Godzilla Minus One : le retour aux sources d’un fléau

Le mois de novembre 2024 marquera les 70 ans de la première itération de Godzilla, roi des monstres, sur grand écran. Depuis, ce n’est pas moins de 37 films qui ont développé cet univers, avec plus ou moins de réussite. Le 38ème (Godzilla x Kong : The New Empire) sortira cette année avec Adam Wingard à la réalisation (Death Note, Godzilla vs Kong). Mais aujourd’hui, celui qui nous intéresse vient du pays d’origine de ce kaijū maintenant mondialement connu.

Godzilla Minus One est sorti en novembre dernier au Japon et diffusé en France pendant une très courte période (le 7 et 8 décembre uniquement). Cela s’explique par le fait que la Toho, distributeur historique des films Godzilla, demande d’énormes coûts liés aux droits d’exploitation de la franchise en dehors du Japon. C’est cette raison qui explique aussi l’absence d’exploitation en salles de Shin Godzilla (2016) en dehors de certains festivals avant sa sortie physique. Mais au vu de l’engouement généré lors de ces deux jours et des échos durant les jours suivants, Godzilla Minus One bénéficie d’une nouvelle sortie dans les salles de cinéma à partir du mercredi 17 janvier et pendant deux semaines. Revenons plus en détail sur l’un des meilleurs films de l’année 2023.

Takashi Yamazaki, (Always : Crépuscule sur le troisième rue, Lupin III : The First), commence l’écriture de ce film à partir de 2019. Il passera alors les trois années suivantes à l’écriture du script avec comme modèle le Godzilla de 1954. Il affirmera par ailleurs que l’anxiété générale de notre époque et le manque de fiabilité du gouvernement l’ont aussi inspiré. C’est avec un budget approximatif de 15 millions de $ (soit 10 à 20 fois moins que certains blockbusters américains) que Yamazaki met en images sa vision du kaijū. Et autant le dire tout de suite, c’est un pari réussi tant certaines séquences sont impressionnantes de crédibilité.

Le film raconte l’histoire de Roichi Shikishima, ancien pilote d’élite et kamikaze, qui, à quelques jours de la défaite officielle du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, décide de déserter. Il se réfugie alors sur une petite île sous prétexte de réparation de son véhicule. Godzilla débarque alors et décime l’intégralité des soldats de l’île à l’exception de Shikishima et Tachibana, un des mécaniciens. Rongé par la culpabilité d’avoir survécu sans rien pouvoir faire, mais aussi en sachant qu’il n’a pas servi son pays en tant que kamikaze, Shikishima décide de rentrer chez lui. Il tentera alors de reconstruire sa vie dans un quartier décimé par les bombes, tout en assurant la sécurité d’une femme et d’un bébé qui vivaient dans la rue. Pendant ce temps-là, Godzilla subissant les radiations d’un test nucléaire, grossit en taille et décide de s’en prendre aux terres les plus proches : le Japon.

Les scènes de monstre, bien que peu présentes, sont très réussies (si on ne prend pas en compte la carrure assez grotesque de Godzilla, qui se veut être un hommage aux films sortis dans les années 90), mais la véritable force du film réside dans l’histoire dramatique de Shikishima. Le film est en réalité un drame social et personnel sur fond de peur et de destruction massive. Godzilla a toujours représenté les peurs de la nation japonaise, comme le nucléaire en 1954 par exemple. Mais dans Minus One, Yamazaki va profiter de ce monstre pour parler plutôt du patriotisme envers un gouvernement affaibli et absent. En suivant l’évolution de Shikishima dans ce monde en ruines sans leader, le réalisateur en profite pour montrer un peuple n’ayant pas d’autre choix que de se reconstruire seul. Famine, maladie ou encore pauvreté, tout ce mélange a pour but de refléter l’incapacité du gouvernement japonais à défendre son peuple. On le voit aussi dans le dernier tiers, avec le groupe d’hommes bien décidé à stopper Godzilla. Ils ne sont pas réquisitionnés par leur pays, ils sont simplement volontaires pour protéger ce qu’il leur reste. Shikishima profitera alors de ce moment pour en finir avec ce mal qui le ronge depuis plusieurs années ; pour lui, la guerre n’était pas finie.

Film monumental qui nous rappelle la véritable nature de Godzilla : un destructeur. Quelques petites longueurs sont présentes, mais rien de dommageable. Tout le reste en fait l’un des meilleurs films de 2023.

L’autre différence est la représentation de Godzilla elle-même. Si les derniers films américains avaient pour habitude de nous le présenter comme sauveur de l’humanité, ici, il s’agit d’une véritable force de la nature, bien décidée à détruire et terroriser tout ce qu’elle peut.

Sur le plan technique, l’équipe responsable des décors a voulu rendre un véritable hommage aux films d’origine des années 50, nous entraînant alors avec réussite dans le Japon d’après-guerre. Les sublimes décors sont captés avec réussite par le réalisateur et permettent d’insister sur cette période de reconstruction que Godzilla tente d’empêcher. Les effets visuels sont impressionnants au vu du budget global, notamment l’ombre de Godzilla sous l’eau et même de manière globale, toutes les séquences l’impliquant. Le tout est accompagné par une bande-son signée Naoki Satō et se permet même de reprendre le thème original du film de 1954.

Comme rien n’est parfait, on peut souligner que le style de jeu japonais risque de déplaire à certains (surjeu et emphase sont au rendez-vous) et que le scénario verse parfois dans des choix scénaristiques trop faciles (notamment l’épilogue).

Film monumental qui nous rappelle la véritable nature de Godzilla : un destructeur. Quelques petites longueurs sont présentes, mais rien de dommageable. Tout le reste en fait l’un des meilleurs films de 2023. Peu de choses à redire, son visuel soigné et impressionnant, le scénario dramatique et accrocheur, en font une véritable porte d’entrée dans l’univers du célèbre kaijū.

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RÉALISATEUR : Takashi Yamazaki
NATIONALITÉ :  Japonais
GENRE : Drame, Guerre, Science-Fiction
AVEC : Ryūnosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yuki Yamada, Kuranosuke Sasaki
DURÉE : 2h05
DISTRIBUTEUR : Piece of Magic Entertainment France
SORTIE LE 17 janvier 2024