Nos âmes d’enfant : Joaquin réconcilié

On avait laissé Joaquin Phoenix sur son triomphe en mars 2020 avec toutes les récompenses glanées grâce à sa performance dans le Joker de Todd Philips. Cette consécration tardive et fort longtemps attendue s’avérait dangereuse pour l’acteur le plus doué de sa génération (avec Leonardo DiCaprio). Comment pouvait-il revenir? Reviendrait-il d’ailleurs, tant le break qu’il a effectué, dû entre autres à la pandémie du Covid-19, paraissait fort approprié? Finalement Joaquin Phoenix a choisi de revenir tel qu’en lui-même sans que l’éternité ne le change. C’est-à-dire dans un rôle sans doute le plus proche du véritable Joaquin, loin des désaxés, tourmentés et obsédés de toute sorte. Nos âmes d’enfant de Mike Mills est ainsi une oeuvre très ténue et fragile, minimaliste en noir et blanc, où Phoenix renaît de ses cendres et s’interroge sur l’avenir de la planète, vu à travers des enfants et surtout une relation amicale et parfois gentiment conflictuelle avec un neveu perdu de vue depuis quelques années.

Journaliste radio, Johnny interroge des jeunes à travers le pays sur leur vision du futur. Une crise familiale vient soudain bouleverser sa vie : sa sœur, dont il n’est pas très proche, lui demande de s’occuper de son fils, Jesse. Johnny accepte de le faire mais n’a aucune expérience de l’éducation d’un enfant.
Entre les deux débute pourtant une relation faite de quotidien, d’angoisses, d’espoirs et de partage qui changera leur vision du monde.

Nos âmes d’enfant de Mike Mills est ainsi une oeuvre très ténue et fragile, minimaliste en noir et blanc, où Phoenix renaît de ses cendres et s’interroge sur l’avenir de la planète, vu à travers des enfants et surtout une relation amicale et parfois gentiment conflictuelle avec un neveu perdu de vue depuis quelques années.

L’auteur-réalisateur de Nos Ames d’enfant n’est pas véritablement un inconnu. Mike Mills s’est déjà signalé par le passé par des comédies douces-amères et mélancoliques sur le temps qui passe (Beginners et 20th Century Women, film très féministe). Il partage avec sa compagne Miranda July ce regard très décalé sur la réalité, gorgé de finesse et de sensibilité. On se souvient entre autres de cette scène magnifique de Beginners où Christopher Plummer se réveille au milieu de la nuit pour ranger de fond en comble sa bibliothèque, signifiant que sa vie pouvait encore changer, même à un âge avance. L’interprétation de Christopher Plummer, en particulier pour cette scène, a d’ailleurs été récompensée par l’Oscar du meilleur second rôle en 2012. On se souvient aussi du premier rôle adolescent d’Elle Fanning dans 20th Century Women, très crédible en séductrice malgré elle. Mike Mills distille donc des moments de grâce dans chacun de ses films ; Nos âmes d’enfant n’échappe pas à cette règle.

Dans ce nouveau film, le moment de grâce ressemble peut-être à cette séquence où le neveu Jesse refuse de sortir des toilettes d’un restaurant, ce qui va donner lieu à un recadrage par l’oncle Johnny. Le film respire donc au gré des humeurs de ce tandem improbable entre un oncle désabusé et un neveu enthousiaste. On peut s’interroger sur la nécessité de ce noir et blanc, superbe mais très esthétisant, qui enlève une couche de réalisme à l’ensemble. En fait, il s’agit sans doute d’un hommage – conscient ou inconscient- à Paper moon du regretté Peter Bogdanovich, récemment disparu, qui avait déjà illustré à l’époque les tribulations drôlatiques entre un adulte et un enfant, via un périple, à travers les Etats-Unis, sur un mode moins contemplatif et plus mouvementé. Nos âmes d’enfant est ainsi un film débordant d’humanité, parfois à la limite de la mièvrerie, mais y échappant miraculeusement grâce au fil ténu de l’émotion indicible qui se diffuse entre Joaquin Phoenix et son jeune partenaire. Un Joaquin Phoenix qui n’a probablement jamais été plus proche de la personne humaine et charmeuse qu’il est dans la vie.

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RÉALISATEUR :  Mike Mills 
NATIONALITÉ : américaine 
AVEC : Joaquin Phoenix, Woody Norman, Scoot McNairy, Gaby Hoffmann 
GENRE : Drame 
DURÉE : 1h48 
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport 
SORTIE LE 26 janvier 2022