Plus que jamais : la victoire de la vie

Des torrents de larmes ont accueilli la première projection de Plus que jamais lors de la 75ème édition du Festival de Cannes. En effet, Gaspard Ulliel en est la vedette posthume et le film a été très applaudi en hommage à l’acteur disparu. Le film évoque lui-même le concept de disparition physique ou virtuelle, ce qui rend très troublante cette dernière participation du comédien.

Mathieu (Gaspard Ulliel) et Hélène (Vicky Krieps) sont un jeune couple heureux et stable depuis quelques années. Mais les choses vont prendre un autre tournant lorsqu’Hélène faisant face à une décision existentielle, part à la recherche d’elle-même en Norvège.

Le film évoque lui-même le concept de disparition physique ou virtuelle, ce qui rend très troublante cette dernière participation du comédien.

Le film débute par un dîner entre amis : alors que l’un d’eux demande à Hélène si celle-ci pourra retravailler plus tard, elle réagit très brutalement face à l’attitude presque naïve de ses proches se comportant comme si elle n’était pas malade. Le fossé se creuse entre la jeune femme atteinte d’une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’isole et les autres car elle se sent incomprise et la solitude qu’elle traverse la pousse à refuser les aides extérieures dont la possibilité de greffe des poumons. C’est dans ce schéma contextuel qu’elle va annoncer à son mari son envie de partir seule se ressourcer en Norvège.

Plus que jamais est un drame assumé, presque prédestiné à faire couler les larmes. Pourtant le style, au lieu de s’appesantir de manière mélodramatique, reste assez sec et retenu. Alors que la mort s’annonce proche pour Hélène, celle-ci ne se lance pas dans un combat thérapeutique acharné qu’elle juge sagement vain, mais décide d’emprunter un chemin pour s’évader de sa condition et lutter à sa façon. Son conjoint, atterré devant sa réaction, tente de la ramener à ce qu’il considère être la raison, à savoir sa guérison et la nécessité qu’elle aurait de se battre pour vivre. Si cette résolution témoigne d’un amour indéniable et touchant de Mathieu pour Hélène, elle penche aussi vers une injonction au combat pour la vie, une insistance en direction de l’acharnement thérapeutique alors même qu’on sait les chances de guérison faibles, et que la principale intéressée préfèrerait s’évader et vivre autrement. N’est-ce pas à elle de décider de sa propre vie ? Ainsi, Plus que jamais est un drame qui questionne sur la nécessité de s’acharner indéfiniment sur un combat perdu d’avance, sur le choix dont est parfois privé un individu par rapport au déroulement de sa propre vie, du fait de la peur de ses proches.

Plus que jamais est ainsi un film dans lequel la réalisatrice a posé une infinité de questions, en laissant des bribes de réponses possibles, afin que le spectateur dispose d’une porte grande ouverte à la réflexion. Ces questions tournent autour du choix de la lutte face à la mort et notamment celle de savoir si on se bat pour nous ou pour nos proches, ce qui sous-tend la question bien plus profonde de savoir si l’on vit pour nous ou pour les autres. Le long métrage d’Emily Atef, met en scène deux personnes qui s’aiment mais se trouvent en extrême opposition quant à leurs conceptions de la vie. Alors que Mathieu souhaite qu’Hélène vive le plus longtemps possible, celle-ci se voit déjà loin de tout. Elle n’accepte pas que l’on s’apitoie sur son sort et la traite comme si elle était déjà morte et ce voyage en Norvège représente pour elle comme un au revoir à la vie et une liberté immense, or quel plus beau moment que celui dont on sait être le dernier ? Ce film salue la force d’Hélène qui a su dire aux vivants que malgré sa maladie, elle souhaitait partir loin pour se réfugier dans la paix et le silence et ressentir ce qu’elle souhaitait. On honore la fin lumineuse du film au cours de laquelle Mathieu adresse la plus grande preuve d’amour à Hélène en cessant de se battre afin de la garder auprès de lui pour la laisser s’éloigner, et ce malgré le déchirement que cela lui procure.

L’ opposition de vision de la vie entre les deux principaux personnages et les questions que cette dualité pose n’enlèvent rien à la beauté de la relation entre ces deux êtres. Ainsi, l’on doit à Plus que jamais d’avoir sublimé la sensualité entre deux corps qui, ensemble, forment un tout harmonieux témoignant d’une passion évidente, tout en montrant de manière quasi simultanée l’incompatibilité conceptuelle des deux personnages. Or, on peut saluer la manière dont est retranscrit le caractère non fataliste de cette incohérence par l’effort presque inhumain de Mathieu d’avoir finalement et à contre-cœur laissé Hélène s’en aller par amour pour elle, chose qui n’était pas aisée à réaliser et que Emily Atef a su mettre en scène avec sensibilité et émotion.

3

RÉALISATEUR :  Emily Atef
NATIONALITÉ : Français, Allemand, Iranien
AVEC : Gaspard Ulliel, Vicky Krieps
GENRE : drame
DURÉE : 2h03
DISTRIBUTEUR : Jour2fête
SORTIE LE 16 novembre 2022