Le Temps d’aimer : filmer l’amour

Présenté à Cannes Première lors du Festival de Cannes 2023, le nouveau film de Katell Quillévéré impressionne par sa justesse scénaristique et son récit profondément humain. Avec Le Temps d’aimer, la cinéaste française se maintient à un excellent niveau, après avoir notamment réalisé Suzanne et Réparer les vivants, deux grands films. Quand Thierry Frémaux exprime devant un large public toute son affection pour ce film, nous le comprenons véritablement. Aimer, voici bien le mot parcourant amoureusement tout ce beau long-métrage, où la mise en scène ne cesse jamais de filmer l’amour d’une magnifique façon, où l’harmonie des sentiments rejoint la beauté des corps. Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier forment un magnifique couple de cinéma, transpirant le désir, la sensualité, la passion charnelle, dans une époque où la sexualité signifie interdits et emprisonnements. L’œuvre si sensible de Katell Quillévéré décrit une relation d’un autre temps, indéfectible, où tout est possible, dans une époque où aimer reste plus fort que tout.

Le Temps d’aimer s’inscrit dans le cheminement cinématographique de la cinéaste, elle qui aime écrire sur les personnes, leurs histoires, les blessures d’une vie, raconter les sentiments, narrer des parcours sociaux différents. Réparer les vivants contenait déjà cette volonté de panser les pires douleurs morales, de narrer ce qui redonne foi en l’humanité. Cette nouvelle réalisation confirme cette idée d’analyser les rapports, dans un récit d’une sublime légèreté, où l’amour domine l’esprit.

Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier forment un magnifique couple de cinéma, transpirant le désir, la sensualité, la passion charnelle

Le Temps d’aimer raconte un amour perdurant plusieurs décennies, de la sortie de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’orée des années 1970, traversant des années marquées par la reconstruction et la prospérité économique. Madeleine (Anaïs Demoustier), femme tondue en place publique, rencontre François (Vincent Lacoste), dans un restaurant breton, près d’une plage, lieu où nait une idylle passionnée entre une femme à la sexualité affirmée et un homme à l’orientation sexuelle interdite. De cette union découle un attachement imperturbable, entre deux êtres humains poursuivis par des amours interdits, cherchant à se construire une existence dans une époque d’après-guerre troublée. Katell Quillévéré filme une Madeleine tentant d’oublier l’humiliation vécue, devant élever son fils issu de cette relation condamnable, tissant un amour avec ce François, obligé de refouler malgré lui sa sexualité. La force de ce long-métrage est que cet amour aussi généreusement mis en images reste la preuve par excellence qu’aimer détruit tout sur son passage, faisant abstraction des lois en vigueur, avec ce couple vivant librement son orientation sexuelle, à l’abri des regards, caché. La cinéaste filme ses personnages, bravant toutes formes d’interdictions, avec des hauts et des bas, mais toujours avec l’ardent souhait de montrer ce qu’il y a de beau dans une relation, de se laisser aller aux plaisirs de la chair, de construire une proximité harmonieuse. Katell Quillévéré sait aller au plus profond de l’humain, pour en ressortir ce qu’il y a de meilleur, y trouver une quantité de bonté ou d’altruisme. Elle a cette capacité à filmer des témoignages humains, dans des films aux caractères sociaux. Le Temps d’aimer évoque d’ailleurs une société française progressivement changeante, et ce couple se pose en exemple des mutations sociétales. Reste toutefois la question de la pénalisation de l’homosexualité, considéré comme contre-nature à l’époque, rappelant ainsi que les droits nécessaires ont été tardivement acquis.

Avec ce qu’il faut de sensibilité, le film expose une vision de l’amour, indestructible malgré les tragédies, et apparaît comme un plaidoyer pour la libération sexuelle, l’acceptation des corps

Le personnage incarné par Vincent Lacoste donne encore plus d’épaisseur à ce film, se retrouvant au centre de ces souhaitables progrès sociétaux, au cœur des plus grandes injustices aussi. En mettant en lumière ce François, professeur, Katell Quillévéré prône la liberté sexuelle, le droit d’être accepté et de s’assumer, et la relation qu’elle décrit œuvre dans ce sens. La réalisatrice filme cet amour avec une beauté incontestable, doublé d’un romantisme à toute épreuve, faisant de ce récit l’une des plus touchantes histoires du cinéma français récent. De la rencontre à une fin inéluctable en passant par la construction d’un schéma familial, Le Temps d’aimer développe les grandes étapes d’une union, en transposant sur grand écran la force et la magie d’une proximité. Avec ce qu’il faut de sensibilité, le film expose une vision de l’amour, indestructible malgré les tragédies, et apparaît comme un plaidoyer pour la libération sexuelle, l’acceptation des corps. Toutefois, ce qu’il faut retenir aussi, c’est cette morale bien juste, compréhensible, celle de croire que l’amour reste plus fort que tout, qu’il est possible de faire table rase du passé. Cela, Le Temps d’aimer le raconte si bien, cet amour vivant jusqu’aux confins de l’éternité, au-delà de la vie, pour toujours.

5

RÉALISATEUR :   Katell Quillévéré
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Romance
AVEC : Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste
DURÉE : 2h05
DISTRIBUTEUR : Gaumont Distribution 
SORTIE LE 29 novembre 2023