Le lundi 21 février soir, eut lieu la cérémonie de remise des prix 2021 du Syndicat français de la critique de cinéma. L’année dernière, elle avait eu lieu en virtuel par vidéos interposées. Cette fois, ce fut enfin le retour à son antre de prédilection, la Cinémathèque française, une cérémonie cette fois-ci en présentiel mais toujours masquée, du moins pour ses spectateurs, et respectant les règles de distanciation sociale. L’occasion pour nombre de critiques de retrouver leurs pairs dans un esprit de confraternité non feint, jovial et bon enfant.
La remise des prix suivit cette année deux fils rouges, l’un et l’autre réussissant à accomplir une certaine unanimité. Le premier fil rouge consiste en une prédilection certaine pour le cinéma japonais : en effet, le Japon a envahi les prix principaux, ceux decernés par l’ensemble des votes des critiques : Drive my car de Ryusuke Hamaguchi, archifavori, l’emportant dans la catégorie du meilleur film étranger, sur Julie (en 12 chapitres) et La Loi de Téhéran ; la plus grande surprise venait du triomphe d’Onoda d’Arthur Harari (qui avait déjà remporté le prix du meilleur premier film français pour Diamant noir en 2016) dans la catégorie du meilleur film français, qui, racontant une histoire sur des Japonais, enfonçait encore plus le clou, éclipsant, excusez du peu, Annette, peut-être le plus beau film de Leos Carax et Illusions perdues, une grande réussite de l’adaptation balzacienne par Xavier Giannoli. Cette consécration était encore davantage renforcée par le prix du meilleur DVD/Blu-ray récent, accordé au même film Onoda (Le Pacte), signalant les qualités exceptionnelles des bonus permettant de mieux comprendre toutes les étapes de la réalisation de ce film. Si l’on compte également dans les lauréats, comme meilleur ouvrage français sur le cinéma, Cérémonies au coeur de l’Empire des sens (Editions le Lézard noir) de Stéphane de Mesnildot, on comprend que le Japon se trouvait au coeur des préoccupations des critiques français cette année. Si on rajoute que Kiarostami les années Kanoon (Editions Potemkine) et Raining in the mountain (Editions Spectrum) ont été également récompensés en tant que meilleur coffret et Prix Curiosité, il devient évident que l’Orient (ou Moyen-Orient pour Kiarostami) s’est imposé en 2021 pour nos amis critiques, prolongeant une tendance existant depuis au moins Parasite aux Oscars, tendance que nous avions identifiée et analysée, et que l’on pourrait qualifier de tropisme tessonnien. Il s’agissait en effet d’une certaine manière d’un hommage à Charles Tesson suite à ses dix ans en tant que Délégué général de la Semaine de la Critique et à sa présidence à la commission des aides aux cinémas du monde. Il a d’ailleurs fait ce soir-là une belle déclaration d’admiration au cinéma japonais auquel il a consacré une partie importante de sa vie. Il sera sans doute difficile, voire quasiment impossible, de le remplacer à son niveau d’exigence. Signalons également l’hommage rendu lors de la soirée au travail effectué par des attachés de presse dévoués et passionnés comme Karine Durance ou Robert Schlockoff. Du côté des éditeurs, une fois n’est pas coutume, Carlotta n’a pas été récompensé, devant céder la place à Potemkine et WildSide.
Le second fil rouge de cette cérémonie, tendance que nous avons également identifiée depuis quelques années, réside dans le triomphe des femmes. En effet, hormis les deux prix soumis au vote de l’ensemble des critiques, l’on s’aperçoit que la plupart des autres récompenses concernant des films ont primé des femmes réalisatrices. Si pour le prix du meilleur film français, Titane de Julia Ducournau et L’Evénement d’Audrey Diwan, ont été globalement ignorés, en n’étant même pas cités parmi les trois finalistes, les femmes se sont bien rattrapées pour la plupart des prix attribués par des jurys : Sous le ciel d’Alice (meilleur premier film français) de Chloé Mazlo, Freda (meilleur premier étranger) de Gessica Généus et Il n’y aura plus de nuit (Prix Singulier, et numéro 2 dans notre Top 10 des meilleurs films de l’année) d’Eléonore Weber. Si l’on rajoute Nona et ses filles de Valérie Donzelli en meilleure série, autant dire que la suprématie des femmes sur la fiction s’avère écrasante en 2021, selon les critiques du Syndicat. Comme si pour ce triomphe que nous appelions depuis longtemps de nos voeux et que nous avions été les seuls à prévoir de longue date, les critiques s’étaient enfin donné le mot… Rappelons qu’à ce jour, les femmes réalisatrices détiennent actuellement le Grand Chelem des festivals de cinéma (Berlin, Cannes, Venise) et l’Oscar du meilleur film (Nomadland de Chloé Zhao).
