Top Cinéma 2025 : Sirāt, The Brutalist, Soundtrack to a Coup d’Etat, Une Bataille après l’autre, les films préférés de la rédaction

Cette année, c’était une grande année de renouvellement. Les grands maîtres ne sont presque plus là ; d’autres prennent crânement leur place, comme Paul Thomas Anderson s’inspirant de Kubrick ou Joachim Trier d’Ingmar Bergman. Les problématiques demeurent parfois les mêmes comme la folie humaine ou les conflits familiaux. Cette année, nos rédacteurs n’ont même pas voulu consacrer ces nouveaux grands maîtres. Ils ont préféré mettre en avant d’immenses révélations : Oliver Laxe pour l’Europe, Brady Corbet pour les Etats-Unis, ont ainsi dominé les classements de vos critiques préférés. Soulignons même l’hégémonie rare de Sirāt qui possède quasiment le double des points de son concurrent immédiat, en étant classé trois fois premier et deux fois deuxième, sur dix listes. L’un regarde vers le passé, l’Histoire ; l’autre vers l’avenir, mêlant dans un étrange cocktail Apocalypse, spiritualité et techno. Retrouvez dans ce dossier notre classement général des meilleurs films de l’année 2025, ainsi que ceux individuels de nos rédacteurs!

Toute la rédaction de MovieRama vous souhaite de très Joyeuses Fêtes !

TOP GENERAL FILMS 2025

1. Sirāt d’Oliver Laxe, 60 points.
2. The Brutalist de Brady Corbet, 31 points.
3. Soundtrack to a Coup d’Etat de Johan Grimonprez, 26 points
4. Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson, 24 points.
5. Résurrection de Bi Gan, 19 points.
6. L’Agent secret de Kleber Mendonça Filho, 18 points.
7. ex aequo Jeunesse (Retour au pays), de Wang Bing, L’Attachement de Carine Tardieu, Mektoub my Love : Canto Due d’Abdellatif Kechiche, 17 points.

10. Valeur sentimentale de Joachim Trier, 14 points.
11. Magellan de Lav Diaz, 13 points.
12. L’Engloutie de Louise Hémon, 12 points.
13. Le Rire et le couteau de Pedro Pinho, 11 points.


  • HANNA HROMOVETSKA

Bien que 2025 ait été riche en sorties de réalisateurs consacrés — de Paul Thomas Anderson et Yórgos Lánthimos à Joachim Trier et Richard Linklater — j’ai préféré la vision fraîche, les idées audacieuses et les approches non conventionnelles proposées par des cinéastes qui s’apprêtent tout juste à s’inscrire dans l’histoire du cinéma. Ainsi, quatre films de mon top 5 de l’année sont des premiers films, chacun proposant des observations attentives sur le cinéma en tant que médium. Parallèlement, des réalisateurs qui n’ont pas encore atteint un large public, comme Brady Corbet et Oliver Laxe, ont signé des œuvres monumentales et réflexives qui méritent une attention accrue. L’impression générale laissée par l’année prouve que le cinéma est loin d’être mort et nous invite, par conséquent, à attendre avec intérêt ce qu’il nous réservera dans l’année à venir.

  1. The Brutalist de Brady Corbet
  2. On Falling de Laura Carreira
  3. L’Engloutie de Louise Hémon
  4. La Convocation de Halfdan Ullmann Tøndel
  5. The Chronology of Water de Kristen Stewart
  6. Sirāt d’Oliver Laxe
  7. Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson
  8. Dangerous Animals Sean Byrne
  9. Kika de Alexe Poukine
  10. Jeunes mères de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne


  • CLEMENCE LESACQ GOSSET

  1. Sirāt d’Oliver Laxe
  2. L’Attachement de Carine Tardieu
  3. I love Peru de Raphaël Quenard et Hugo David
  4. Eleanor the Great de Scarlett Johansson
  5. Kneecap de Rich Peppiatt
  6. A Normal family de Hur Jin-Ho
  7. Partir un jour d’Amélie Bonnin
  8. La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa
  9. La Petite dernière de Hafsia Herzi
  10. Les Filles désir de Princia Car


