Linda veut du poulet : et avec des poivrons

Présenté dans la sélection ACID du Festival de Cannes 2023, Linda veut du poulet, beau petit film à l’animation riche et colorée, propose, sous ses traits humoristiques, une immersion dans le quotidien d’une fille d’une dizaine d’années, vivant avec sa mère, sans la présence protectrice d’un père, et souhaitant absolument manger du poulet avec des poivrons. Cette demande, bien particulière venant d’un personnage de cet âge, relève de la cocasserie. Cependant, ce caprice, quoique inhabituelle, dénote quelque chose de plus dramatique, l’absence d’une autorité masculine, préjudiciable pour le bon équilibre de ce foyer. Ainsi, la folle et effrénée aventure, cette course contre un poulet vivace, cache les désordres inhérents à un système monoparental. Pourtant, à l’aide d’un humour léger, piquant, et une animation rythmée, le message social se diffuse doucement. On se régale alors devant ces fantasques péripéties de cette Linda, superbement enjouée, motivée à obtenir ce repas dont elle a besoin.

Linda vit seule avec sa mère, depuis le décès de son père. Après avoir été injustement punie, elle va nourrir une obsession : vouloir manger du poulet avec des poivrons.

Les cinéastes Chiara Malta et Sébastien Laudenbach ne perdent aucunement du temps, insufflant dès les premières minutes un rythme constant perdurant jusqu’à la fin, injectant une folle énergie dans ce récit délicieusement décalé, dans lequel nous assistons joyeusement à un spectacle d’une richesse visuelle étonnante, avec un ton comique savamment dosé, presque burlesque quand on voit cette petite fille courir après un pauvre poulet.

Ce repas, Linda le veut, et avec des poivrons, élément culinaire que peu d’enfants souhaitent avoir en bouche. Ce légume, donc si peu aimé des plus jeunes, rajoute bien sûr de la drôlerie à ce film qui en est généreusement doté. On rit de bon cœur devant cette galerie de personnages animés se pliant en quatre pour satisfaire les désirs de la fillette, l’écriture de qualité participant efficacement à cette belle ambiance drolatique. Destiné aux petits, Linda veut du poulet plaira également à des adultes amateurs de fantaisies animées. De la mère dépassée au gendarme maladroit (la voix de l’acteur et chanteur Esteban se prête parfaitement à ce registre), tout concorde pour que le moment proposé par les deux cinéastes convienne aux différents publics qui auront la chance de découvrir l’œuvre en salle. Une heure et treize minutes de divertissement, dans laquelle nous nous amusons gaiement au côté de Linda, réveillant alors la nostalgie de nos enfances. Avec cet humour diablement bien senti et communicatif, ainsi qu’une bonne liberté de ton, Linda veut du poulet s’adresse à ceux qui veulent retrouver un esprit enfantin, libérant des sourires salvateurs.

Toutefois, sous les rires, se glisse une dramaturgie, un élément moins sujet à des réactions comiques, la vision d’une famille monoparentale fragilisée par la perte du père. Le duo de cinéastes évoque ce schéma, parle de ce paternel en filigrane, son fantôme existant dans la mentalité d’une Linda capricieuse, cette recherche du poulet devenant vitale, existentielle pour la jeune fille subissant les lacunes éducatives d’une mère réellement débordée par les événements. Chiara Malta et Sébastien Laudenbach ne décident pas de produire un film d’animation social, trop lourd pour le public ciblé, ainsi cette idée de faire courir une volaille affolée permet de transmettre subtilement ce message pourtant peu enthousiasmant. En tout cas, la mère et la fille forment un binôme séduisant, s’amusant à courser l’animal qui ne se déplume pas devant cette bande de joyeux lurons se trouvant à ses trousses. La réussite de Linda veut du poulet doit aussi énormément à son doublage, avec les voix de Clotilde Hesme, Esteban, Mélinée Leclerc. Les différentes voix s’investissent, donnent de l’impact, et encore plus d’attrait à cette énergique poursuite de l’ingrédient gastronomique. Quant aux poivrons dont il est fait tellement allusion, cet ennemi récurrent de moult palais détestant les légumes, peut-être donnera-t-il l’envie d’y gouter… en dégustant évidemment un poulet !

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RÉALISATEUR : Chiara Malta, Sébastien Laudenbach
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Animation,
DURÉE : 1h13
DISTRIBUTEUR : Gebeka Films
SORTIE LE 18 octobre 2023