Christophe…définitivement : le prince de la nuit

« Dans ma veste de soie rose
Je déambule morose
Le crépuscule est grandiose

Mais peut-être un beau jour voudras-tu
Retrouver avec moi
Les paradis perdus?

Dandy un peu maudit, un peu vieilli
Dans ce luxe qui s’effondre » (Christophe, Les Paradis perdus).

La pandémie du Covid-19, peut-être se trouvant derrière nous mais dont la persistance ne se laisse pas oublier, a fait un grand nombre de victimes lors de ses premières vagues. Parmi celles-ci, se trouvait un immense artiste dont nous regrettons chaque jour le départ pour d’autres cieux, Daniel Bevilacqua alias Christophe, l’un des derniers grands de la chanson française, au même titre qu’un Bashung qui a repris un jour ses Mots bleus dans une version poignante ou un Gainsbourg dont il partageait le goût amer des nuits d’insomnie. Parti il y a presque trois ans, trois ans déjà, l’ombre et l’influence de Christophe n’ont fait que grandir depuis son aller sans retour dans les bras de Morphée. Christophe…définitivement, film composé de bric et de broc, autour du concert du 11 mars 2002 qui signait le retour en concert de Christophe, après presque trente ans d’absence, est ainsi un hommage, une célébration de son talent unique de parolier et de mélodiste.

Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia, vidéastes et artistes contemporains, ont été chargés par Christophe de la scénographie du fameux concert du 11 mars 2002 qui représentait le retour de Christophe en concert, vingt-huit ans après. Retravaillant les images de son concert, les complétant par des images de répétition ou de Christophe en privé, Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia s’en ont finalement servi pour transmettre des images intimes et inédites, voire presque abstraites, du chanteur.

Vivre la nuit, rêver le jour. Tout un programme qui résume bien la vie du Beau Bizarre, ce « dandy un peu maudit, un peu vieilli », de cet être d’exception qu’était Christophe.

Au commencement, Christophe était une sorte de chanteur de charme moustachu, un play-boy décalé, un dandy original, un séducteur timide, réservé, toujours un peu à la remorque des choses. Mélodiste prodigieux (Aline, Les Marionnettes, Senorita), il composa tube sur tube, en atteignant un sommet d’humour distancié avec Succès fou. Le genre de type qui ne faisait jamais d’effort pour tomber les filles mais était le prototype des tombeurs. Avec les années, Christophe est devenu un prince de la nuit, restant dans son antre de sorcier du son. Le dernier des Bevilacqua a progressivement mué en « dandy un peu maudit, un peu vieilli », en Nosferatu, fantôme de la nuit. Transformé en maître de l’électro et des ambiances cinématographiques, il a sorti en vingt ans trois ou quatre albums de 1996 à 2016, qui sont des chefs-d’oeuvre immensément personnels et cinéphiliques (Bevilacqua, Comm’ si la terre penchait, Aimer ce que nous sommes, Les Vertiges du chaos). Aujourd’hui encore, ces albums demeurent indépassables, tant ils avaient d’avance sur leur époque et murmurent à notre oreille en étant la bande-son de nos rêves les plus indicibles.

Dans Christophe…définitivement, on retrouve son souci du détail, son perfectionnisme intransigeant et légendaire. On y retrouvera également ses chansons immarcescibles comme Les Paradis perdus, La Dolce vita ou Les Mots bleus. Ceux qui ont assisté à nombre des concerts que Christophe a donnés lors des années 2000 et 2010 se souviendront à quel point ils n’ont jamais été déçus par la moindre de ses prestations. Toutes étaient magiques, prolongeant le plaisir de la nuit. Ceux qui ont vu ce fameux concert du 11 mars 2022 dont il existe d’ailleurs une captation parfois vendue avec l’album live Christophe à l’Olympia, se souviennent qu’il est venu sur scène avec plus d’une heure de retard, après avoir été appelé avec insistance par les spectateurs : peur, réticence, timidité, perfectionnisme, on ne saura jamais. Ceux qui voudront retrouver, après avoir vu le film, son phrasé inimitable, mélancoliquement haché, pourront lire son autobiographie inachevée, Vivre la nuit, rêver le jour. Tout un programme qui résume bien la vie du Beau Bizarre, ce « dandy un peu maudit, un peu vieilli », de cet être d’exception qu’était Christophe.

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RÉALISATEUR :  Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia
NATIONALITÉ : française 
GENRE :  documentaire, musical 
AVEC : Christophe 
DURÉE : 1h24 
DISTRIBUTEUR : New Story 
SORTIE LE 8 mars 2023