Sundown : vacances à Acapulco

Michel Franco possède une réputation de cinéaste controversé, incarnant pour certains le renouveau du cinéma mexicain, pour d’autres une espèce peu enviable de sous-Haneke se livrant à des expériences sur ses personnages, sans démontrer le moindre affect envers eux. Sundown ne dérogera pas à la règle et n’incitera guère ses admirateurs ou ses contempteurs à changer d’avis. Expérience assez grossièrement manipulatrice, Sundown repose essentiellement sur deux twists qui révéleront la vérité au sujet de ses personnages, afin de vanter les mérites d’une philosophie vaguement épicurienne, extrêmement conventionnelle. Heureusement Michel Franco peut compter ici sur le magnétisme de Tim Roth (et un peu celui de Charlotte Gainsbourg) pour meubler la vacuité d’un film atmosphérique reflétant la chaleur et le danger ambiants à Acapulco.

Une riche famille anglaise passe de luxueuses vacances à Acapulco quand l’annonce d’un décès les force à rentrer d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil affirme qu’il a oublié son passeport dans sa chambre d’hôtel. En rentrant de l’aéroport, il demande à son taxi de le déposer dans une modeste « pension » d’Acapulco…

S’il existe une chose à retenir d’un film aussi vain, c’est peut-être la disponibilité narrative qui éclot dans la première partie du film pour se refermer assez vite (1h23, le film est heureusement assez court) dans une vacuité, si l’on ose dire, complètement mortifère.

Dans le rayon des films dépressifs, Sundown souhaite remettre au goût du jour des thématiques appartenant par exemple à Profession reporter de Michelangelo Antonioni ou Five easy pieces de Bob Rafelson, mettant en scène des personnages en quête d’une autre vie, Néanmoins, outre le fait non négligeable que Jack Nicholson dispose d’un charisme autrement plus impressionnant que celui de Tim Roth, n’est pas Antonioni ou même Rafelson qui veut, Comparer ce pauvre canevas narratif à L’Etranger d’Albert Camus apparaît encore plus hors de propos. Un schéma de polar existentiel se suffisait peut-être à lui-même sans qu’il fût nécessaire de rajouter une opacité trompeuse quant à deux éléments centraux de l’intrigue, la teneur des liens familiaux unissant le personnage de Neil à celui d’Alice, et surtout la motivation réelle du comportement assez inexplicable de Neil. Si ces deux éléments suffisent à justifier pour lui un quelconque intérêt, le spectateur appréciera le film comme un puzzle intellectuel destiné à éprouver son intelligence. Si, en revanche, le spectateur aime à ressentir une certaine empathie pour les personnages qu’il observe sur un écran, sa capacité de compassion sera mise à rude épreuve, tant le personnage de Neil est montré comme peu intéressant, égoïste et autocentré. Changer de vie représente un thème suffisamment intéressant en soi pour ne pas rajouter des twists artificiels qui, en plus, éclaireront surtout en fait la banalité de la vision de la vie (et du cinéma) de Michel Franco. Pour lutter contre un crépuscule (Sundown, au cas où le spectateur peu fûté n’aurait pas forcément compris le sens de l’histoire) inéluctable, autant profiter d’un soleil écrasant, d’une régionale de l’étape plutôt accorte, et prêter peu d’attention aux règlements de compte de la mafia locale, ce qui fait que ce film ne représente pas véritablement une carte postale attirante au bénéfice de l’office du tourisme d’Acapulco.

S’il existe une chose à retenir d’un film aussi vain, c’est peut-être la disponibilité narrative qui éclot dans la première partie du film pour se refermer assez vite (1h23, le film est heureusement assez court) dans une vacuité, si l’on ose dire, complètement mortifère. Les rapports au sein d’une même famille, la relation malsaine au phénomène de la mort, le climat écrasant de son pays, semblent passionner Michel Franco. Il eut sans doute été préférable que Franco creuse davantage cet état de disponibilité au lieu de finir par le verrouiller scénaristiquement, de manière aussi banale. Comme l’écrivait le Cardinal de Retz, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment« .

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RÉALISATEUR :  Michel Franco
NATIONALITÉ : mexicaine 
AVEC : Tim Roth, Charlotte Gainsbourg
GENRE : Drame, thriller
DURÉE : 1h23 
DISTRIBUTEUR : Ad vitam 
SORTIE LE 27 juillet 2022