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Blackbird : le vent de la mort

Le suicide assisté, autrement dit l’euthanasie, est devenu l’un des thèmes majeurs de notre monde en vieillissement croissant. Roger Michell, que l’on a connu d’humeur plus guillerette (Coup de foudre à Nothing HillMorning gloryWeek-end royal), a choisi de prendre ce sujet à bras-le-corps, en évitant autant que possible le mélodrame larmoyant. Mission accomplie, Roger Michell se cantonnant à une sage mise en images, surtout grâce à ses acteurs extrêmement bien dirigés, en particulier Susan Sarandon, éblouissante, et ses deux filles de cinéma, Mia Wasikowska, rebelle blessée, et Kate Winslet, le pilier faussement serein de la famille.

Blackbird traite ainsi un sujet important d’un point de vue sociétal, en nous faisant pratiquer l’immersion pendant le week-end d’une famille apparemment comme les autres

Atteinte d’une maladie dégénérative incurable, Lily décide avec son mari Paul de réunir toute sa famille autour d’elle lors d’un dernier week-end dans leur maison au bord de la mer. Elle compte leur annoncer sa résolution de terminer sa vie dans la dignité. Or cette décision ne fera pas l’unanimité. Des non-dits, des ressentiments, des mensonges reviendront à la surface, en particulier de ses deux filles, l’aînée Jennifer, mère de famille, et Anna, la cadette, artiste dépressive et suicidaire…

Avouons-le tout net, le sujet paraît fort plombant et l’on se dirige vers la salles un peu à reculons. Or, en l’occurrence, Blackbird vous apportera peut-être davantage qu’un divertissement plus attractif. Il existait déjà chez Roger Michell une veine plus noire que Coup de foudre à Nothing Hill, tendance qui s’était exprimée dans The Mother ou My Cousin Rachel. Il a cette fois-ci adapté à la sauce anglo-saxonne un film de Bille August, Still Hjerte, avec le même scénariste, Christian Thorpe. Si le thème de la réunion de famille n’est guère nouveau, Roger Michell ne cherche pas un seul instant à le renouveler, mais plutôt à nous immerger progressivement dans cette famille, de manière à ce qu’on se reconnaisse au moins dans un personnage, celui de la mère possessive et dominante, celui de la fille effacée et bonne épouse, ou encore celui de la sœur artiste et rebelle…Tout semble bien se passer, jusqu’à ce que les fêlures l’emportent, qu’un couple se révèle être un mensonge, que l’amour d’une mère soit une immense dévoration qui ait finalement empêché ses filles d’exister par elles-mêmes.

Même si l’on ne peut être extrêmement convaincu par une mise en images bien trop académique pour pouvoir bouleverser, Blackbird finira quand même par vous interroger personnellement, sur vos liens familiaux, votre indépendance par rapport à vos parents, les mensonges que vous avez pu proférer pour vous préserver de votre famille, la réussite ou l’échec de votre existence, votre relation à la mort. Il porte également un regard sans concessions sur la fin de vie, l’accompagnement de ses proches dans ces circonstances particulières, la dignité qu’on y recherche et que l’on espère préserver. Rien que pour cela, et surtout sa distribution sans faute, Blackbird mérite de demeurer dans votre souvenir.

2.5

RÉALISATEUR : Roger Michell
NATIONALITÉ : anglais-américain
AVEC : Susan Sarandon, Kate Winslet, Mia Wasikowska, Sam Neill, Lindsay Duncan
GENRE : Drame
DURÉE : 1h37
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 23 septembre 2020