Un Homme heureux : la renaissance de la comédie

Quatre ans après Docteur ?, Tristan Séguéla revient avec une comédie euphorisante, Un Homme heureux. Dynamique et déclenchant joyeusement les zygomatiques, cette œuvre regorge de situations hilarantes et quasiment burlesques. Emmené par un tandem aussi irrésistible que désopilant, ce film multiplie les scènes comiques, à coups de quiproquos et de répliques bien écrites. Rythmée et énergisante, cette comédie fait rire tout en abordant un sujet complexe, celui de la transidentité, sans jamais tomber dans la moquerie. Un Homme heureux possède de quoi séduire les amateurs de comédies françaises, et saura ravir les spectateurs désireux de passer un excellent moment de détente. Surtout, Tristan Séguéla incarne le renouveau de ce genre, en manque de souffle ces dernières années, et doit être considéré comme un héritier du cinéma comique français, digne de Gérard Oury ou Francis Veber.

Jean, maire d’une petite commune du Nord, se lance dans une campagne électorale, avec pour objectif un second mandat. Son épouse, Édith, lui annonce son souhait de devenir un homme.

Un Homme heureux met en lumière le thème de la transidentité, sous le prisme de l’humour. Le film prend ainsi le parti d’en rire, et remplit confortablement son objectif. Bien sûr, cette transition opérée par le personnage de Catherine Frot apporte son lot de moments rocambolesques et farfelus, mais déclenchant à chaque fois une hilarité certaine.

En choisissant d’aborder ce sujet peu traité dans le genre comique, le scenario procure à ce film une originalité et une créativité évidente, marquées par une écriture subtile évitant tous les clichés redondants. Cet aspect original provient grandement de ce duo Fabrice Luchini-Catherine Frot, complémentaire et irrésistiblement drôle, faisant penser aux tandems de renom comme celui de Pierre Richard et Gérard Depardieu, ou celui formé par Bourvil et Louis de Funès. Relié à ces fameuses paires mythiques, celui que nous voyons ici à l’écran se distingue également par deux caractères opposés, mélangé à de drolatiques sensations de burlesque. Cette association singulière entre Jean, édile rigide d’une petite commune, et sa femme Édith, souhaitant amorcer sa transition, provoque une succession de passages aussi tordants que plaisants à regarder. L’écriture, composée de répliques écrites avec intelligence, ne verse jamais dans la caricature ou dans une forme de moquerie, et ne contient jamais une seule once de railleries offensantes. Un homme heureux fait rire sur un sujet délicat, ce qui est une tâche plutôt difficile. De nombreuses scènes, bien réalisées, activent les zygomatiques avec délectation, et peuvent tout à fait devenir cultes, bien aidées par les compositions plus qu’amusantes d’un duo savoureux. Le choix de ce binôme ne peut pas être contesté, tellement la complicité saute aux yeux. Nous rions de bon cœur devant ces péripéties extraordinaires.

Au-delà du rire, il faut aussi s’attarder sur le travail de Tristan Séguéla, déjà auteur de quelques comédies auparavant dont Docteur ?, 16 ans ou presque, Rattrapage. Le talent aperçu dans ces trois productions se confirme avec Un Homme heureux. Le réalisateur français franchit une étape supérieure, produisant un film bénéficiant d’un sens du rythme certain, doublé d’une finesse dans l’écriture, codes essentiels dans ce genre comique si apprécié en France. Bien structurée et soutenue, cette nouvelle réalisation démontre une capacité à intégrer les principaux ingrédients d’une comédie réussie. Tristan Seguéla s’impose en nouvel artisan de la comédie, incarne le renouveau de ce type de cinéma en France. Le cinéaste prend alors le relais de ses célèbres confrères, comme Gérard Oury ou Francis Veber. Avec Un Homme heureux, il perpétue la tradition créée par ces deux réalisateurs cultes, en produisant ce film montrant quiproquos, malentendus et scènes a la limite du vaudevillesque. Sous ce gros potentiel drôle efficacement exploité, l’œuvre traite de la transidentité avec légèreté et avec une bienveillance redonnant du baume au cœur, prônant alors un message de tolérance et d’adaptation. Le film ne cherche pas à changer de force les mentalités, mais livre la vision d’une société fondée sur l’absence de jugement. Un Homme heureux délivre une morale d’une grande justesse, tout en déclenchant des rires libérateurs qui font du bien.

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RÉALISATEUR :  Tristan Séguéla
NATIONALITÉ : France
GENRE : Comédie
AVEC : Fabrice Lucchini, Catherine Frot, Philippe Katerine, Artus
DURÉE : 1 h 29
DISTRIBUTEUR : Gaumont Distribution
SORTIE LE 15 février 2023