F1® LE FILM : la légende de Brad

Sport et cinéma ont souvent fait bon ménage. D’entre tous les sports, c’est peut-être encore plus vrai, de la Formule 1, tant la configuration de la course et le plan rapproché sur le visage du pilote automobile s’inscrivent parfaitement dans le format panoramique de l’image. Après Ligne rouge 7000 de Howard Hawks, Grand Prix de John Frankheimer et Le Mans de Lee H. Katzin qui ont lancé le genre au milieu des années 60 et au début des années 70, le cinéma délivre tous les six ans à un rythme métronomique, pour ne pas lasser le spectateur, son grand film sur la Formule 1. Mettons à part Ferrari de Michael Mann qui est bien davantage un film sur le constructeur et le patron d’écurie que sur les pilotes. Dans la décennie qui a précédé, nous avons eu droit à l’excellent Rush (2013) de Ron Howard sur la rivalité James Hunt/Niki Lauda, puis au non moins bon Le Mans 66 (2019) de James Mangold sur l’amitié et l’alliance entre Carroll Shelby et Ken Miles, pour vaincre les Ferrari avec les voitures Ford. Cette fois-ci, F1 met en scène des pilotes tout droit sortis de l’imagination en surchauffe de scénaristes, afin de redorer le blason d’un sport un peu gangréné aujourd’hui par l’argent des sponsors et des Emirats.

En 1993, Sonny Hayes est un jeune pilote talentueux de Formule 1 dont la carrière prometteuse s’interrompt brutalement à la suite d’un grave accident lors du Grand Prix d’Espagne. Trente ans plus tard, Sonny vit sans attache et vogue de discipline en discipline. Après une victoire aux 24 heures de Daytona, il est approché par Ruben Cervantes, son ancien coéquipier en F1 devenu propriétaire de l’écurie Apex Grand Prix. En grande difficulté, l’équipe n’a marqué aucun point en trois saisons et risque d’être revendue si elle ne parvient pas à gagner au moins une course dans les neuf Grands Prix restants. Ruben propose à Sonny de revenir comme second pilote aux côtés du jeune prodige Joshua Pearce, pilote principal de l’écurie.

F1 trouve sa place sur le rayon des films dédiés à ce sport très connu mais peut-être mal-aimé, en ajoutant une pierre de plus à l’édifice considérable de la légende de Brad Pitt.

La Formule 1 est sans doute avec le football le sport le plus ciblé par les attaques sur l’argent facile et l’absence d’éthique. On peut en effet parfois s’interroger sur l’aspect performatif d’un sport où la victoire est souvent due à l’usure ou non du matériel pneumatique et à une stratégie de course aléatoire, parfois tributaire du pilote, des ingénieurs ou du directeur de l’écurie. N’empêche, l’aspect sportif est incontestable, ainsi que surtout le côté trompe-la-mort. Contrairement à la plupart des sports, les pilotes jouent leur vie à chaque course. C’est le sens de la réplique désabusée de Javier Bardem à un Brad Pitt allongé dans une chambre d’hôpital : « pourquoi s’infliger cela? Pourquoi ne pas avoir choisi le tennis ou le golf?« 

Si le film restitue plutôt bien cet univers de folie, ce grand cirque dévolu au fric et à la publicité, il n’en est pas moins débordant de clichés attendus et surtout d’invraisemblances. Qui peut en effet croire en l’histoire d’un pilote de plus de cinquante ans qui rejoindrait les paddocks, entouré de la concurrence de petits jeunes? Imagine-t-on un Alain Prost revenir sur les courses de Formule 1? Brad Pitt a en fait dans la vie plus de soixante ans, même s’il en paraît une quinzaine de moins. Si l’on passe sur cette invraisemblance majeure, sur laquelle est fondée l’essentiel du film, F1 est une oeuvre avant tout divertissante et grand public, affichant de beaux moments de pure virtuosité de mise en scène, avec quelques séquences permettant aux acteurs de tirer leur épingle du jeu (Javier Bardem, parfait en patron d’écurie, Kerry Condon, excellente en ingénieure dépassée par ses sentiments).

Si, avec ce film, Joseph Kosinski démontre à l’évidence qu’il est un très bon metteur en scène, techniquement parlant, mais pas vraiment un auteur, il semble ici complètement dévolu à célébrer la légende de Brad Pitt, de plus en plus iconique à chaque film, depuis Once upon a time …in Hollywood jusqu’à Babylon, après avoir déjà restauré celle de Tom Cruise dans Top Gun Maverick. A lui seul, Brad vaut le déplacement, irrésistible à chaque séquence, la partie de poker ou la séquence du balcon qui fait déjà partie de ses moments d’anthologie, où il explique pourquoi il veut toujours piloter, afin de se retrouver libre, sans entraves et pouvoir s’envoler. Le film peut aussi être vu comme une allégorie où le papy Brad fait de la résistance, idole de l’ancien monde, face à une nouvelle divinité issue de la diversité, Damson Idris, très bien en jeune pilote aux dents longues qui recevra des leçons de son glorieux aîné.

En dépit des clichés et des facilités inhérentes à ce type de sujet, F1 finit par gagner son pari sur le fil, en montrant tout l’aspect existentiel de la vie d’un pilote. Certes moins palpitant que Rush, ou émouvant que Le Mans 66, F1 trouve sa place sur le rayon des films dédiés à ce sport très connu mais peut-être mal-aimé, en ajoutant une pierre de plus à l’édifice considérable de la légende de Brad Pitt.

3.5

RÉALISATEUR : Joseph Kosinski
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : sport, drame
AVEC : Brad Pitt, Damson Idris, Kerry Condon, Javier Bardem, Tobias Menzies 
DURÉE : 2h36 
DISTRIBUTEUR : Apple TV +, Warner Bros
SORTIE LE 25 juin 2025