Présence suspendue, spectateur de la vie d’un fils protégé par une famille de substitution, le père souhaite reprendre sa place légitime. Devenu membre à part entière d’une fratrie, l’enfant doit lâcher prise et rejoindre son nouveau foyer. Il lui faut démêler les liens, les sentiments, mais aussi comprendre la nature véritable des mots : maman n’était pas maman. Avec La vraie famille, le cinéaste Fabien Gorgeart nous propose un mélodrame sensible et sincère sur le lien familial, à la recherche de ce qu’est la « vraie » famille : celle de cœur ou de sang ?
Anna (Mélanie Thierry) accueille des enfants adressés par l’Aide Sociale à l’Enfance. Avec Driss (Lyes Salem), son mari, ils ont deux garçons. En ce qui concerne le petit Simon, il a été placé chez eux à l’âge de 18 mois. De son arrivée jusqu’à sa sixième année, le garçon s’est fait une place dans cette famille : il est devenu un frère, un fils. Malgré la nature temporaire de sa présence, un lien passionnel s’est construit avec Anna. Un beau jour, la réalité vient fatalement frapper à la porte de la famille : Eddy (Félix Moati), le père de Simon, souhaite retrouver sa place de père. Revenu de loin, il se sent désormais prêt pour éduquer son fils, seul. L’Aide Sociale à l’Enfance abonde en ce sens et demande à Anna de préparer l’enfant : Anna ne doit plus se faire appeler maman, Simon doit commencer à faire entrer Eddy dans sa vie. Une épreuve pour tous.
A cet égard, la scène d’introduction apparaît comme une douce métaphore du message du film : dans cette piscine colorée, la famille baigne dans le bonheur, bien qu’il paraisse étrangement artificiel, il n’en reste pas moins vrai.
Après Diane a les épaules, où Fabien Gorgeart s’intéressait, entre légèreté et gravité, à la maternité, le réalisateur et scénariste poursuit son exploration des liens familiaux avec La vraie famille. Dans ce second long-métrage, il tente de conserver un équilibre entre les registres, de la comédie au drame, avec une pointe de suspense. Au fil du récit, on découvre une cellule familiale, avec ses codes, ses bonheurs et ses peines. Un regard extérieur qui scrute et assimile, mais imagine aussi pour combler les lacunes : pourquoi Simon est-il plus couvé que ses frères ? On découvre ensuite Simon dans un bureau blanc, semblable à celui d’un médecin, est-il malade ? Le film se donne graduellement et joue de l’idée que les apparences sont trompeuses. L’image que donne une famille n’est jamais qu’une image à un moment donné, la vérité profonde est souvent plus complexe. A cet égard, la scène d’introduction apparaît comme une douce métaphore du message du film : dans cette piscine colorée, la famille baigne dans le bonheur, bien qu’il paraisse étrangement artificiel, il n’en reste pas moins vrai. Comme un rêve éveillé.
Des instants heureux comme des vignettes, à la mise en scène énergique et appuyée. Puis arrive l’orage, le cadre se pose, la famille s’adapte à la situation, avec une autre énergie. La tension contraint l’image, comme Anna qui doit se contraindre à rester professionnelle, à accomplir sa mission. Sa relation avec Simon perturbe son jugement, elle qui aurait dû aimer, mais pas trop. Une notion sensible, difficile à quantifier, à saisir. Lorsque l’institution la convoque, la sincérité de sa réponse scelle définitivement sa relation avec Simon : elle ne sait plus si elle agit pour le bien du petit. Il doit donc être protégé d’Anna, éloigné de sa famille, pour son bien. Le film restitue bien la difficulté de la tâche et l’intelligence émotionnelle que requiert ce métier. Mélanie Thierry, merveilleuse dans le rôle d’Anna, joue avec conviction ce rôle de mère temporaire, qui semble s’être plus attaché à Simon qu’à ses propres enfants. Quant au reste de la famille, c’est un sans-faute : on y croît, à cette vraie famille.
Sans (trop) verser dans le mièvre, La vraie famille surprend par la justesse de son récit, entre émotion et sincérité, lumière et ombre. Il y a bien quelque chose de vrai dans ce film, accessible et solidement incarné. Une touchante réflexion sur les liens qui nous unissent.
RÉALISATEUR : Fabien Gorgeart NATIONALITÉ : français AVEC : Mélanie Thierry, Lyes Salem, Félix Moati GENRE : Drame DURÉE : 1h40 DISTRIBUTEUR : Le Pacte SORTIE LE 16 février 2022