuse où les trois personnages sont réunis et s’expliquent ensemble, reproduisant la structure ternaire de la Maman et la Putain en l’appliquant au schéma familial : le père, la mère et le fils, Françoise Lebrun y occupant la place centrale comme dans le film d’Eustache.

Hommage aux disparus, aux vies qui s’achèvent sans avoir forcément compté au-delà de leurs proches, et pourtant si importantes dans l’ordonnancement du monde, en phase avec le fameux mantra d’Irréversible, « le Temps détruit tout », Vortex signe un aboutissement pour Gaspar Noé. Pour une fois, il ne se cache plus derrière des artifices, il n’est plus, comme nous le sommes tous, qu’un enfant désarmé devant des parents qui le quittent.

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RÉALISATEUR : Gaspar Noé 
NATIONALITÉ : française 
AVEC : Dario Argento, Françoise Lebrun, Alex Lutz. 
GENRE : Drame 
DURÉE : 2h22 
DISTRIBUTEUR : Wild Bunch 
SORTIE LE Prochainement