  • MARGAUX BALLAND

2025 a révélé une constellation de films où l’individu s’est mesuré à des forces qui le dépassent : la violence des territoires ruraux (Le Clan des bêtes), la radicalité d’une quête spirituelle (Sirāt), la complexité des liens qui façonnent une place dans le monde (L’Attachement, La petite dernière). L’ensemble dessine une année où le genre sert de révélateur, qu’il s’agisse de sonder la brutalité (Dangerous Animals, Sinners) ou de questionner les zones grises de l’héroïsme (Evanouis). The Flats (documentaire) et Bird prolongent cette mise en tension du réel, en faisant de l’observation des corps et des espaces un révélateur de ce qui forge silencieusement une société. Entre luttes intimes, expériences partagées et fractures sociales, ces dix films partagent une même énergie : raconter des existences en transition, où chaque questionnement intérieur devient une clé de lecture du monde.

  1. Le Clan des Bêtes de Christopher Andrews
  2. Sirāt d’Oliver Laxe
  3. L’Attachement de Carine Tardieu
  4. The Flats d’Alessandra Celesia
  5. Partir un jour d’Amélie Bonnin
  6. Evanouis de Zach Cregger
  7. Dangerous Animals Sean Byrne
  8. Sinners de Ryan Coogler
  9. Bird d’Andrea Arnold
  10. La Petite dernière de Hafsia Herzi


  • XAVIER AFFRE

1 / L’agent secret (Kleber Mendonça Filho)

Le meilleur film de l’année, le film le plus abouti de Kleber Mendonça Filho. Un film-somme, une œuvre puissante, romanesque et politique, d’une grande maîtrise.

2 / Résurrection (Bi Gan)

Un voyage au bout du rêve, un véritable poème visuel, qui brouille la perception de l’espace et du temps qui met le spectateur sous hypnose. Il constitue un plaisir de chaque instant.

3 / The Brutalist (Brady Corbet)

Film d’une impressionnante fluidité, d’une incroyable densité qui impose Brady Corbet comme un cinéaste de premier rang. Une fresque sur l’Amérique et ses démons, son mensonge et sa désillusion.

4 / Jeunesse (Les Tourments) et (Retour au pays) (Wang Bing)

Wang Bing a filmé, entre 2014 et 2019, 2 600 heures de rushes dans des ateliers à Zhili, non loin de Shanghai. Une fresque documentaire essentielle sur la jeunesse chinoise travaillant dans le textile, portrait remarquable d’une Chine capitaliste.

5 / La Chambre de Mariana (Emmanuel Finkiel)

Le cinéaste évoque une nouvelle fois la Shoah en adaptant Aharon Appelfeld. Interprété par Mélanie Thierry dans l’un des plus beaux rôles, La Chambre de Mariana est une très grande réussite.

6 / Une Bataille après l’autre (Paul Thomas Anderson)

Une leçon de cinéma signée Paul Thomas Anderson. Un film fou, ambitieux et d’une maitrise impressionnante, porté par un Leonardo DiCaprio impérial. Portrait passionnant de l’Amérique contemporaine.

7 / Mektoub my Love : Canto Due (Abdellatif Kechiche)

Le retour sur les écrans du cinéaste de La Vie d’Adèle. Kechiche réalise un 3e volet sensuel et lumineux, passant d’un genre à un autre avec une belle aisance. Chronique de la banalité du quotidien portée par une formidable mise en scène.

8 / Bonjour la langue (Paul Vecchiali)

Ultime film de Paul Vecchiali mettant en scène la relation entre un père et son fils, clin d’œil à Godard et déclaration d’amour au cinéma, aux acteurs. L’un des plus beaux et des plus émouvants longs métrages d’un cinéaste trop peu connu.

