Black Widow : un Marvel féministe?

Plusieurs fois repoussée, la sortie de Black Widow va enfin avoir lieu, le lendemain de l’ouverture du Festival de Cannes. Comme si d’après l’Evangile selon Saint Martin (Scorsese), l’un, le cinéma d’auteur, était décidément le faux jumeau d’un autre bien moins révéré mais bien plus célébré commercialement, les films de super-héros. Black Widow était désiré depuis belle lurette, en particulier par son interprète, la sculpturale Scarlett Johansson qui tenait mordicus à avoir son film d’action à elle toute seule (Lucy de Luc Besson ne lui a pas suffi) pour célébrer enfin son personnage à l’égal des autres figures emblématiques de la galaxie Marvel. Mais était-ce finalement une si bonne idée?

Natasha Romanoff, alias Black Widow, voit resurgir la part la plus sombre de son passé pour faire face à une redoutable conspiration liée à sa vie d’autrefois. Poursuivie par une force qui ne reculera devant rien pour l’abattre, Natasha doit renouer avec ses activités d’espionne et avec des liens qui furent brisés, bien avant qu’elle ne rejoigne les Avengers.

La grande séquence de repas familial sera suffisante pour se rendre compte du véritable sujet caché de Black Widow, la reconstitution d’une famille, tant bien que mal, y compris lorsque les liens de cette famille s’avèrent plus qu’artificiels.

Très honnêtement, le film commence plutôt bien par un flash-back nous permettant de découvrir toute la famille de Black Widow (le père, la mère, la soeur) en course-poursuite effrénée, ce qui finit par se résoudre en générique à base d’images d’actualités sur une version décalée et admirablement ralentie de Smells like teen spirit. Le reste, disons-le tout de suite, ne se montrera pas à la hauteur de ce joli début. On retiendra essentiellement une course-poursuite largement empruntée au dernier Mission : Impossible, la présence fantasmatique de Scarlett à son plus haut niveau de sensualité, celle facétieuse de Florence Pugh qui gagne ici des galons de protagoniste de film d’action, une séquence où Scarlett se fait poursuivre par un robot Terminator et surtout une scène de repas et de conflit familial qui s’éternise (dans un sens positif) pendant de longues minutes, et paraît presque sortie d’un autre film, un Bergman ou un Sautet. On croit alors le film lancé mais il ne reviendra plus sur ces bases. L’aperçu est néanmoins suffisant pour se rendre compte du véritable sujet caché de Black Widow, la reconstitution d’une famille, tant bien que mal, y compris lorsque les liens de cette famille s’avèrent plus qu’artificiels.

Après Wonder Woman chez D.C. Comics, qui n’est pas, n’en déplaise à Iris Brey, le chef-d’oeuvre féministe qu’elle semble y voir, Captain Marvel était une production Marvel amusante, avec une réelle actrice (Brie Larson) mais qui n’avait guère de prétentions d’un point de vue politique et féministe. Ce n’est pas non plus le cas de Black Widow, empêtré dans un scénario inutilement compliqué où l’antagoniste n’est qu’une force maléfique exempte de nuances. A l’origine, le projet est conçu comme un hommage à Black Widow qui reviendrait sur son passé car [ATTENTION SPOILER], pour ceux qui ne le sauraient pas encore, elle est morte dans le dernier Avengers. Le film esquisse un léger arrière-plan à la Buffy septième saison lorsque Black Widow va délivrer une armée de Veuves, mais cet aspect reste très mineur et négligeable. A la projection, on ressent plutôt l’impression (confirmée par la séquence post-générique final) que Black Widow est conçu surtout pour lancer une autre héroïne de film d’action, Yelena, la petite soeur de Natasha, plus jeune, ayant le même gabarit et surtout une voix grave au charme ineffable, presque aussi comparable. Florence Pugh fait en effet des étincelles dans ce rôle. Serait-ce suffisant pour mériter sa propre franchise? On l’espère pour elle.

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RÉALISATEUR : Cate Shortland
NATIONALITÉ : américaine
AVEC : Scarlett Johansson, Florence Pugh, David Harbour, Rachel Weisz
GENRE : Action, espionnage, aventure 
DURÉE : 2h14
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France 
SORTIE LE 7 juillet 2021