« La musique de film n’a pratiquement jamais cessé d’être extrêmement mauvaise » peut-on lire dans l’introduction du nouvel ouvrage du chercheur et auteur Jérôme Rossi, L’Analyse de la musique de film. Derrière cette citation de 1979, un compositeur notable du XXème siècle, Pierre Boulez, dont le rapport à la musique de film était sans équivoque. Un art à part entière souvent considéré comme un art mineur, par son aspect utilitaire et son éloignement avec une musique savante. Sans être tout à fait indifférent à la musique de film, le milieu académique s’est longtemps poliment détourné de cet art, pourtant toujours plus exposé avec la progression de l’industrie cinématographique et l’amélioration des techniques. Aujourd’hui, avec l’essor des supports de diffusion, « écouter » un film est devenu facile. Mieux encore, avec la popularisation des « bandes originales », la musique de film est plus volontairement autonome. Elle ne peut toutefois indéfiniment fuir sa raison d’être, son imbrication dans un ensemble. Un lien qui amène des interrogations : entre l’image et les sons du film, où se situe cette musique ? Quelle est sa fonction ? Pour travailler cette réflexion, au cas par cas, il faut reconnaître les grandes qualités du livre de Jérôme Rossi, aussi complet que qualitatif.
Avec ses 740 pages et ses 1.2kg, L’Analyse de la musique de film est une somme de connaissances. Un travail colossal, dont le contenu s’adresse autant aux passionnés du septième art, qu’aux étudiants, chercheurs et historiens cinéphiles. Si un langage scientifique peut prédominer dans certaines parties du livre, la musicologie ayant son propre vocabulaire, l’ensemble reste tout à fait accessible. L’écriture est par ailleurs précise et claire, facilitant la bonne compréhension des nombreuses analyses proposées. A cet égard, face à la pluralité des thématiques abordées, il est important de souligner que l’ouvrage peut se lire de manière non linéaire : on peut tout à fait se focaliser un sujet en particulier via la table des matières ou parcourir les références aux 550 films cités via l’index. Un cinéma principalement occidental, comme expliqué par l’auteur : « bien qu’ayant pleinement conscience de l’importance des cinémas asiatiques, africains et sud-américains, j’ai choisi de concentrer principalement mon étude sur la littérature analytique et les films occidentaux ». De John Williams à Hans Zimmer, en passant par Bernard Herrmann, on retrouve toutes les époques du cinéma. L’importante bibliographie démontre la volonté de Jérôme Rossi d’étendre autant que possible le champ historique et critique relatif à l’analyse de la musique de film. Une pertinente manière d’accompagner la présentation des concepts et méthodes appliqués pour décortiquer une bande originale. L’aide mémoire analytique présent à la fin du livre est un outil réellement intéressant, notamment pour les étudiants en cinéma.
Au fond, « la musique n’est qu’un moyen « différent » d’aborder le film et ses thématiques ». On ne peut être plus d’accord. L’Analyse de la musique de film est un ouvrage précieux et éclairant, une véritable référence dans son domaine.
Pour approfondir le sujet, n’hésitez pas à parcourir nos différentes interviews de compositeurs :
- Eric Neveux (De son vivant, Un village français)
- Nathaniel Méchaly (Shadowplay, Taken)
- Etienne Jaumet (La nuit des sacs plastiques)
