La Petite sirène : imperceptible chant venant des profondeurs

Avec La Petite sirène, réalisé par Rob Marschall (Chicago), Disney continue sa stratégie de films en prise de vues réelles, à partir de ses propres dessins animés, et déjà entamée avec Cruella, Pinocchio ou Dumbo. Cette fois-ci, les aventures de la belle sirène au chant envoûtant reprennent vie sur grand écran. On retrouve ainsi Ariel, le crabe rouge Sébastien, l’oiseau Eurêka et le poisson Polochon, un petit monde aquatique affrontant la terrible Sorcière des Mers, Ursula. Le réalisateur chevronné se plie aux exigences du studio, produit un spectacle visuel détonnant, régalant les rétines avec toutes ces couleurs lumineuses et chatoyantes. Cependant, l’esthétisme d’un certain niveau de qualité ne compense pas, ou peu, la lourdeur manifeste d’un scénario établi à partir d’un univers trop enfantin, aucunement adapté pour un public adulte. En revanche, les admirateurs de la légendaire héroïne Disney y verront probablement une bonne pincée de nostalgie et se raviront de retrouver Ariel et ses petits amis animaux… et encore… La Petite sirène reste une œuvre cinématographiquement limitée.

Ariel, la sublime sirène, se morfond dans les fonds marins. En sauvant Éric du naufrage de son bateau, elle souhaite éprouver des désirs amoureux et conquérir le cœur de ce bel homme. La terrible Ursula, aux grands et puissants tentacules, va tout faire pour que ce vœu ne se réalise pas.

La Petite sirène en version moderne joue laborieusement la carte de la nostalgie

Malgré quelques bonnes surprises par le passé, la méthode des prises de vues réelles affiche ici de nombreuses limites, Disney produisant quasiment une copie conforme du dessin animé original, sans la patte du metteur en scène, ni inspiration. Là où Craig Gillespie, aux commandes de Cruella, savait faire preuve d’innovation, Rob Marschall, que l’on connait également pour son épatant Mémoires d’une Geisha, s’enlise totalement dans un film aux antipodes de ses véritables capacités, et certainement influencé par les choix artistiques du studio. Grande est la déception ressentie face à ce divertissement coloré, musical, mais désespérément creux.

La Petite sirène, l’une des plus grosses espérances cinématographiques de cette année 2023, ne restera pas dans les annales, avec un résultat en dessous du mythique film d’animation sorti en 1989 et qui obtint un succès phénoménal, le premier après douze années de vaches maigres pour Disney. Classé en vingt-huitième position des classiques du catalogue de l’entreprise fondée par Walt Disney, le film eut l’honneur d’une suite en 2000. Avec Rob Marshall, la célèbre créature mi-femme mi-poisson entame donc maintenant un chant censé remettre en lumière l’œuvre d’Hans Christian Andersen. L’appel des profondeurs ne marche guère, et ce malgré les sons mélodieux de cette magnifique sirène. Imperceptible ou inaudible, ce chant ne parvient pas à titiller harmonieusement les oreilles, ni même à provoquer quoi que ce soit de fort ou d’émouvant. Avec un scénario se contentant du minimum, cette production certes stylisée laisse une pâle impression, avec des chansons inscrites dans le patrimoine musical des œuvres animées, avec probablement l’objectif de réveiller les esprits enfantins des plus grands. Ni plus ni moins qu’une transposition à l’identique, La Petite sirène en version moderne joue laborieusement la carte de la nostalgie, avec ce petit crabe virevoltant, cet oiseau fantasque, et la méchante Ursula incarnée par Melissa Mac Carthy. Toute cette galerie de personnages s’anime devant nos yeux. Cependant, ils laisseront un souvenir amer pour les fidèles de la sirène, dans un film rendant uniquement hommage à l’une des plus iconiques et mythiques créations de la société américaine. Rob Marschall insuffle peu son style, malgré les quelques séquences musicales, avec une réalisation impersonnelle jouant surtout sur l’univers aquatique. Beau, splendide, avec une animation magnifiant le monde marin, la nouvelle adaptation du conte d’Andersen échoue toutefois à recréer l’alchimie de la rencontre magique entre Éric et la charmante sirène, alors qu’il fut l’essence du chef-d’œuvre de Jon Musker et Ron Clements.

La seule originalité réside dans le choix de l’actrice principale, Halle Bayley, très décriée et commentée, mais dont seul le talent émerge dans cet océan bien calme

Le cinéaste américain livre un produit formaté à l’extrême, convenant sans doute à de multiples exigences artistiques, mais ne contenant pas de surprises majeures. La seule originalité réside dans le choix de l’actrice principale, Halle Bayley, très décriée et commentée, mais dont seul le talent émerge dans cet océan bien calme. Si les parties chantées sont souvent longues, la superbe voix posée inonde l’œuvre de sa parfaite maîtrise vocale, qui n’a rien à envier à la bande originale de la première version récompensée par l’Oscar de la meilleure chanson et celui de la musique de film en 1990. En reprenant parfaitement tout cela, la chanteuse impressionne, et c’est d’ailleurs tout ce qu’il ressort de ce film, alors que sa présence fut maintes fois critiquée. Halle Bayley s’oppose à tous ces jugements infondés, avec cette prestation de haute volée venant rehausser la qualité d’un film n’atteignant pas un niveau d’écriture exceptionnel. Toutefois, avec sa proposition visuelle foisonnante et détonante, La Petite sirène incite joyeusement à la découverte de cet environnement marin, même si légèrement emprunté à Aquaman. Le gigantesque travail sur le plan technique mérité des louanges, avec une excellence habituelle dans ce type de production. Si ce long-métrage constitue une version plus que moyenne, des récompenses ne viendraient que logiquement féliciter les concepteurs de ce divertissement esthétique.

2.5

RÉALISATEUR :   Rob Marschall
NATIONALITÉ : Etats-Unis
GENRE :  Aventure 
AVEC : Halle Baylee, Jonah Hauer-King, Javier Bardem, Melissa Mac Carthy
DURÉE : 2 h 10
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France
SORTIE LE 24 mai 2023