Les Chroniques de Poulet Pou : Introduction, brève durée, émotion maximale

Chers lecteurs, en reste-t-il parmi vous qui ignoreraient à quel point je chéris le cinoche de Hong Sang-soo ? Ils sont priés de se rendre à l’accueil pour un briefing d’urgence. En tout état de cause, vous serez obligés de revenir une autre fois, si vous vous attendiez à ce que j’en dise enfin du mal (huées du public). Le film est bref, je vais tâcher d’être à la hauteur (applaudissements). Information capitale que nous communique HSS, en Corée, il n’y a pas de gui. Ou alors, le personnage qui s’étonne est complètement neuneu. Mais je ne crois pas, car Hong, loin de se moquer, fait à travers son couple de tourtereaux — notre apprentie botaniste, et son grand échalas d’amoureux — le portrait ému de la jeunesse. Jeunesse jetée dans l’existence — d’où le titre, peut-être —, et dont les idéaux sont malmenés par la vie. Jeunesse aux impulsions soudaines et à la touchante inexpérience, que ses aînés, cuir endurci et horizons bouchés, observent pourtant avec bien peu d’aménité. Comme souvent chez HSS, les relations parents-enfants ne sont pas des plus tendres — repensons à l’impitoyable génitrice du candidat au suicide de Conte de cinéma.

Comme souvent chez lui, on passe du rêve à la réalité en un pano d’une simplicité désarmante, comme souvent chez lui, on s’amuse. Je pense à la queue de cheval de Kim Min-hee, comiquement secouée alors que son personnage acquiesce. Que vous êtes belle, lui dit-on plus tard, si ce n’est pas une réplique écrite par un réalisateur épris, je ne sais pas ce que c’est. Mais revenons aux gags, je pense à la colère ridicule du vieil acteur, et aux mimiques de savant fou de l’acupuncteur, lequel tire sans crier gare un rideau quasi fatidique sur ses patients. Attendez un peu ici, je reviens. (La nuit tombe). Docteur, vous êtes là ?

Comme souvent chez lui, la forme est aussi légère que souveraine. Ici, trois parties se répondent en rimes et variations, chacune se terminant par une étreinte, expression d’un amour de type différent. Storgê, Agapè, Philia, choose your weapon. Partout, des indices que le spectateur attentif tâchera de récolter, pour comprendre un peu mieux ce qui se trame sous ses yeux. Quel peut bien être le problème du père acupuncteur ? Pourquoi a-t-il convoqué son fils ? De même, quel est le secret que le fils annonce vouloir divulguer à son ami ? Je l’ai maintes fois seriné, la générosité de ce cinéma, qui propose et dont le spectateur dispose, me ravit. C’est peu, diront les détracteurs. Mais je n’écoute pas. Il me reste, avant de vous quitter, à vous dire que le dernier plan, quasi 400-coups-truffaldien, est tout ce qu’il y a de bouleversant.