Alam : le drapeau de la discorde

Film sur fond de conflit israélo-palestinien, Alam, de Firas Khoury, choisit d’évoquer l’un des problèmes les plus épineux de l’histoire contemporaine, cette lutte entre Israël et la Palestine. Le cinéaste tunisien ne rentre pas dans la description d’une opposition meurtrière, mais utilise des drapeaux comme symbole de la division, dans une population soumise à une forme de cohabitation. Représentant l’appartenance à une nation, ainsi qu’une identité, ils sont également les emblèmes d’un profond désaccord perdurant dans le temps. Dans cette région dévastée par ce déséquilibre, le jeune Tamer et sa bande d’amis s’érigent en étendard d’une jeunesse révoltée, animée par un militantisme chevillé au corps. En filmant cet acte de rébellion face au pouvoir en place, le metteur en scène décrit tout un pan historique ainsi qu’une génération prête pour la révolution, fière de brandir un drapeau tout en défiant la possible répression.

Pour séduire la magnifique Maysaa, Tamer décide de prendre part à une opération délicate : mettre le drapeau palestinien sur le toit de son lycée.

Un drapeau devient l’exemple d’un pays, d’une nationalité, d’une Palestine annexée et colonisée souhaitant une indépendance. Ces objets colorés et flottants au gré du vent se changent néanmoins en tissus de la discorde. Alam traite de ces étendards en évoquant intelligemment les blessures intérieures de ces habitants hantés par un passé guerrier et combatif.

En regardant Alam, une partie de l’histoire de l’humanité se dévoile, le film racontant les quelques étapes permettant d’apprécier le contexte actuel. Le cinéaste n’indique pas le lieu de l’intrigue, mais place sa caméra dans un établissement scolaire où les enseignements historiques livrent de précieuses informations sur les grandes lignes ayant permis de tracer les contours de ce conflit. Dans ce système imposé par les autorités, les Palestiniens survivent moralement, obéissant aux règles ou se révoltant contre le modèle sociétal mis en place. Tel est le cas de ce groupe de jeunes, avec ce Tamer d’abord réticent, mais choisissant de participer à ce geste symbolique, accrocher le drapeau palestinien en haut de ce lycée. En voulant plaire à la belle Maysaa, le lycéen opte pour la prise de risques, délaissant son insouciance, rentrant délibérément dans une attitude militante et potentiellement dangereuse. Firas Khoury parle de cette bataille pour la liberté, de cet activisme créant un comportement réactionnaire, cette volonté acharnée de défendre une identité et un territoire. Le cinéaste décrit une petite troupe amicale qui, par un simple acte, défie les institutions politiques existantes, avec un drapeau en guise de protestation. Au lieu de montrer les affrontements sanglants, Alam opte pour une définition plus pacifique du militantisme, abordant subtilement cette récurrente question de la révolution et de l’appartenance à un peuple. En énumérant les faits passés, Alam adopte le choix du devoir de mémoire, rendant un hommage aux anciennes générations ayant combattu face aux Israéliens, ces jeunes étudiants prenant courageusement le relais en honorant ceux qui, avant eux, ont osé se soulever. Firas Khoury dresse le constat d’une jeunesse contrastée, entre joie et tristesse, sans doute accablée par la morosité ambiante et le poids d’une histoire familiale marquée par ce conflit. Toutefois, les fêlures morales n’entament pas la détermination et la ténacité de ces personnes militant pour la reconnaissance de la Palestine.

Acte de défiance et de désapprobation, l’accrochage de ce drapeau signifie autre chose que défendre son identité. En effet, cette action symbolique revêt une importance plus particulière, celle de la non-assimilation aux coutumes israéliennes.

Dans cette ville où la vente de falafels domine, où les cours scolaires sont bouleversés pour convenir au régime, la population palestinienne souffre de cette existence remplie de contraintes, forcée d’adopter ce mode de cohabitation qui ne leur convient guère. Décrocher un drapeau, le remplacer par celui de la Palestine devient une mission peu anodine signifiant autant l’amour d’une région qu’une forme d’insoumission face à un environnement régi par les lois d’Israël. Firas Khoury le prouve fortement, tellement ses protagonistes rejettent toute idée de se fondre dans ce type de société, de s’assimiler à d’autres coutumes ou traditions, et de voir toute une histoire détruite par la création de l’État israélien en 1948. Si Alam manque de souffle et aurait pu aller plus loin dans la provocation, il n’empêche que son sujet comporte matière à réflexion. L’ensemble de l’œuvre, sous son aspect militant, raconte ce qu’est avoir vingt ans dans une zone géographique minée par les années de luttes, nous explique comment un schéma de survie se construit pour affronter le quotidien, filme des jeunes tiraillés entre modernité et souvenirs d’un passé chaotique, revendiquant vaillamment une solide identité. Ce que dit Firas Khoury dans ce film se change effectivement en revendication, dans un État où brandir un drapeau créé répression et arrestations, où les droits semblent réduits à néant. Alam comporte un message identitaire stipulant cette forte appartenance, dénonçant un pouvoir autoritaire réprimant toutes manifestations ou autres événements et condamnant le simple fait d’arborer fièrement un drapeau. Il évoque aussi cette permanente interrogation sur la question palestinienne revenant régulièrement dans l’actualité. Si le cinéma a auparavant fait le tour du sujet, Alam apporte une pierre à un édifice qui ne cesse de se construire pour critiquer ce qui est malheureusement devenue une problématique majeure de l’époque contemporaine.

 

3.5

RÉALISATEUR : Firas Khoury
NATIONALITÉ :  Palestine/France/Tunisie/Arabie Saoudite/Qatar
GENRE : Drame
AVEC : Mahmood Bakri, Sereen Khass, Mohammad Karaki
DURÉE : 1 h 40
DISTRIBUTEUR : JHR Films
SORTIE LE 30 août 2023