Jane Austen a gâché ma vie : romance et sentiments

Nombreux sont les fans des comédies romantiques des années 90-2000, ceux qui vouent un culte particulier et très personnel aux films écrits ou réalisés par Richard Curtis (Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill, Love actually, Le Journal de Bridget Jones, Good Morning England, Il était temps). Laura Piani en fait assurément partie. On retrouve en effet cet amour immodéré de ce type de comédies dans son premier film, Jane Austen a gâché ma vie, au titre joliment provocateur. Il est pourtant facile d’en comprendre le sens. Tout comme la lecture d’ouvrages romantiques a pourri la vie de Madame Bovary, Jane Austen aurait peut-être gâché la vie de milliers de jeunes femmes en leur faisant poindre l’espoir d’un grand amour qui ne viendrait jamais.

Agathe a autant de charme que de contradictions. Elle est célibataire mais rêve d’une histoire d’amour digne des romans de Jane Austen. Elle est libraire mais rêve d’être écrivain. Elle a une imagination débordante mais une sexualité inexistante. La vie n’est jamais à la hauteur de ce que lui a promis la littérature. Invitée en résidence d’auteurs en Angleterre, Agathe devra affronter ses peurs et ses doutes pour enfin réaliser son rêve d’écriture… et tomber amoureuse.

Le plaisir de Jane Austen a gâché ma vie vient ainsi de retrouver le goût un peu démodé, en fait intemporel, des comédies d’antan, où le passage à l’acte n’est même pas à l’ordre du jour.

Les films de Richard Curtis, c’était une époque bienheureuse, celle des comédies romantiques légèrement désuètes, où le consentement n’était même pas un problème puisqu’on n’y forçait jamais personne. C’était même plutôt le contraire. Il fallait attendre que les gens passent des plombes avant de se décider à déclarer leur flamme. Donc le sexe était en fait allégrement hors sujet. Le plaisir de Jane Austen a gâché ma vie vient ainsi de retrouver le goût un peu démodé, en fait intemporel, des comédies d’antan, où le passage à l’acte n’est même pas à l’ordre du jour.

Agathe officie donc en tant que libraire à Shakespeare and co une célèbre librairie du Quartier latin, spécialisée dans les oeuvres anglo-saxonnes. Un brin coincée, elle ne sort pas mais dîne seule dans des restaurants asiatiques et rêve surtout de romances sur une musique subtilement imitée de celle d’In the mood for love. Velléitaire, elle s’essaie à l’écriture mais trouve ses écrits d’une nullité intersidérale face aux romans sacro-saints de son idole Jane Austen. Son collègue Félix (Pablo Pauly, déjà remarquable dans Et plus si affinités), à qui l’oppose des discussions humoristiques quotidiennes, conflits qui pourraient sous-entendre des sentiments plus sérieux, l’inscrit à un séjour à la Jane Austen Residency. Sur place, elle découvrira un monde joliment singulier, où le propriétaire se promène le matin les fesses nues, et où son fils ressemble à s’y méprendre à Hugh Grant.

Jane Austen a gâché ma vie est surtout un véhicule idéal pour apprécier la verve et la présence dégingandée de Camille Rutherford, grande perche brune dont la grâce singulière avait illuminé quelques scènes de La Nuit du 12, d’Anatomie d’une chute, Le Livre des solutions ou Les Trois mousquetaires : Milady. Dans son premier rôle principal, elle fait feu de tout bois à chaque scène, au point de se faire cracher dessus par un lama tout droit sorti des aventures de Tintin et ravit par sa présence décalée qui annonce un fort tempérament comique, tout en discrétion et élégance. Le film dispose également d’une musique du rare et précieux Peter Von Poehl et d’une intervention poétique et inattendue à la fin du grand Frederick Wiseman, entre autres gens de bonne compagnie.

Seul petit bémol, Jane Austen a gâché ma vie, bien que fort drôle et cocasse, se contente souvent d’illustrer sagement son scénario, et manque un peu de cinéma, c’est-à-dire de croyance en sa fiction et d’écarts stylistiques qui manifesteraient de la part de Laura Piani une certaine liberté par rapport à son histoire. Mais, en étant à son premier film, elle a largement le temps de progresser sur la question. Tel quel, Jane Austen a gâché ma vie distille un plaisir jouissif et discrètement mélancolique qui ravira les nostalgiques des comédies d’antan.

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RÉALISATRICE : Laura Piani
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : comédie
AVEC : Camille Rutherford, Pablo Pauly, Charles Anson
DURÉE : 1h34 
DISTRIBUTEUR : Paname distribution
SORTIE LE 22 janvier 2025