La Terre des hommes : #MeToo à la campagne

La ruralité apparaît de temps à autre comme décor de certains films français, ce qui apparaît comme un fait positif, diversifiant les paysages du cinéma contemporain et apportant une autre approche que le milieu bourgeois-bohème germanopratin un peu rebattu. Souvent le drame s’impose dans la ruralité, provenant de difficultés d’argent récurrentes et d’une survie très aléatoire d’exploitation. On a pu le constater dans Petit Paysan ou La Nuée, la dimension fantastique servant de métaphore aux tourments des agriculteurs. Cette fois-ci, la métaphore n’est pas d’usage. Si les exploitants éprouvent toujours des difficultés graves pour sauver leurs domaines de la faillite, il n’est nul besoin d’épidémie dans le bétail ou d’élevage carnivore de sauterelles pour figurer les causes du désarroi des agriculteurs. La Terre des hommes transpose dans la ruralité une thématique se trouvant particulièrement dans l’air du temps : celle du consentement, de l’agression sexuelle et donc de la révolution #MeToo. Sans se révéler particulièrement original, ce deuxième film de Naël Marandin se révèle être un réquisitoire utile et probant contre le « droit de cuissage », bénéficiant de la présence lumineuse de Diane Rouxel, l’une des actrices les plus talentueuses du cinéma d’aujourd’hui.

Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence.

La Terre des hommes s’avère un drame rural, naturaliste et humain, plutôt crédible, transcendé par l’interprétation habitée d’une Diane Rouxel qui fait parfois frissonner uniquement par l’intensité de son regard.

Il faut reconnaître à Naël Marandin un féminisme qui ne date pas d’hier puisque son premier film, La Marcheuse, datant de 2015, faisait déjà le portrait d’une prostituée chinoise en butte aux difficultés de la vie. Son deuxième film, La Terre des hommes, ne peut donc guère être taxé d’opportunisme malencontreux, même s’il se retrouve particulièrement en phase avec les thématiques du moment. Le personnage de Constance devra combattre l’odieuse pression sexuelle dont fait preuve celui censé l’aider à sauver l’exploitation de son père. Dans ce registre, Diane Rouxel, filmée le plus souvent en très gros plan, mettant ainsi en valeur l’éclat azuré de ses yeux, excelle véritablement, persistant et signant sur la voie peu fréquentée d’un cinéma d’auteur rude, abrupt et sans concessions. Sur elle et son combat, repose l’essentiel du film, quasiment une illustration de soirée à débat sur le thème du consentement.

Pour le reste, on regrettera quelque peu, sans trop spoiler, que le recours utilisé soit une réponse de la bergère au berger, et non pas une revanche judiciaire habilement argumentée et motivée. Dans le cadre d’une mise en scène honnête et réaliste, il faut surtout noter certains plans-séquences extrêmement travaillés, celui de la scène du « consentement » ainsi que celui du mariage, plans-séquences très réussis donnant l’impression du naturel, alors qu’ils ont sans doute été soigneusement élaborés. Hormis cela, La Terre des hommes s’avère un drame rural, naturaliste et humain, plutôt crédible, transcendé par l’interprétation habitée d’une Diane Rouxel qui fait parfois frissonner uniquement par l’intensité de son regard.

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RÉALISATEUR : Naël Marandin
NATIONALITÉ : française
AVEC : Diane Rouxel, Jalil Lespert, Finnegan Oldfield 
GENRE : Drame 
DURÉE : 1h36 
DISTRIBUTEUR : Ad Vitam 
SORTIE LE 25 août 2021