Sur la branche : un duo hors norme

Pour son nouveau long-métrage, Marie Garel-Weiss (La Fête est finie), se tourne résolument vers un registre plus comique, associant l’inénarrable Benoit Poelvoorde à une Daphne Patakia (Benedetta) hilarante et étonnante, un duo atypique dont le décalage et la marginalisation en font des protagonistes évoluant en-dehors des conventions sociales. Alors que son précédent film possède une tonalité dramatique, la cinéaste change de style, tout en gardant son souhait d’évoquer la vie étrange de ces citoyens marginaux, certainement inadaptés, avec des caractères et comportement particuliers, embarqués dans une rencontre rocambolesque et burlesque. Rythmée et surtout drôle, l’union aussi bizarre que singulière de ce binôme délirant et spécial rappelle les belles heures du cinéma comique français.

Mimi, en recherche de travail, s’associe avec Paul, un avocat, pour aider Christophe, un détenu clamant son innocence.

En filmant des personnages hors norme, Sur la branche nous emmène sur le chemin de tous ceux se situant en dehors des codes sociétaux, entre enfermement et liberté, à la découverte de personnages exclus de la société, dont les tempéraments vont s’allier et s’unir, créant ainsi une association non-conventionnelle, où l’un comme l’autre va trouver apaisement et acceptation.

Marie Garel-Weiss confirme son intention de parler de cette classe de la population, invisible ou refoulée, ceux qui vivent loin des normes, en ayant des particularités. En cela, ce qu’elle raconte dans Sur la branche lui permet d’argumenter sur ce sujet, elle qui aime déjà mettre en scène des duos, comme dans La Fête est finie. À travers Mimi, jeune femme différente et au demeurant sympathique, la cinéaste écrit la trajectoire d’un personnage aux caractéristiques atypiques, s’exprimant sans filet, possédant pléthore de comportements asociaux, dont les postures et les attitudes trahissent cette inadaptation et la non-compréhension des règles de communication. Le scénario ne rentre pas dans le détail de ces troubles, au contraire, ils plaident pour l’intégration, l’inclusion d’une femme terriblement inadaptée. Pourtant, Mimi avance fièrement dans ses objectifs, naviguant dans sa vie malgré ses difficultés, dans un environnement que le scénario voulait surtout compréhensif. Ainsi, il y a ce Paul (Benoit Poelvoorde), avocat lui aussi en décalage, dont les facultés identiques en font un compagnon de route parfait pour une Mimi ne trouvant certainement pas sa place ailleurs. Qui se ressemble s’assemble pourrait être la devise de ce film, celui-ci insistant sur le fait que la jeune femme trouve dans cette relation le zeste de confiance qui lui manque, lui permettant de vivre, certes en-dehors des clous, dans une société peu propice à son épanouissement. Cependant, cette rencontre improbable se transforme en véritable chance d’évoluer à sa façon dans un monde auquel elle ne semble pas vouloir appartenir, restant constamment dans sa bulle, totalement animée par cette soif de justice, alors qu’elle exerce le métier d’assistante auprès d’avocats. D’une certaine manière, Sur la branche parle du handicap social, d’une manière d’être dans cette existence, cette capacité à vivre différemment, penser autrement, toutes ces spécificités d’une Mimi vivant dans un autre monde, le sien, cet univers parallèle dans lequel Paul remplit une importante mission, celle de pouvoir comprendre tout cela sans jugements. Ainsi, ce duo fonctionne comme une paire partageant le même schéma atypique.

Marie Garel-Weiss décrit un tandem désopilant, souvent à la limite de l’implosion, mais dont l’aspect comique prédomine, joyeusement accentué par les prestations hilarantes de ses deux interprètes.

Nous connaissons Benoit Poelvoorde pour ses facéties survoltées, parfois incontrôlables, mais fréquemment drôles. Ici, l’acteur met toute son énergie débordante dans un personnage qui lui ressemble, écrit sur mesure, un homme tiraillé par les doutes et la mélancolie, hors de contrôle, presque volcanique et explosif. Daphne Patakia livre une composition digne des prestations burlesques, marchant comme un robot, regardant fixement, adoptant une posture droite, parlant sans filtre, avec des répliques ressemblant à des saillies comiques, cet humour vif et tranchant qui fait mouche à chaque fois. Mais, au-delà des nombreuses situations se multipliant à un rythme effréné, Sur la branche raconte surtout des chemins qui se croisent, des destinées semblables se rencontrant pour donner un nouveau souffle à une vie quelque peu désordonnée. On peut ainsi dire qu’il s’agit de deux êtres se nourrissant mutuellement pour repartir sur de nouvelles bases. C’est l’histoire d’une connexion, permettant de sortir d’une voie toute tracée pour en choisir une autre. Marie Garel-Weiss sublime le réel, en fabriquant un univers à la Buster Keaton où tout est possible, où le champ des possibilités ouvre une porte vers la structuration des liens sociaux. On rit de bon cœur avec cette paire remémorant des films cultes comme La Chèvre, mais il y a derrière tout cela une foule de réflexions sur les relations humaines, disant que chacun détient les ressources suffisantes pour remédier à ses problèmes, ces solutions de compensation si essentielles. Alors que l’œuvre imagine des agitations existentielles, il expose également une vision sur ces capacités d’adaptation, compensatoires, d’espoir aussi, celui de se trouver avec une personne épousant le même mode de vie et de pensée, sans se soucier des regards ou d’être jugé.  

 

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RÉALISATEUR : Marie Garel-Weiss
NATIONALITÉ :  France
GENRE : Comédie
AVEC : Benoit Poelvoorde, Daphne Patakia, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard
DURÉE : 1 h 33
DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution
SORTIE LE 26 juillet 2023