Call me by your name : l’amour à bicyclette

Avec Three Billboards et La Forme de l’eau, c’est l’un des films dont on parle le plus en ce moment, l’histoire d’une romance dans le Nord de l’Italie au début des années 80 entre un étudiant américain de 30 ans qui prépare son doctorat et un adolescent italien de 17 ans. Nommé aux Oscars, aux Bafta et aux Golden Globes, Call me by your name s’est fait remarquer partout, depuis sa révélation au Festival de Sundance. Mérite-t-il sa réputation de grand film romantique qui fait chavirer tous les cœurs? 

Au départ, Call me by your name ne part pas forcément gagnant : une esthétique de téléfilm, une photographie plus que moyenne (lorsqu’on filme la beauté de la campagne italienne, il est possible d’accomplir de vraies merveilles), un sujet très LGBT, un peu trop dans l’air du temps et un réalisateur qui n’a réalisé qu’un seul film assez remarquable, Amore, avec Tilda Swinton, qui avait des accents assez viscontiens, entre deux films plus médiocres, A Bigger Splash, son adaptation de La Piscine, et Melissa P., un film plus ou moins érotique sur les atermoiements d’une adolescente dans son exploration des plaisirs de la chair.

L’amour s’impose lorsqu’on s’aperçoit qu’une personne peut vous emmener ailleurs, là où le meilleur de vous peut s’éveiller. 

Oui, mais voilà, le film est tourné d’après un scénario de James Ivory. Le vénérable metteur en scène, âgé de 89 ans, ne réalise plus mais a donné son scénario à Luca Guadagnino qui a su en tirer le meilleur parti. En supprimant la narration au passé qui existait dans le roman d’André Aciman, Guadagnino et Ivory nous font vivre cette histoire d’amour au présent. On assiste à sa progression improbable en suivant le point de vue d’Elio. Elle est vécue et ressentie comme une attirance irrépressible, une fascination et une admiration réciproques et non comme une histoire de sexe ou une relation homosexuelle. Guadagnino parvient à dépasser cet aspect en transcendant cette relation amoureuse et en la faisant exister comme une histoire intemporelle. Nous sommes ainsi perdus avec délices dans cette villa du XVIIème siècle dans l’Italie du Nord, lors d’une époque pré-Sida (le film se passe en 1983), évoquant une sorte de Paradis perdu solaire et innocent. 

Des échos parviennent des films précédents de Guadagnino : la passion incontournable d’Amore, l’intrusion d’un élément étranger qui va déstabiliser la structure en place comme dans A Bigger Splash, voire même les hésitations et doutes adolescents de Melissa P. En effet, Elio, adolescent surdoué (exceptionnel Timothée Chalamet qu’on retrouvera dans un prochain Woody Allen avec Elle Fanning, A rainy day in New York) hésite entre son amie du même âge (Esther Garrel, parfaite) et le fascinant et inaccessible Oliver. Mais très vite, la fascination va l’emporter, sans qu’on ne sache jamais ce que pense réellement Oliver de cette histoire, Armie Hammer préservant très bien cette part d’ombre. 

Car Oliver joue un peu au chat et à la souris avec Elio, ne lui accordant jamais exactement ce qu’il veut. Le film se construit ainsi par petites touches (sans jeu de mots) et finit par convaincre totalement sur la durée. En particulier, le dernier quart d’heure qui fait enfin apparaître le secret d’un personnage en plein jour (magnifique confession de Michael Stulhbarg, le formidable acteur de A Serious Man des Coen) le dernier plan-générique de fin touchent au sublime et à l’inoubliable. On retrouve ici la finesse d’écriture de James Ivory qui se manifestait dans Maurice, autre histoire d’amour homosexuel. Mais la différence entre les deux films provient de ce que dans Maurice, la société s’opposait à cet amour qu’il fallait vivre caché alors que dans Call me by your name, rien ne s’oppose à cette romance, hormis les deux protagonistes eux-mêmes, puisqu’elle prend place dans une nature idéalisée. L’amour s’impose lorsqu’on s’aperçoit qu’une personne peut vous emmener ailleurs, là où le meilleur de vous peut s’éveiller. 

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RÉALISATEUR :  Luca Guadagnino 
NATIONALITÉ : italienne, britannique 
AVEC : Timothée Chalamet, Armie Hammer, Esther Garrel, Michael Stuhlbarg, Amira Casar  
GENRE : Drame, romance 
DURÉE : 2h11 
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France
SORTIE LE 28 février 2018