Palmarès
Prix Cinéma
MEILLEUR FILM FRANÇAIS
ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
Arthur Harari
Ce prix est décerné depuis 1946 à l’issue du vote des membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
DRIVE MY CAR
Ryusuke Hamaguchi
Ce prix est décerné depuis 1967 à l’issue du vote des membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR PREMIER FILM FRANÇAIS
SOUS LE CIEL D’ALICE
Chloé Mazlo
Le Prix du Meilleur premier long métrage français est décerné depuis 2000 tandis que celui du Meilleur premier long métrage étranger est décerné depuis 2014. Ce jury est renouvelable et élu lors du Conseil d’Administration du Syndicat.
MEILLEUR PREMIER FILM ÉTRANGER
FREDA
Gessica Généus
Créé en 2014, ce prix est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
FILM SINGULIER FRANCOPHONE
IL N’Y AURA PLUS DE NUIT
Eléonore Weber
Ce prix, créé en 2008, a pour objectif de récompenser un film en co-production et en langue française, dont les critiques tiennent à souligner le travail « singulier ».
MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE FRANÇAIS
NICOLAE
Mihai Grecu
Ce prix, créé en 1973, est décerné par un jury composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
Prix Jeune Critique
Ce prix, créé cette année pour mettre en lumière le travail d’un jeune critique, est décerné par les membres du Conseil d’Administration du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
PRIX JEUNE CRITIQUE
VICTOR COURGEON
Ce prix, créé en 2020 pour mettre en lumière le travail de la jeune critique, est décerné par les membres du Conseil d’Administration du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
Prix Télévision
Ces prix, créés en 2005, sont décernés par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
MEILLEURE SÉRIE FRANÇAISE
NONA ET SES FILLES
Valérie Donzelli
(diffusion Arte)
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
MEILLEURE ŒUVRE FRANÇAISE DE FICTION
DOUTES
François Hanss
(diffusion Arte)
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
MEILLEURE ŒUVRE FRANÇAISE DE DOCUMENTAIRE
VIVRE DANS L’ALLEMAGNE EN GUERRE
Jérôme Prieur
(diffusion France 5)
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision.
Prix DVD/Blu-ray
Ces prix, créés en 2005, sont décernés par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR COFFRET ET COLLECTION DVD/BLU-RAY
ABBAS KIAROSTAMI, LES ANNÉES KANOON
(Potemkine Films)
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR DVD/BLU-RAY RÉCENT
ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
Arthur Harari (Le Pacte)
Édition Blu-ray + DVD de bonus
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR DVD/BLU-RAY PATRIMOINE
DE SANG-FROID
Richard Brooks (Wild Side Video)
Édition Mediabook
Ce prix, créé en 2005, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
PRIX CURIOSITÉ
KING-HU, RAINING IN THE MOUNTAIN
Spectrum Films
Coffret Collector
Le Prix Curiosité est destiné à mettre en valeur le travail exigeant d’un éditeur sur un film rare, étrange, spécial, qui tout en étant de grande qualité sort des sentiers battus de la cinéphilie classique.
Prix Littéraires
Ces prix, créés en 1978, sont décernés par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR OUVRAGE FRANÇAIS SUR LE CINÉMA
CÉRÉMONIES, AU CŒUR DE L’EMPIRE DES SENS
Stéphane du Mesnildot
(Éditions Le Lézard Noir)
Ce prix, créé en 1978, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR OUVRAGE ÉTRANGER SUR LE CINÉMA
THE BIG GOODBYE, CHINATOWN ET LES DERNIÈRES ANNÉES D’HOLLYWOOD
Sam Wasson
Traduit de l’anglais par Samuel Bréan (Éditions Carlotta Films)
Ce prix, créé en 1978, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
MEILLEUR ALBUM SUR LE CINÉMA
LE JEUNE ACTEUR 1, AVENTURES DE VINCENT LACOSTE AU CINÉMA
Riad Sattouf
(Éditions Les Livres du futur)
Ce prix, créé en 1978, est décerné par un jury renouvelable composé de membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.