Les Algues vertes : les bonnes intentions ne font pas (toujours) de bons films

Le nouveau long métrage de Pierre Jolivet s’intéresse à l’un des scandales environnementaux français les plus importants de ces dernières décennies, les « marées vertes » qui touchent la Bretagne et son littoral. Le premier plan des Algues vertes (assez beau d’ailleurs) s’en fait l’écho, en montrant à l’écran de longues traînées vertes envahissant progressivement le sable blanc.

Adaptation de la bande dessinée d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, tirée de l’enquête menée par Inès Léraud, le film retrace le combat de la jeune journaliste qui, à la suite de morts suspectes, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, son objectif sera de faire triompher la vérité.

A sa manière, Les Algues vertes démontre une nouvelle fois que les meilleures intentions du monde, aussi louables soient-elles, ne sauraient (toujours) accoucher d’un bon film de cinéma.

A sa manière, Les Algues vertes démontre une nouvelle fois que les meilleures intentions du monde, aussi louables soient-elles, ne sauraient (toujours) accoucher d’un bon film de cinéma. On imagine bien ce qui a pu séduire le cinéaste français, dont une partie de la filmographie est marquée du sceau de l’engagement. Que l’on se souvienne notamment de ses drames sociaux dans lesquels Jolivet portait un regard bienveillant sur ses personnages qui se débattaient dans une société de plus en plus libérale : de Force majeure (1989) à Jamais de la vie (2015), en passant par Fred (1997) ou Ma Petite entreprise (1999). Tous les ingrédients étaient donc réunis pour raconter ici un scandale lié aux pratiques agricoles intensives.

Malheureusement, le film enfonce bien souvent des portes ouvertes, paraissant nettement moins percutant que le travail de lanceuse d’alerte d’Inès Léraud et même moins fort que la bande dessinée. De façon presque programmatique, le spectateur découvre toutes les étapes attendues dans ce genre d’affaire : la découverte de certains décès mystérieux trop vite classés sans suite (et pourtant liés à cette prolifération d’algues nocives pour la santé), l’enquête menée par une Céline Sallette convaincante (c’est probablement l’un des aspects les plus réussis du long métrage !) qui se transforme en engagement citoyen, les vives réactions des agriculteurs sur place et de la section locale de la FNSEA, puissant syndicat agricole (qui représentent le fameux argument économique) ou encore l’inertie des pouvoirs publics – du maire franchement hostile au député naviguant entre deux eaux – incapables de gérer la situation, sans oublier le procès des victimes. Dans ce cadre-là, assez rigide et sans respiration réelle (excepté peut-être ces moments où Inès va se baigner dans l’océan), les personnages mis en scène deviennent des figures imposées, presque des caricatures, laissant planer l’ombre du manichéisme sur le film (ou plutôt contre le film !).

La pesanteur du fameux « film-dossier » se fait alors ressentir presque à chaque séquence, même à chaque plan.

Si Les Algues vertes se propose de révéler les mécanismes d’une certaine omerta, force est de constater qu’il n’apporte rien de nouveau à ce que l’on savait déjà, mais qu’en plus, il ne contient que bien peu de cinéma. Ressemblant ainsi à un long reportage télévisuel, le film semble peu travaillé, se contentant de dérouler son programme de manière pédagogique et didactique. Certaines critiques ont évoqué, dans un parallèle qui ne tient pas la route et dessert franchement cette œuvre, Dark waters de Todd Haynes, sorti en 2020, et qui évoquait une affaire similaire aux États-Unis. Même sobriété, mêmes effets il est vrai mais à une différence près, de taille : la finesse de regard relayée par une magnifique mise en scène soignée et rythmée. Ce qui n’est franchement pas le cas ici, avouons-le. Pierre Jolivet, qui entend ne pas stigmatiser la région dans laquelle il a tourné son film, utilise le format scope pour rendre hommage aux magnifiques paysages bretons, mais cela semble bien peu de chose finalement. La pesanteur du fameux « film-dossier » se fait alors ressentir presque à chaque séquence, même à chaque plan.

Pour conclure, soyons clair : le sujet méritait sans doute d’être traité, il est d’une actualité brûlante (sans jeu de mots) mais il méritait bien mieux. N’aurait-il pas été alors bien plus judicieux (et pertinent) d’envisager une autre forme (un documentaire), ce qui aurait à n’en pas douter évité ce côté artificiel et scolaire que l’on retrouve dans les dialogues et dans l’ensemble du récit.

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RÉALISATEUR : Pierre Jolivet
NATIONALITÉ : France, Belgique 
GENRE : Drame
AVEC :  Céline Sallette, Nina Meurisse, Julie Ferrier
DURÉE : 1h47
DISTRIBUTEUR : Haut et Court
SORTIE LE 12 juillet 2023