Après Peindre ou faire l’amour en 2005 présenté en Compétition officielle, Le Voyage aux Pyrénées à la Quinzaine des réalisateurs en 2008 ou plus récemment Tralala en Séances de minuit en 2021, les frères Larrieu reviennent sur la Croisette dans la section Cannes Première avec un très beau long métrage.
Adaptation du roman éponyme de Pierric Bailly, Le Roman de Jim met en scène Aymeric, un jeune homme habitant à Saint-Claude, qui retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim naît, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu’au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque…
Mais c’est oublier que le cinéma des Larrieu a toujours eu un côté romanesque, alliant également moments pudiques et sensibles qui touchent au cœur.
On est d’abord étonné de ne pas retrouver le lieu emblématique des célèbres cinéastes français, les Pyrénées mais il est tout de même ici question d’une région de montagne (l’action du film se déroulant essentiellement en milieu rural). De la même manière, le ton de cette histoire, plus classique, tranche avec l’aspect loufoque et débridé de certaines de leurs productions antérieures (que l’on songe notamment à Tralala pour s’en convaincre). Mais c’est oublier que le cinéma des Larrieu a toujours eu un côté romanesque, alliant également moments pudiques et sensibles qui touchent au cœur. Ils le prouvent une nouvelle fois. Sur un tel canevas scénaristique, on pouvait pourtant craindre un mélodrame de la pire espèce. Il n’est est rien : à aucun moment, les réalisateurs ne choisissent de passer en force, d’en rajouter dans l’émotion (pas de mièvrerie à l’œuvre) ou dans la caricature. Leur amour pour les personnages est visible à l’écran. Ce qui se déroule sous nos yeux, c’est tout simplement la vie, dans toute sa complexité.
La violence et les larmes à outrance ne font pourtant pas partie du programme de Jean-Marie et Arnaud Larrieu.
A ce titre, le personnage joué par Karim Leklou est un modèle : porté par un comédien magnifique (encore un rôle marquant prouvant l’étendue de son talent), Aymeric est extrêmement attachant et d’une grande bienveillance envers les autres (qui peut aller jusqu’à faire de la prison sans balancer ses copains au début du film). Il accepte de s’occuper de l’enfant de sa compagne et d’en devenir le père, la relation qu’il noue avec Jim est le cœur battant du long métrage. Il accomplit sa mission avec tendresse, donnant beaucoup d’amour à Jim. La situation se complique lorsque le père biologique dépressif (joué par Bertrand Belin, très juste lui aussi) refait surface et souhaite se rapprocher de l’enfant, ce qui, malgré ses faiblesses, est légitime. Après un passage relativement bref où s’instaure une sorte de vie à trois, Aymeric finit par se résigner et laisser sa place, en même temps que l’histoire d’amour avec Florence (Laetitia Dosch, très bien dans un rôle ambivalent) vit ses derniers feux. La violence et les larmes à outrance ne font pourtant pas partie du programme de Jean-Marie et Arnaud Larrieu. Aymeric avancera en rencontrant notamment une autre femme (Sara Giraudeau) avec qui il connaitra un réel bonheur. Avant de voir ressurgir dans sa vie Jim qui a grandi. Les retrouvailles sont vraiment émouvantes, même si elles sont quelque peu tendues et conflictuelles (Jim ne comprenant pas pourquoi Aymeric ne s’est pas battu en venant le chercher). Une scène symbolise à la perfection ce que dit Le Roman de Jim : Jim emmène Aymeric faire de l’escalade. Ce dernier se retrouve en situation difficile face au vide mais s’accroche et réussit à surmonter cet obstacle. C’est proprement un moment fort et déchirant.
En définitive, Le Roman de Jim est une vraie réussite, un film remarquable qui ne juge jamais ses personnages ni ne se moque d’eux mais les regarde avec une grande empathie
En définitive, Le Roman de Jim est une vraie réussite, un film remarquable qui ne juge jamais ses personnages ni ne se moque d’eux mais les regarde avec une grande empathie. Pour les frères Larrieu, comme pour d’autres cinéastes, la paternité ne saurait se résumer aux liens du sang. L’amour que l’on peut donner à un enfant ignore parfois la génétique, il n’en est pas moins sincère. En cela, la leçon de paternité qu’il nous est donné à voir est à la fois simple et d’une grande beauté, à tous points de vue.
RÉALISATEUR : Arnaud et Jean-Marie Larrieu NATIONALITÉ : France GENRE : Comédie dramatique AVEC : Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin, Noée Abita DURÉE : 1h41 DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution SORTIE LE 14 août 2024