9 / Fantôme utile (Ratchapoom Boonbunchachoke)

Un premier long métrage formidable, d’une grande originalité, qui renouvelle le film de fantôme par un scénario remarquablement écrit, une fable politique et burlesque d’une belle acuité. Découverte d’un cinéaste.

10 / Oui (Nadav Lapid)

Un véritable uppercut cinématographique, tant au niveau de la forme que du fond. Dans la lignée de ses récents derniers films, le cinéaste passe à la moulinette de sa caméra la société de son pays, jetant un regard sans concession sur Israël.

Mentions spéciales : L’invasion, La mer au loin, Imago, Kouté Vwa, L’Engloutie, The Neon People, Je n’avais que le néant, Les Linceuls, Les Feux sauvages, La Petite dernière


  • KEVIN CORBEL

  1. Résurrection de Bi Gan
  2. La Voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania
  3. Soundtrack to a Coup d’Etat de Johan Grimonprez
  4. Magellan de Lav Diaz
  5. Valeur sentimentale de Joachim Trier
  6. Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson
  7. L’Engloutie de Louise Hémon
  8. Escape from the 21st Century de Yang Li
  9. Sinners de Ryan Coogler
  10. L’Amour c’est surcôté de Mourad Winter


  • SEBASTIEN LAMOTHE

Honneur à un road-movie mystique – Sirāt  – parce que le cinéma est avant tout un voyage intérieur. Deux films brésiliens – L’agent secret et Je suis toujours là – dans ce top qui ont pour point commun de se dérouler à l’époque de la dictature militaire: besoin de faire resurgir le passé pour mieux appréhender l’avenir. Deux films aussi qui exaltent l’adolescence – Young hearts et Les enfants rouges – dans ce qu’elle a de plus brave et de plus rayonnante: une leçon pour le monde adulte. Deux films politiques qui se penchent sur un passé plus ou moins récent et prennent parti pour la liberté des peuples: le peuple congolais et la figure de proue de son indépendance, Patrice Lumumba – Soundtrack to a Coup d’Etat – un peuple palestinien menacé par la destruction et qui souffre sous le regard médusé du monde – Put your soul on your hand and walk. N’oublions pas un film de genre parmi tout cela qui ne détonne pas dans notre liste tant il apparaît novateur et efficace.

  1. Sirāt d’Olivier Laxe
  2. Soundtrack to a Coup d’Etat de Johan Grimonprez
  3. L’agent secret de Kleber Mendonça Filho
  4. The Brutalist de Brady Corbet
  5. Je suis toujours là de Walter Salles
  6. Young hearts de Anthony Schatteman
  7. Put your soul on your hand and walk de Sepideh Farsi
  8. Les enfants rouges de Lotfi Achour
  9. Les maudites de Pedro Martin-Calero
  10. Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson


  • PIERRE LARVOL

  1. Arco de Ugo Bienvenu
  2. Sirāt d’Oliver Laxe
  3. Reflet dans un diamant mort de Bruno Forzani, Hélène Cattet
  4. La trilogie d’Oslo / Désir de Dag Johan Haugerud
  5. Magellan de Lav Diaz
  6. Amélie et la métaphysique des tubes de Mailys Vallade, Liane-Cho Han
  7. L’Amour qu’il nous reste de Hlynur Palmason
  8. Miroirs no.3 de Christian Petzold
  9. Substitution – Bring Her Back de Michael Philippou, Danny Philippou
  10. Chime de Kiyoshi Kurosawa

Mentions : Toxic de Saulė Bliuvaitė, The Ugly Stepsister d’Emilie Blichfeldt, Wallace et Gromit : La palme de la vengeance de Nick Park, Merlin Crossingham 


  • POULET POU

1. Jeunesse (Retour au pays), de Wang Bing

L’humour accompagne le tragique — excellent passage du nouvel époux qui débute en couture, et qui en prend pour son grade —, et le montage dit tout, avec une ellipse finale qui, même si elle est attendue, impressionne durablement le spectateur par sa brutalité.

