Mort sur le Nil : amorphe sur le Nil

Kenneth Branagh est parfois capable du meilleur comme du pire : le meilleur, ce sont ses adaptations shakespeariennes qui font réentendre avec plaisir la langue magnifique du Grand William et ses quelques (rares) projets personnels (Peter’s friends, Belfast) ; le pire, ce sont les projets où il officie en tant que mercenaire (Thor, The Ryan initiative, Artemis Fowl). Pourtant son adaptation du Crime de l’Orient-Express, sans être pour autant géniale, montrait un certain sens du rythme et des numéros d’acteurs, qui ne déméritait pas trop face à la version de Sidney Lumet. datant de 1974 Il apparaissait donc normal que Branagh s’attaquât à la suite déjà annoncée dans son précédent film, un autre roman d’Agatha Christie qui a également eu les honneurs d’une version cinématographique, Mort sur le Nil. Hélas, trois fois hélas, comme si Branagh avait réservé tous ses efforts à l’autofiction relatant son enfance irlandaise, Mort sur le Nil paraît cumuler tous les défauts qui lui sont parfois reprochés : manque de crédibilité de la plupart des acteurs, grandiloquence et lourdeur de la direction artistique, caractère emphatique de la mise en scène.

Après l’enquête de l’Orient-Express, le célèbre détective privé belge Hercule Poirot doit enquêter sur un meurtre perpétré à bord d’un navire de croisière. En effet, la riche et belle héritière Linnet Ridgeway s’éprend de Simon Doyle, le fiancé de sa meilleure amie, Jacqueline de Bellefort et l’épouse dans la foulée. Partis en voyage de noces, les jeunes mariés sont poursuivis par la jeune femme délaissée, dans leurs étapes successives, jusqu’en Egypte, où ils séjournent dans un hôtel où se trouve également Poirot, qui pressent une situation dramatique. 

Mort sur le Nil paraît cumuler tous les défauts qui sont parfois reprochés à Branagh : absence de crédibilité de la plupart des acteurs, grandiloquence et lourdeur de la direction artistique, caractère emphatique de la mise en scène.

Les romans d’Agatha Christie reposent sur un suspense particulier, celui du Whodunnit (qui l’a fait), c’est-à-dire la recherche de l’identité d’un meurtrier souvent extrêmement bien dissimulée. Comme disait Hitchcock, ce type de suspense fonctionne mieux en roman qu’en film car il distille une sorte de délectation intellectuelle qui s’oppose un peu à la pure émotion cinématographique. Cela peut donner de bons films, plus rarement de grands films. En cas d’échec, cela peut en revanche donner des films assez piteux.

C’est malheureusement le cas ici. Le Crime de l’Orient-Express représente un meilleur roman que Mort sur le Nil, ou du moins une histoire dont le twist se laisse moins deviner par le moindre quidam. Certes, comme le film de Lumet, la version de Branagh était assez théâtrale mais compensait ce défaut de théâtralité par la qualité des interprètes, Michelle Pfeiffer en tête. En raison des paysages égyptiens majestueux, on aurait pu croire Mort sur le Nil bien plus cinématographique. Or comme dans le film de John Guillermin datant de 1978 avec Peter Ustinov dans le rôle de Poirot, c’est le contraire qui se produit. La faute en revient peut-être à une distribution moins solide que dans le précédent (Armie Hammer dont le passif criminel jette une ombre désagréable sur le film, Gal Gadot, assez limitée, seule Emma MacKey se distingue un peu du lot).

Branagh metteur en scène se trouve en pilotage automatique, combinant sophistication ampoulée de la mise en scène et caractère superflu de moments musicaux, tandis que Branagh acteur cabotine comme à son habitude, lorsqu’il n’est pas heureusement contraint par la beauté d’un texte shakespearien. Ceux qui aiment Kenneth Branagh attendront la sortie de Belfast, pour le retrouver en meilleure forme.

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RÉALISATEUR :  Kenneth Branagh
NATIONALITÉ : britannique
AVEC : Kenneth Branagh, Gal Gadot, Armie Hammer, Emma Mackay, Annette Bening, Russell Brand, Rose Leslie
GENRE : Policier 
DURÉE : 2h07 
DISTRIBUTEUR : 20th Century Studios
SORTIE LE 9 février 2022