Los Delincuentes : pari hélas raté

Los delincuentes, à l’instar d’autres films présentés à Cannes, comme Déserts ou Occupied city, se scinde en deux parties, ostensiblement mentionnées, a contrario des deux autres films précités, à l’intérieur du film-même, par un encart. Si le film part sur une excellente idée de scénario, et que ledit scénario est assez bien mené dans sa première partie, il s’étiole au fur et à mesure du récit.

Deux employés de banque se libèrent des obligations de la société et du monde du travail. L’un à travers un vol et en tombant amoureux, l’autre en dissimulant une somme d’argent qui ne lui appartient pas dans sa maison.

Le scénario, qui contenait un concept très bon et fort original ainsi que de bonnes idées, s’étiole, jusqu’au ratage, cédant involontairement la place à la facilité, pour accoucher d’une fin très décevante

Bien que le film soit catégorisé comme un drame ou un thriller, le film est fortement empreint d’une drôlerie efficace, rythmée et originale dans sa première partie, ce qui est l’une de ses plus grandes qualités. Là où le film bascule, dans l’élégie, l’hédonisme, l’ode au retour à la nature, au mode épuré, dépouillé de tout artifices et superflu, il se perd et perd le spectateur en même temps. Il entend aussi montrer l’amour, délesté de séduction, stratégie et embarras.

C’est là, donc, où le film se fourvoie, n’est pas à la hauteur de ses aspirations. Ce qui est d’autant plus dommage qu’il y avait tous les ingrédients pour faire un excellent film, seulement Rodrigo Moreno ne sait les doser. Par ailleurs, il a précisé avant la projection cannoise avoir pris grand plaisir à étirer son film, et nous donner à voir, pour ainsi dire, un film quasiment dépourvu de montage. Du reste, quand effets de montage il y a, cela s’avère maladroit et inutile. Moreno ne se trouve pas à la hauteur de ce qu’il entend nous faire ressentir, qu’il s’agisse de l’empathie que l’on devrait ressentir pour chacun des protagonistes, ou la monstration, en mise en abyme (l’un des personnages est un cinéaste qui a pour objectif de restituer, par son art, la beauté de la nature) d’un « état sauvage », presque un retour au jardin d’Eden. D’ailleurs, lorsqu’il entre dans les détails, cela ne rend pas justice à ce qu’il voudrait nous faire voir, et qu’il est pourtant facile et élémentaire de filmer, à savoir ce que la Terre a encore de si beau et d’intact, d’une beauté qu’il est inutile d’apprêter pour la mettre en valeur : elle se suffit à elle même, il suffit de poser sa caméra au bon endroit, ce que ni Moreno, ni le personnage du réalisateur ne savent faire. Les longueurs qu’ il s’est complu à laisser, de son propre aveu, desservent le film. La photographie, est, elle aussi, décevante, ainsi que la mise en scène. Sans être un téléfilm, Los Delincuentes ne brille ni par sa beauté ni sa dextérité. Les effets stylistiques et expérimentaux de montage sont plus que discutables, l’image peu esthétique, surtout en regard des ambitions de la seconde partie. Le scénario, qui contenait un concept très bon et fort original ainsi que de bonnes idées, s’étiole, jusqu’au ratage, cédant involontairement la place à la facilité, pour accoucher d’une fin très décevante alors que l’on voit que le réalisateur veut manifestement nous emporter. Las ! Nous restons sur le quai.

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RÉALISATEUR : Rodrigo Moreno
NATIONALITÉ :  argentine 
GENRE : drame, Thriller 
AVEC : Mariana Chaud, Iair Said, Esteban Bigliardi, Adriana Aizemberg, Margarita Molfino 
DURÉE : 3h00
DISTRIBUTEUR : Arizona Distribution/JHR Films 
SORTIE LE : 27 mars 2024