Un petit frère : une affaire de famille

Comme Lukas Dhont, une année auparavant, Leonor Serraille a remporté la Caméra d’or en 2017 avec Jeune femme, un état des lieux de la précarité sociale de la jeunesse d’aujourd’hui, en particulier féminine. Drôle, vivant, vibrant, ce premier opus méritait sa récompense, signalant la naissance d’une authentique réalisatrice, même s’il s’enlisait quelque peu dans sa dernière demi-heure. Comme son collègue belge, Leonor Serraille, revient donc cette année en présentant un drame familial sur une quinzaine ou vingtaine d’années en suivant une famille d’immigrés qui va tâcher de s’intégrer et sera amenée à imploser progressivement. Pari ambitieux, risqué, pas toujours réussi, mais avec de beaux moments de pure direction d’acteurs, Un petit frère jette surtout un jalon pour l’avenir d’une réalisatrice prometteuse.

Quand Rose arrive en France, elle emménage en banlieue parisienne avec ses deux fils, Jean et Ernest. Construction et déconstruction d’une famille, de la fin des années 80 jusqu’à nos jours.

Pari ambitieux, risqué, pas toujours réussi, mais avec de beaux moments de pure direction d’acteurs, Un petit frère jette surtout un jalon pour l’avenir d’une réalisatrice prometteuse.

Leonor Serraille a surtout voulu faire ce film pour son compagnon qui s’est parfois trouvé en butte au racisme explicite ou latent en France. En faisant le portrait d’une famille immigrée de la fin des années quatre-vingts jusqu’à aujourd’hui, elle fait parfois penser à une Claire Denis à ses débuts, ce qui s’avère légèrement ironique de la part de Thierry Frémaux, sélectionneur habile, Claire Denis se trouvant également en compétition. Certes, presque jamais, Leonor Serraille ne retrouve la fulgurance comique et cocasse de Jeune femme, cette manière de bousculer les plans pour y faire entrer sa protagoniste incarnée par Laetitia Dosch. Un Petit frère faisant partie du genre de la chronique familiale, cela ne s’avère guère étonnant. Néanmoins, elle trouve parfois le ton juste, et dans ces quelques moments, le film paraît assez miraculeux, l’ouverture en voix off neutre, et certains moments de dialogue en champ-contrechamp qui montrent que Leonor Serraille n’a pas besoin d’un attirail sophistiqué de plans pour embarquer le spectateur. Ceci est sensible en particulier dans l’épilogue consacré à Ernest Koffi devenu professeur de philosophie, mais toujours rudoyé par des policiers si jamais il a le malheur de s’aventurer en oubliant sa carte d’identité.

L’ensemble du film se concentre sur deux parties, Rose et Jean, qui montrent l’évolution de cette famille d’immigrés sur une quinzaine d’années. La dénonciation du racisme ambiant s’avère évidente, alors que Rose essaie d’inculquer des valeurs solides à ses fils et se laisse draguer par des soupirants de passage, dont un Français de Normandie, Thierry, rebaptisé Château-Thierry, qui embarquera toute sa famille à Rouen. C’est surtout dans le rythme de la chronique que Léonor Serraille s’enlise un peu, en ne donnant pas suffisamment d’éléments pour maintenir sinon de la tension, du moins un intérêt pour ses personnages, en dépit d’interprétations méritoires d’Annabelle Lengronne et des deux enfants.u

Un petit frère demeure un plaidoyer intéressant sur l’intégration mais aurait mérité d’être davantage recentré en particulier sur le personnage d’Ernest Koffi, devenu grand (excellent Ahmed Sylla). Un nouveau film commence alors, qui a peut-être le désavantage de promettre d’être plus passionnant que celui qui a été vu auparavant.

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RÉALISATEUR :  Léonor Serraille 
NATIONALITÉ : française 
AVEC :  Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Kenzo Sambin, Ahmed Sylla 
GENRE : Drame
DURÉE : 1h56 
DISTRIBUTEUR : Diaphana distribution 
SORTIE LE Prochainement