2. Imago, de Déni Oumar Pitsaev

Splendides vues des horizons montagneux derrière lesquels s’étend la Tchétchénie natale, réflexion sur la liberté vs. la famille, et le poids voire la pesanteur des traditions — mémorables séquences ’’entre femmes’’ sur fond de muezzin fatigué, puis entre hommes avec flingue —, évocation des blessures jamais refermées de la séparation des parents, ainsi que du traumatisme de la guerre et de l’exil, questionnement sur le cinéma ’’du réel’’, il y a tellement de choses qui se passent dans le film.

3. Un Simple accident, de Jafar Panahi

C’est juste super. OK l’auteur n’interprète pas sa partition de notable bienveillant — ce n’est plus l’heure —, et il n’y a pas non plus les habituels jeux méta réalité/fiction. Ceux-ci sont remplacés à certains moments par un parfum théâtral délibéré, fait autant pour tordre l’apparence de réalisme que pour synthétiser les enjeux, et qui m’a convaincu.

4. La Voie du serpent, de Kiyoshi Kurosawa

Le faux réalisme de cette sombre histoire de vengeance est le vecteur de ce qu’il faut bien appeler, poésie.

5. Les Linceuls, de David Cronenberg

Il s’agit peut-être, petit a, du Cronenberg le plus autobiographique, petit b, du plus hitchcockien, pensez Sueurs froides et sa femme double donc, et Fenêtre sur cour et sa pulsion scopique.

6. La Voyageuse, de Hong Sang-soo

D’une conversation banale, d’une interprétation musicale hésitante, d’un monument aperçu au détour d’une promenade, surgit soudain un questionnement intime, presque obscène — dont les correspondances d’un élève à l’autre amusent le spectateur habitué au principe de variations du cinéma de Hong.

7. Mektoub my Love : Canto Due d’Abdellatif Kechiche

J’ai beaucoup aimé l’ensemble, je veux dire, la peinture de la finitude de notre jeunesse insouciante, et les péripéties over-the-top que réserve la conclusion du film pour étayer son propos.

8. Kontinental’25 de Radu Jude

Passion remake, ici celui d’Europe 51 de Rossellini. Plus ou moins, car contrairement à ce qui arrivait à Ingrid Bergman chez RR, de nos jours l’illumination est refusée à la bourgeoise confrontée à la misère du monde. 

9. Ce n’est qu’un au revoir, de Guillaume Brac

Votre humble serviteur qui a passé enfance et adolescence à déménager peut en témoigner, comme le pressentent les héros de ce beau portrait documentaire de bandes de copains sur le point de se défaire pour cause de fin du lycée, difficile de garder le contact quand on ne se voit plus, malgré les serments aussi intenses que les amitiés. Guillaume Brac observe ses gracieux sujets avec beaucoup d’amour et une juste distance.

10. A House of Dynamite, de Kathryn Bigelow

Ce qui motive la grande Kathryn est la description des procédures prévues pour faire face à la crise — leur rationalité, aussi bien que leur inefficacité et leur absurdité.

Mentions spéciales pour Frantz Fanon, Aimer perdre, Le Cinquième Plan de La Jetée, Histoires de la bonne vallée.


  • THOMAS POUTEAU

1 — Sirāt d’Olivier Laxe : la seule fois de l’année où j’ai entendu, de concert, mon cœur et mes yeux exploser en même temps. Une envie complètement irrationnelle d’y retourner plusieurs fois par jour.

2 — Soundtrack to a Coup d’Etat de Johan Grimonprez : un uppercut d’archives et de jazz où le sens et le son s’accordent à l’unisson. L’Histoire danse pendant que l’Occident magouille en coulisses.

3 — Julie se tait de Leonardo Van Dijl : un film qui comprend que le mutisme est parfois plus violent qu’un cri. Chaque plan est une gifle retenue, et c’est précisément pour ça que ça fait si mal.

