L’Amitié : portraits medium

 

Portraits medium, ou bien, one foot in the grave. J’adore Cavalier, que ce soit l’early Cavalier new wave, réalisateur de films à stars, Delon Deneuve Trintignant you name it, ou le late Cavalier bouts de ficelle, filmeur comme il respire de ce qui l’entoure, dans d’idiosyncratiques essais poétiques. L’Amitié ressemble à Six portraits XL, dont j’ai un émouvant souvenir, grâce entre autres à un plan d’escalier en colimaçon, qui figurait, dans un étonnant mélange de compassion et de violence, les troubles psychiques de l’ami filmé. Autant l’avouer tout de suite, malgré la présence d’un plan d’escalier similaire, je suis ici sorti déçu. En essayant de comprendre pourquoi, je me suis dit, d’une, que les trois portraiturés ne m’ont, au fond, pas plus intéressé que ça. De deux, que Cavalier, qui ne donne pas l’impression d’avoir préparé grand-chose, à part débarquer à l’improviste chez ses amis caméra au poing, a vraiment l’air fatigué. 91 ans, quand même. De là surgit après réflexion ce qui semble être le thème du film, et qui m’a fait réévaluer mon appréciation à la hausse. Bravo Sherlock, ce n’était pas bien compliqué, vous allez voir.

Premier portrait, Boris Bergman, célèbre parolier de Bashung, un peu confit dans son appartement de Montmartre et ses souvenirs glorieux, à qui les moins amènes d’entre nous auront limite envie de dire, OK boomer. Le portrait se termine par un plan des mains jointes aux peaux usées du filmeur et de l’ami. Deuxième portrait, Maurice Bernart, producteur de Thérèse, hit époque middle Cavalier. Un très vieil homme encore plus usé, qui navigue à petits pas entre la rue Soufflot et sa résidence princière en Normandie, et que Cavalier finit par montrer couché sur son lit, comme un mort. Troisième portrait, Thierry Labelle, acteur d’un autre middle Cavalier, le politique Libera me. On se dit, enfin un jeune — tout est relatif, il a peut-être la petite cinquantaine —, et, autre différence, le milieu social n’est pas le même. Labelle n’a pas persévéré dans le cinoche, habite un pavillon à Montfermeil, et est coursier. Cependant ici aussi la mort rôde, sous la forme de divers accidents graves, comme on finit par le deviner, entre les lignes de ce que Thierry et son épouse veulent bien nous raconter. Bref, derrière son aspect un peu léger-mineur, impromptu voire en roue libre, un film profondément funèbre.

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RÉALISATEUR : Alain Cavalier
NATIONALITÉ :  français
GENRE : documentaire 
AVEC : Boris Bergman, Maurice Bernart, Thierry Labelle 
DURÉE : 2h04 
DISTRIBUTEUR : Tamasa Distribution 
SORTIE LE 26 avril 2023