Pour la France : un exemple d’intégration

Après La Mélodie, Rachid Hami réalise son second long-métrage, Pour la France, dans lequel il revient sur un épisode douloureux de son existence, le décès de son frère Jallal, survenu dans des circonstances douteuses au sein de l’École Militaire de Saint-Cyr. Autour de ce tragique événement, l’acteur découvert dans L’Esquive de Abdellatif Kechiche livre un témoignage pudique, certainement son devoir de mémoire envers ce frère qu’il aimait tant. Autour de cette trame narrative, Rachid Hami dresse un portrait élogieux de ce proche, posant alors la question de l’intégration voulue et réussie, ainsi que la mise en avant des valeurs patriotiques. Le choix du titre du film ne souffre d’aucune contestation, car il reflète complètement toute l’essence de ce récit poignant. En évitant habilement d’être une œuvre à charge, Pour la France se concentre ainsi sur le souvenir nostalgique de Jallal.

Ismaël et sa famille doivent affronter le chagrin causé par la mort d’Aissa, élève officier de Saint-Cyr, mort noyé. Le jeune homme interroge sa mémoire, pour aller aux sources des racines familiales, et raconter la biographie d’un homme respectable et engagé.

Dès le début, Rachid Hami explore les contours douteux entourant la mort d’Aissa, lors d’un bahutage (bizutage) encadré par les élèves officiers de Saint-Cyr. Ce drame épouvantable a eu lieu en 2012 et fut médiatisé. Ces horribles instants, bien retranscrits à l’écran, expriment un profond sentiment de désarroi, ainsi qu’une infinie tristesse.

Le cinéaste raconte cette douleur, ce traumatisme évident, à travers le personnage d’Ismaël (Karim Leklou). Celui-ci devient les yeux et l’esprit du réalisateur, nous transmettant alors les palpables émotions négatives. Pour la France touche en narrant ensuite ce lien fraternel, semblant indissoluble, mais brisé par ce funeste destin. Rachid Hami se souvient, livre des moments de vie, explore l’existence de ce frère aimé, en décrivant un Aissa aimant, passionné, humain, avec des valeurs. La plongée dans ce passé révolu ne peut que produire un hommage émouvant, probablement digne de la personne disparue. La mise en images de cette mémoire devient d’une beauté absolue, lorsque Ismaël se rend aux côtés du corps de son frère, habillé en tenue d’officier. Terrifiants, ces instants révèlent une dramaturgie nécessaire, réaliste même. Ainsi, Rachid Hami explique le lien qui les unissait depuis l’enfance, dans un contexte compliqué où l’immigration devenait plus qu’envisageable. De l’âge de l’insouciance à celui de la maturité adulte, le cinéaste développe cette relation, décrivant deux trajectoires différentes, deux tempéraments opposés, mais toujours avec cette solide proximité entre deux frères soudés. Jallal reprend vie à l’écran. Pour la France devient un film pour Jallal.

À part cette fraternité, le film soulève la question de l’intégration. L’intrigue a d’abord lieu à Alger, dans un climat politique complexe. L’immigration vers la France devient un choix pour la mère (Lubna Azabal), s’opposant vigoureusement à un père (Samir Guesmi) nourrissant une haine contre le pays colonisateur. Le film questionne sur l’assimilation à la société française. Le scénario se focalise sur un homme parfaitement intégré, étudiant, souhaitant endosser l’uniforme d’officier, voulant se battre pour la France. Cette détermination se transforme en un symbole puissant d’intégration réussie et d’acquisition des valeurs militaires et patriotiques. Pour la France ne se veut pas politique, ne jette aucunement l’opprobre sur l’immigration. Au contraire, ce film devient un exemple d’une adaptation désirée, contrastant avec la position radicale d’une figure paternelle attachée à l’Algérie. Rachid Hami décrit un Ismaël au parcours plus atypique, erratique, étant quasiment l’antithèse de son frère. Cette différence notable met en avant deux manières de s’intégrer, mais ces trajectoires convergent finalement, pour laisser place à un récit touchant. En mettant en scène une complicité, ainsi qu’une distance, Rachid Hami peint le tableau d’une famille déchirée, vivant dans le passé. Cette proximité, si évidente dans de nombreuses scènes, exprime beaucoup de choses, l’amour, l’indéfectibilité, la puissance, l’union. Si l’objectif de ce long-métrage était de rendre hommage, autant dire qu’il le fait de la meilleure des façons, en prononçant le plus bel éloge qui soit.

4

RÉALISATEUR :  Rachid Hami
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Drame
AVEC : Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Samir Guesmi, Laurent Lafitte, Lyes Salem
DURÉE : 1 h 53
DISTRIBUTEUR : Memento Distribution
SORTIE LE 8 février 2023