4 — Mektoub my Love : Canto Due d’Abdellatif Kechiche : on ne l’attendait plus, et voilà qu’il revient de la plus belle des manières, offrant une ombre aussi brûlante que le soleil. Certes Kechiche, mais surtout sans doute les plus grands acteurs — actrices surtout — de l’année.

5 — Tardes de soledad d’Albert Serra : le soleil, le sang, la mort : Serra transforme l’arène en mausolée existentiel. On regarde l’homme face au néant, et le néant gagne toujours — avec élégance.

6 — Le Rire et le couteau de Pedro Pinho : un film qui regarde l’humanité de biais, à hauteur de corps fatigués et de désirs mal rangés. Chaque scène semble improviser sa cruauté avec
élégance, laissant derrière elle une sensation trouble : celle d’avoir été séduit par quelque
chose de profondément inconfortable.

7 — Kika d’Alexe Poukine : un mélange des genres comme la recette de la soupe à l’oignon de ma grand-mère. C’est subversif, ça titille les zygomatiques et, en même temps, profondément tragique.

8 — Harvest de Athina Rachel Tsangari : un monde rural filmé comme une fin du monde en costume d’époque. Chaque image sent la terre, la peur et la disparition imminente. Sans doute la meilleure scène d’ouverture de l’année.

9 — Put your soul on your hand and walk de Sepideh Farsi : un film qui te regarde droit dans l’âme et te demande ce que tu fais de ton corps. Radical, inconfortable, incandescent — il nous rappelle qu’en faisant taire une voix, Israël a rendu un sourire immortel.

10 — Black Dog de Hu Guan : même la Joconde au Louvre n’a pas un sens du cadre comparable à celui de Hu Guan. Un chien, un homme, une Chine toute azimut, en ruines morales : un film sec, tendu, d’une précision politique qui mord plus fort que n’importe quel discours.

Bonus : L’Aventura ; À bicyclette ; Eddington ; L’Evangile de la révolution ; Résurrection.


  • DAVID SPERANSKI

1. La Trilogie d’Oslo : Rêves de Dag Johan Haugerud 

Renouant avec les cycles cinématographiques qui avaient été initiés par Eric Rohmer (Six contes moraux, Comédies et proverbes, Contes des quatre saisons) et Krzysztof Kieślowski (Le Décalogue, Trois Couleurs), Dag Johan Haugerud signe cette année une Trilogie d’Oslo qui fait date et écho à une autre Trilogie d’Oslo, celle de Joachim Trier (Nouvelle donne, Oslo 31 août, Julie (en douze chapitres) ). Ours d’or au Festival de Berlin cette année, décerné par le jury de Todd Haynes (Carol, Loin du Paradis), Rêves est sans doute le volet le plus poétique, vibrant et brillant de la Trilogie, déclenchant de multiples et profondes interrogations sur la fiction et la création, le mensonge et la vérité, l’amour, la sexualité et le genre. D’où son importance fondamentale.

2. Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson

A la fois blockbuster grand public, comédie d’action, acte politique plus qu’engagé contre le suprémacisme blanc et la présidence trumpiste, et bien évidemment prolongement des thématiques de son oeuvre devenue monumentale en quelques années, Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson prend tous les risques et réussit sur tous les tableaux. Un pari d’une insolence et d’une audace rares dans le cinéma américain contemporain.

3. Valeur sentimentale de Joachim Trier

L’art, la famille, le conflit. Dans les années 60 et 70, Bergman exprimait ces thèmes de manière extrêmement violente (Cris et Chuchotements, L’Heure du Loup). Aujourd’hui, dans notre ère post-#MeToo, Joachim Trier possède sa propre manière d’exposer et de résoudre ces problèmes de manière souterraine et apparemment apaisée, ce qui fait de Valeur sentimentale une oeuvre a priori classique et unanimiste mais traversée par de profonds soubresauts et d’insondables vertiges.

