X : le renouveau du slasher

 

En 2020, la société de production indépendante américaine A24 décide de produire un hommage au genre du slasher, en vogue dans le cinéma horrifique des années 70 et popularisé par le Halloween de John Carpenter. Pour concrétiser ce projet ambitieux, les producteurs font appel à Ti West. Le metteur en scène, spécialiste du film d’horreur, a réalisé une majorité de films qui ressemblent à ce que produisait le cinéma de genre dans les décennies 70 et 80. Parmi ses films les plus notables, se trouvent The Innkeepers et The House of the devil. Avec X, Ti West redonne un nouveau dynamisme au slasher, qui était tombé en désuétude depuis de nombreuses années et n’a pas forcément bien été réhabilité par des remakes ou reboots ratés. Ainsi, ce récit glaçant modernise le genre, le dépoussière, et va même en casser les codes habituels. 

Le scénario de X est simple, et va piocher dans les profondes racines du slasher en racontant l’histoire d’un groupe de jeunes qui se rendent dans une ferme pour y tourner un film pornographique. Malheureusement, la rencontre avec des hôtes particulièrement terrifiants et hostiles se transforme en massacre. 

En analysant le synopsis, il est clair que les références au mythique Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper sont présentes. Des personnes qui voyagent dans des zones rurales, dans un van, et qui choisissent comme lieu de tournage une ferme lugubre. Ces quelques éléments ne sont que des clins d’oeil au film avec Leatherface ou à La Colline a des yeux de Wes Craven. Ti West s’inspire de ces films cultes, en faisant plonger ses personnages dans un univers crasseux et inhumain. La première partie est certes un peu longue, mais sert à poser les solides bases de l’intrigue, en introduisant deux mondes parallèles, celui d’une jeunesse fougueuse et celui d’un couple de personnes âgées aux déviances psychiatriques avérées. Rien que les premiers instants du film permettent de révéler des tendances psychopathiques associées au culte du satanisme. Là où X se démarque nettement par rapport aux autres slashers, c’est qu’il parvient à développer une réelle histoire, avec des psychologies bien écrites. Nous ne sommes pas dans un récit expéditif, qui se contente de multiples saillies violentes et gores. Au contraire, chacun des personnages possède un minimum d’épaisseur. Le film utilise certains codes du sous-genre, avec ce tournage qui sert d’événement pour déclencher une folie meurtrière, comme peut l’être une colonie de vacances ou une fête. Cependant, X n’en possède pas toute la structure caractéristique, ce qui insuffle beaucoup de modernité et une volonté de s’affranchir des codes habituels utilisés à outrance. Ce qui dénote clairement, c‘est la non-utilisation des jump scares au profit d’une atmosphère angoissante. Les tueurs ne nous sont pas présentés avec des masques ou avec des visages défigurés, mais leurs physiques repoussants suffisent à créer un climat de terreur. Ce sont des personnages cependant éloignés du psycho-killer que nous connaissons tous, comme Michael Myers dans Halloween ou Jason Voorhees dans Vendredi 13.  

Néanmoins, le seul point commun réside dans les facteurs déclenchant une série de meurtres sauvages, ici le sexe et la luxure. Ti West montre parfaitement les oppositions entre ces jeunes aimant le plaisir de la chair et ces meurtriers réfractaires à ces pratiques. L’hostilité est efficacement représentée par le réalisateur qui décrit des tueurs froids et répugnants rejetant toute forme de perversités. Le sexe, pourtant contraire à leurs croyances défaillantes, semble absent chez ce couple vieux et malade ne pouvant plus faire l’amour. Rien que le titre, X, signifie l’interdiction. C’est sans nul doute une allusion au classement du cinéma pour adultes. Ce thème est simplement là pour symboliser la débauche et l’immoralité. Mis à part l’aspect horrifique, X contient un message humaniste qui s’éloigne légèrement de l’horreur et donne du sens à ce film, juxtaposant la déchéance physique et l’énergie de la jeunesse. La recherche d’une cure de jouvence, la disparition du désir sexuel et les affres du vieillissement agissent comme un sentiment de revanche provoquant inévitablement les pulsions violentes. 

Ti West, en bon artisan du cinéma d’horreur, montre la barbarie en restant fidèle au principal code du slasher, avec ses effusions de sang et ses têtes explosant comme des pastèques.  Les meurtres sont filmés à la manière d’un Dario Argento, avec de multiples coups de couteau, et un œil transpercé rappelle celle de Lucio Fulci. La seconde partie bascule donc dans le glauque, avec une tension extrême et une inquiétude grandissante. La mise en scène contribue indéniablement à la réussite de ce long-métrage qui nous emmène progressivement aux confins du style horrifique. L’esthétique sombre accentue grandement la sensation d’oppression. Les nombreuses scènes nocturnes sont bien sûr un terrain favorable à l’instauration de la peur.  

X est une bonne surprise, qui propose un schéma original différent de toutes les œuvres culte du slasher. Même si le film se rapproche du cinéma de genre des années 70, il n’en reste pas moins moderne. 

4

RÉALISATEUR :  Ti West
NATIONALITÉ : Américaine
AVEC : Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow, Kid Cudi
GENRE : Horreur
DURÉE : 1h45
DISTRIBUTEUR : Kinovista
SORTIE LE 2 novembre 2022