Top Gun : Maverick : Petit Tom face à l’Eternel Retour

En 2022, exactement trente ans après sa dernière venue en 1992 avec Nicole Kidman pour Horizons lointains de Ron Howard, Tom Cruise a effectué son grand retour en grande pompe au Festival de Cannes. Devenu ces récentes années un homme de franchises (Mission : Impossible, Jack Reacher), Cruise réactive cette année une marque qui a contribué à forger sa légende immarcessible, Top Gun. Tourné avec la générosité brouillonne qui caractérise Tony Scott, ce film centré sur des pilotes d’élite a en effet largement permis Cruise d’asseoir sa réputation de héros de films d’action. Pour l’occasion, Tom Cruise a engagé à nouveau Joseph Kosinski (Tron : Legacy, Oblivion), brillant jeune metteur en scène qui parvient à insuffler du style dans des machineries commerciales. C’est ainsi le cas de Top Gun : Maverick, suite affichée du précédent Top Gun, où Cruise lutte contre le concept d’éternel retour et le trauma dramatique originel qui constituait le meilleur de l’opus de Tony Scott.

Après avoir été l’un des meilleurs pilotes de chasse de la United States Navy pendant plus de trente ans, Pete “Maverick » Mitchell continue à repousser ses limites en tant que pilote d’essai. Il refuse de monter en grade, car cela l’obligerait à renoncer à voler. Il est chargé de former un détachement de jeunes diplômés de l’école Top Gun pour une mission spéciale qu’aucun pilote n’aurait jamais imaginée. Lors de cette mission, Maverick rencontre le lieutenant Bradley “Rooster” Bradshaw, le fils de son défunt ami, le navigateur Nick “Goose” Bradshaw. Face à un avenir incertain, hanté par ses fantômes, Maverick va devoir affronter ses pires cauchemars au cours d’une mission qui exigera le plus grand des sacrifices.

Trente ans plus tard, Maverick est toujours sinon plus affecté par une terrible mélancolie liée à la crainte de l’éternel retour, suscitée par l’apparition du fils de son ancien collègue

Top Gun est en effet le film qui a fait de Tom Cruise une immense star internationale. Sourire carnassier, regard magnétique, charisme indéniable, Cruise est ainsi lancé pour une carrière qui le fera côtoyer les plus grands metteurs en scène, de Martin Scorsese à Steven Spielberg, en passant par Stanley Kubrick, Michael Mann, Paul Thomas Anderson, etc. Pourtant, à la revoyure ou même à la première vision, Top Gun apparaît comme un blockbuster assez quelconque, d’où émerge surtout comme point saillant la photogénie de Cruise dans l’éclat de ses vingt ans. Depuis Quentin Tarantino, Tony Scott a souvent été réhabilité comme faiseur de blockbusters stylisés. Or, disons la vérité, au risque d’offusquer certains critiques peu regardants, Tony Scott est certes un metteur en scène généreux mais souvent brouillon et surtout infiniment superficiel Seuls Les Prédateurs et True Romance (grâce au scénario ludique signé Tarantino) échappent à ce jugement sévère mais juste sur l’un des plus actifs faiseurs du cinéma hollywoodien.

Que retenir alors de Top Gun? Des combats aériens merveilleusement réalistes et surtout un trauma dramatique (la mort de son coéquipier) qui va obliger Maverick, le personnage interprété par Cruise, à reconsidérer sa vie et ses objectifs. Hormis ces quelques éléments, Top Gun va surtout marquer le grand public par un discours crypto-gay dont Tarantino s’est fait le spécialiste, qui rend le film délicieusement hilarant au même titre que les séquences de dialogue entre Charlton Heston et Stephen Boyd dans Ben-Hur de William Wyler. Joseph Kosinski, le metteur en scène de Top Gun : Maverick a mis un peu la pédale douce, si l’on peut dire, sur cet aspect, L’accent est surtout porté sur le trauma dramatique. Dans l’originel, Maverick est profondément bouleversé par le décès de Nick “Goose” Bradshaw (Anthony Edwards, quelques années avant la série Urgences). Dans la suite, trente ans plus tard, Maverick est toujours sinon plus affecté par une terrible mélancolie liée à la crainte de l’éternel retour, suscitée par l’apparition du fils de son ancien collègue (compagnon?), crainte de ne pas arriver à le protéger et à sauver sa vie.

D’un point de vue métafilmique, Cruise projette dans cette intrigue relativement convenue sa peur de devoir réutiliser ad vitam aeternam les mêmes recettes éprouvées et de ne point parvenir à s’adapter à la nouvelle génération. Il dispose pourtant d’une alliée de taille, en dépit du caractère prévisible de l’intrigue, la mise en scène précise et clinique de Kosinski qui plane à des coudées au-dessus de celle, souvent épileptique et boursouflée, de Tony Scott, à qui cette suite est dédiée. A l’arrivée, Petit Tom prend ici sous nos yeux une leçon de vie, en acceptant l’humilité et la conscience de sa propre faillibilité.

3.5

RÉALISATEUR :  Joseph Kosinski 
NATIONALITÉ : américaine 
AVEC : Tom Cruise, Miles Teller, Val Kilmer, Jennifer Connelly 
GENRE : Action
DURÉE : 2h11
DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures 
SORTIE LE 25 mai 2022