Severance : l’esprit d’entreprise

Disponible depuis le 18 février 2022, Severance n’a pas fait grand bruit dans les médias, en raison sans doute de la notoriété relative de la plateforme qui l’abrite, Apple TV+. Malgré ce manque de publicité, la série créée par Dan Erickson et réalisée en grande partie par Ben Stiller (6 épisodes sur 9) a reçu des critiques dithyrambiques dans la presse spécialisée. Son ton original mariant humour et thriller ainsi que son incroyable casting – John Turturro, Christopher Walken et Patricia Arquette pour ne citer qu’eux – y sont certainement pour quelque chose.

L’action prend place au sein de Lumon Industries, mystérieuse société où un certain nombre de collaborateurs ont consenti à subir une opération chirurgicale visant à séparer leurs souvenirs : ceux qui concernent leur vie personnelle d’un côté et ceux qui concernent leur vie professionnelle de l’autre. Grâce à ce procédé appelé « severance » ou « dissociation » en français, les « innies » – les employés – ignorent tout de ce qui se passe dans la vie des « outies » – leur version privée – et inversement.

Véritable satire du monde de l’entreprise, la série nous dresse le portrait peu flatteur d’un salarié complètement aliéné qui se donne corps et âme pour satisfaire ses employeurs.

Comme une nouvelle fantastique, le pilote de la série nous plonge directement au coeur de l’action alors qu’une jeune femme se réveille dans une salle de réunion déserte sans avoir la moindre idée de qui elle est ni de ce qu’elle fait là. Un procédé scénaristique habile qui permet au spectateur de découvrir l’univers complexe de Severance en même temps que le personnage d’Helly interprété par Britt Lower (Man Seeking Woman, Unforgettable). D’abord cocasse, la situation vire rapidement au cauchemar quand la travailleuse réalise le peu de liberté que son statut d’« innie » lui procure.

Au premier abord loufoque, le synopsis devient de plus en plus sombre et dense à mesure que les épisodes s’écoulent. Le point d’orgue étant le neuvième épisode de cette première saison intitulé Le nous en nous (The We We are en VO) qui, pendant les 40 minutes qui le composent, n’en laisse pas une seule au spectateur pour reprendre son souffle. Une tension presque insoutenable qui fait de ce « season finale » un des plus réussis de l’histoire des séries.

Présenté comme un thriller dystopique, Severance propose en réalité un double niveau de lecture. Véritable satire du monde de l’entreprise, la série nous dresse le portrait peu flatteur d’un salarié complètement aliéné qui se donne corps et âme pour satisfaire ses employeurs. La représentation du patronat y est cependant tout aussi péjorative. La manageuse Harmony Cobel, incarnée par Patricia Arquette, ne communique avec l’énigmatique direction que par le biais d’un interphone ou d’une assistante glaciale munie d’une oreillette. Complétement déshumanisée, l’administration est dépeinte comme une entité informe qui traite ses employés comme de vulgaires pions.

Severance est la preuve que la plateforme de streaming Apple TV+, quelque peu éclipsée par les mastodontes que sont Netflix, Prime Video et OCS, mérite toute notre attention. Il y a bien longtemps en effet qu’on n’avait pas eu la chance d’admirer une proposition artistique aussi novatrice et audacieuse. Annoncée officiellement le 6 avril dernier, la deuxième saison du show confirmera-t-elle cette très bonne première impression ? Verdict attendu pour le second semestre 2023…

5

CRÉATEUR :  Dan Erickson
NATIONALITÉ : Américaine
AVEC : Adam Scott, Patricia Arquette, Britt Lower
GENRE : Thriller, Science-fiction, Comédie dramatique
DURÉE : 9x 40-55mn
DIFFUSEUR : Apple TV+
SORTIE LE 18 février 2022