4. Sirāt d’Olivier Laxe

Talent pourtant remarqué avec Mimosas et Viendra le feu, Oliver Laxe accomplit un pas de géant (qu’il est réellement dans la vie) avec Sirāt, une oeuvre qui capte l’air du temps comme rarement, un air où fusionnent spiritualité, techno et visions apocalyptiques. A la fois intimiste et spectaculaire, un film de chevet pour mieux appréhender notre époque dysfonctionnelle.

5. Le Rire et le couteau de Pedro Pinho

C’était le film le plus long du Festival de Cannes de cette année. Mais il n’a fait reculer que les âmes peu téméraires. Car, embrassant dans un même mouvement la politique, l’économie et la sexualité, le film semble condenser dans ses 3h37 la dilatation rivettienne du temps, la sensorialité atmosphérique d’un Albert Serra, le marivaudage transgenré d’un Almodóvar et le caractère labyrinthique du collectif El Pampero. En effet, d’un tel film, on ne sort pas indemne.

6. The Brutalist de Brady Corbet

Fresque viscontienne ou coppolienne, s’étalant sur quinze voire quarante ans, The Brutalist s’impose par son ambition peu commune de décrire le sort des immigrés juifs aux Etats-Unis et sa direction d’acteurs déjà exemplaire (Adrien Brody, Guy Pearce, Felicity Jones, Raffey Cassidy, tous exceptionnels). Jeune cinéaste (seulement trois films), ex-comédien chez Haneke ou Lars von Trier, Brady Corbet peut aller très loin s’il parvient à maîtriser et canaliser son ambition dans une forme esthétique achevée.

7. Avatar : de Feu et de Cendres de James Cameron

C’était il y a trois ans, à l’époque de la sortie d’Avatar : la voie de l’eau. James Cameron confirmait qu’il était le seul cinéaste à pouvoir nous faire débourser quelques euros supplémentaires de manière justifiée pour des lunettes 3D. Trois ans plus tard, avec toujours la même maestria de mise en scène, James est toujours le seul à nous faire embarquer pour Pandora, afin de nous montrer comment une famille survit et se renforce à travers les épreuves, et comment la jeune génération finit par trouver son identité et son indépendance. Dire qu’il faudra attendre quatre ans pour connaître la suite…

8. La Voyageuse de Hong Sang-soo

On croit que tous les Hong Sang-soo se ressemblent. En apparence, c’est vrai : discussions quasi-philosophiques, démonstrations d’ivresse à table, des situations qui se répètent sans qu’on puisse réellement démêler la part de poésie, celle de symbolique et celle du réel. Pourtant rien n’est plus faux, surtout quand Isabelle Huppert est là. Elle semble réguler les choses alors qu’en fait elle les dérègle, pour le plus grand bien de la fiction.

9. Mektoub My Love : Canto Due d’Abdellatif Kechiche

Huit ans qu’on attendait la suite des aventures d’Amin, Ophélie, Tony, Céline…Rien que pour cela, ce deuxième volet, après l’Intermezzo escamoté, représente déjà un petit miracle. C’est une sorte de jumeau sombre du Canto Uno. La lumière de Sète brille encore mais ne va pas tarder à assombrir la tournure des destins : les agneaux meurent, l’avenir ne ressemble plus à un été permanent, constitué de danses effrénées et de séances de bronzage sur la plage.

10. Mickey 17 de Bong Joon-ho

Carton en France, dépassant le million d’entrées, faisant juste un peu moins que Parasite, ce film traîne une mauvaise réputation de satire du trumpisme et de notre époque en général. Pourtant, il n’est pas facile de deviner qu’il sera rapidement réhabilité, une fois que l’après-Parasite se sera dissipé, condamnant forcément son successeur à une réception moins favorable. Comme pour Une Bataille après l’autre, on peut penser à l’esprit jubilatoire de certains Kubrick (Docteur Folamour, Orange mécanique, Full Metal Jacket).

Mentions spéciales : Magellan, The Chronology of Water, Kika, Alpha, Un Parfait inconnu, The Phoenician Scheme.