Haut et fort : le hip-hop instrument de libération politique

Avec Much Loved, film naturaliste sur des prostituées marocaines, sélectionné en 2015 à la Quinzaine des Réalisateurs, Nabil Ayouch s’est fait connaître internationalement du grand public. Cette fois-ci, il rentre dans le grand bain en étant retenu en compétition de la Sélection Officielle avec Haut et fort, un film sur le hip-hop. Ce sera l’occasion d’aborder de nombreux thèmes d’actualité : l’Islam, la libération politique du monde musulman, la place faite aux femmes dans ce monde.

Anas, ancien rappeur, est engagé dans un centre culturel d’un quartier populaire de Casablanca. Encouragés par leur nouveau professeur, les jeunes vont tenter de se libérer du poids de certaines traditions pour vivre leur passion et s’exprimer à travers la culture hip hop….

Nul doute que lorsque retentissent les morceaux rap dans le film, on ait franchement envie qu’ils résonnent partout haut et fort.

Nabil Ayouch n’est pas véritablement un formaliste. Il s’impose surtout par sa force de conviction et la dimension politique de ses sujets, bien plus que par l’esthétisme de son style documentaire et sans fioritures. Autant son style relativement rudimentaire ne se caractérise pas par son esthétique révolutionnaire, autant ses sujets sont conçus pour questionner de fond en comble la société marocaine dont il est issu. Haut et fort ressemble par certains côtés à Entre les murs de Laurent Cantet, Palme d’or 2008. Par l’enseignement, un professeur va donner les clés de la liberté politique et sociale à ses élèves, tout en sachant que la société reste toujours aussi enfermée dans ses préjugés.

En témoigne cette scène où une jeune élève est ramenée par ses parents manu militari car le contenu des cours d’Anas risque de faire entrer du contenu politique non souhaité dans la famille. Pourtant, d’après l’une des plus belles scènes du film, toutes les filles du groupe sont relativement émancipées, en ne portant pas le voile de manière régulière et appropriée. La question de l’émancipation féminine est d’autant plus brûlante au Maroc en raison de la pression de la religion musulmane qui voit d’un mauvais oeil les femmes marocaines échapper progressivement à l’asservissement à leurs maris. Les garçons du groupe n’ont d’ailleurs pas tous abandonné leurs stéréotypes sexistes et machistes.

Néanmoins, comme aux Etats-Unis, la culture hip-hop sert à permettre de s’évader de la pauvreté et du manque de reconnaissance, en permettant de créer un lien communautaire. C’est principalement cet aspect-là que met en valeur Nabil Ayouch, rendant certains des protagonistes, en particulier des jeunes femmes, particulièrement émouvants. Comme on le voit dans le film, certains, surtout dans l’arrière-garde réactionnaire, considèrent que ce n’est pas de l’art alors qu’il s’agit d’un moyen d’expression qui permet de libérer les corps et les esprits, ce qui pourrait correspondre sans difficulté à l’une des missions essentielles de l’art, C’est le principal intérêt de Haut et fort de communiquer cette énergie de la jeunesse, cette envie formidable de s’en sortir, directement écoutable sur la bande-son. Nul doute que lorsque retentissent les morceaux rap dans le film, on ait franchement envie qu’ils résonnent partout haut et fort.

2.5

RÉALISATEUR : Nabil Ayouch 
NATIONALITÉ : marocaine
AVEC : Ismail Adouab, Anas Basbousi, Meriem Nekkach
GENRE : Musical, drame
DURÉE : 1h42 
DISTRIBUTEUR : Ad Vitam 
SORTIE LE 17 novembre 2021