Don’t worry darling : personne n’est parfait

S’étant fait connaître pour son rôle de Thirteen dans Dr House, Olivia Wilde a depuis fait une petite carrière sympathique au cinéma (Tron L’héritage, Rush, Her, Le Cas Richard Jewell), ne dépassant pourtant pas, en dépit d’une beauté ravageuse, le niveau des seconds rôles remarqués, Elle a échoué de peu au casting du Loup de Wall Street de Martin Scorsese, devant la jeunesse de Margot Robbie, et s’est finalement retrouvée dans Vinyl, série produite par le même Scorsese, qui a connu le redoutable sort de ne pas avoir été renouvelée après une seule saison. Etant loin d’être stupide, notre jolie brunette s’est plus ou moins reconvertie dans la réalisation, en signant Booksmart, teen-movie décalé et indépendant, célébré par la critique, avec Kaitlyn Dever et Beanie Feldstein. Depuis Olivia Wilde s’est donc essayée au blockbuster via le thriller psychologique Dont worry darling avec Florence Pugh et Harry Styles, son compagnon actuel. Or, si Olivia Wilde passe avec brio le test technique de réalisatrice, malgré une bande sonore surchargée, Don’t worry darling patine quelque peu dans sa mission de dénonciation d’une société du mensonge et de la perfection.

Dans les années 1950, Alice et Jack ont de la chance de vivre dans la communauté idéalisée de Victory, une ville d’entreprise expérimentale qui abrite les hommes qui travaillent, ainsi que leur famille pour le projet secret de l’entreprise. L’optimisme sociétal des années 1950, prôné par leur PDG, Frank – à la fois visionnaire et coach de vie motivant – imprègne chaque aspect de la vie quotidienne dans cette utopie en plein milieu du désert. Alors que les maris passent toutes leurs journées au siège du projet Victory, travaillant sur le « développement de matériaux progressifs », leurs épouses – dont l’élégante partenaire de Frank, Shelley – passent leur temps à profiter de la beauté, du luxe et de la débauche de leur petite communauté privée. La vie semble parfaite, les besoins de chaque résident étant satisfaits par l’entreprise. Tout ce qu’ils demandent en retour, c’est de la discrétion et un engagement sans faille à la cause de Victory.

Examen de passage technique relativement réussi, Don’t worry darling permet aussi de formuler un avis plus mitigé sur son aspect artistique, qui laisse dubitatif et songeur sur la tournure que va prendre la carrière d’Olivia Wilde réalisatrice.

En situant son intrigue dans les années 50, Don’t worry darling représente un prétexte pour Olivia Wilde pour interroger le bonheur parfait d’une petite communauté isolée et critiquer de manière rétroactive une société dominée par le patriarcat, où les femmes sont réduites à la part congrue du luxe, de l’artificialité et de l’inaction. Elle fait assez mouche dans la description clinique d’une femme réduite à l’entretien domestique de sa maison. Il ne faudra pourtant pas longtemps à Alice pour découvrir que derrière cette façade ripolinée de perfection, se cachent la manipulation des individus et une expérimentation qui pourraient faire penser en version rétro à The Truman Show. On pense parfois également à Mad Men, en raison du regard critique rétrospectif jeté sur ces années d’expansion et à une déconstruction des thèses masculinistes et antiféministes.

Par un montage habile et une direction d’acteurs convaincante (en dépit de dissensions internes avec Florence Pugh, dont le motif reste indéterminé), Olivia Wilde semble plutôt réussir son test comme réalisatrice de film de studio. Néanmoins, elle a le grand tort de surcharger pendant toute la première partie de son film une bande-son qui finit par être assourdissante. Par contraste, la deuxième partie du film, où Alice découvre le pot-aux-roses, instaure de manière assez réussie une angoisse croissante sur le devenir des personnages, en privilégiant les dialogues et l’interprétation (Florence Pugh, toujours aussi tétanisante, s’imposant depuis Midsommar comme l’une des actrices les plus passionnantes d’aujourd’hui).

Cependant, Olivia Wilde est surtout une réalisatrice qui passe de projet en projet, en ne leur imprimant pas une empreinte véritablement durable., hormis un féminisme prégnant qui demeure sa marque de fabrique. Cette histoire de société expérimentale fondée sur le mensonge en vaut bien d’autres mais manque d’une profonde originalité, dans le sens d’une véritable connexion avec la personnalité de la réalisatrice, pour pouvoir sortir du lot. En fait, comme pour Booksmart, Olivia Wilde n’a pas écrit le scénario de son film alors qu’on lui en a attribué le mérite. Il serait par conséquent injuste de lui attribuer le manque d’originalité de l’histoire de Don’t worry darling qui représente surtout pour elle un passeport de réalisatrice pour Hollywood, afin de pouvoir mettre en scène les aventures de Spider-Woman. Examen de passage technique relativement réussi, Don’t worry darling permet aussi de formuler un avis plus mitigé sur son aspect artistique, qui laisse dubitatif et songeur sur la tournure que va prendre la carrière d’Olivia Wilde réalisatrice. Personne n’est parfait, pas même Olivia.

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RÉALISATEUR :  Olivia Wilde 
NATIONALITÉ : américaine 
AVEC : Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine, Olivia Wilde 
GENRE : Thriller psychologique 
DURÉE : 2h02 
DISTRIBUTEUR : Warner Bros 
SORTIE LE 21 septembre 2022