Black Panther : Wakanda Forever : le roi est mort, vive le roi

En 2018, Black Panther battait des records d’entrées, récoltant plus d’un milliard de dollars de recettes à travers le monde. Le film mettant en scène le super-héros noir dans son costume de panthère avait même obtenu sept nominations aux Oscars, dont trois statuettes. Ce succès surprise lors de cette prestigieuse cérémonie fut une première pour un film produit par Marvel Studios. Le niveau d’exigence artistique de Ryan Coogler et son équipe méritait amplement ces récompenses. En termes de mise en scène, le film proposait un résultat abouti, esthétique, hors des standards normaux du MCU. Cette suite répond davantage au style habituel, avec un scénario classique et le recours aux effets spéciaux. Black Panther: Wakanda Forever n’offre aucune surprise, reprenant identiquement les constructions narratives d’autres productions de Marvel Studios.

Après le succès du premier opus, Ryan Coogler prévoyait de réaliser un second chapitre, avec un scénario centré sur le personnage incarné par Chadwick Boseman. La mort de l’acteur a cependant chamboulé ce projet. Les scénaristes ont donc écrit une histoire avec la mort de T’challa. Ce décès plonge le Wakanda dans l’incertitude et la vulnérabilité. Le pays se retrouve sans protecteur et sous la direction de la reine Ramonda. Mais un danger venant du fond des océans menace les Wakandais. 

La mort du roi T’challa bouleverse la terre wakandaise. Le récit se retrouve confronté à l’absence d’un personnage essentiel. Dépourvue de sa matière principale, l’écriture doit adopter une autre stratégie scénaristique.

Avec cette composante imprévue, le scénario devait s’adapter.  Il paraissait inévitable de ne pas parler de ce drame. Ainsi, le film se compose de nombreuses allusions à T’Challa et à son aura. Le Wakanda devient un colosse aux pieds d’argile éprouvé par la tragédie. Sans son roi protecteur, le royaume plonge dans une fragilité certaine, et ce malgré les efforts de la reine Ramonda. Rapidement, le film prend une autre tournure, avec l’apparition de guerriers aquatiques venus combattre le monde de la surface. Namor, chef des Atlantes, dont c’est la première apparition dans le MCU, veut protéger son peuple et son vibranium convoité par les Occidentaux. Ce métal, récurrent dans les comics, procure une force surhumaine. Cette matière compose principalement l’équipement de la Panthère Noire ainsi que le bouclier de Captain America. Le leader des combattants amphibiens souhaite donc rentrer en guerre et détruire la terre africaine.

Cette rivalité naissante sert d’axe principal au scénario, qui suit un schéma narratif sans grande originalité, se calquant identiquement sur celui d’autres films du MCU. Lutte de pouvoir, défense des territoires, antagonisme entre victimes et agresseurs, l’écriture reprend entièrement les codes imposés par Marvel. Rien à dire sur le niveau technique indéniable des effets spéciaux et de la gestion de l’action. En revanche, le scénario ne séduit pas, car trop formaté pour séduire le plus grand nombre de spectateurs. Dès lors, Black Panther: Wakanda Forever devient une production typique de Marvel Studios, avec son lot de courses-poursuites, d’explosions, et de combats. Ryan Coogler mélange les genres, l’action, l’aventure, la science-fiction, le film de super-héros. Le choix de style diffère étonnamment de Black Panther, pour convenir alors aux exigences du studio. Cela donne un produit fabriqué pour le divertissement, suivant ainsi la chronologie du Marvel Cinematic Universe. Les scènes bien réalisées et techniquement impressionnantes se multiplient, mais cela ne suffit pas forcément. Cette suite ressemble à un simple blockbuster qui ne sort pas de l’ordinaire, mais qui ravira les amateurs de Marvel. Certes survitaminé, le film bascule dans une apothéose d’action façon Avengers, introduisant le personnage de Ironheart, joué par Dominique Thorne.  Ce second épisode contraste fortement avec le premier film, tellement l’esprit se trouve quelque peu dénaturé. Cela dit, rien de surprenant, puisqu’on sait que Marvel aime exploiter ses franchises au maximum, souvent au détriment de la qualité.

Ryan Coogler se plie à la volonté de Marvel, livrant une mise en scène impersonnelle. Le réalisateur de Creed : l’héritage de Balboa subit les changements scénaristiques imposés, produisant un film ne ressemblant en rien à son style.  Black Panther: Wakanda Forever souffre indéniablement de l’absence de T’challa, le héros emblématique. Était-il utile de faire une suite sans Chadwick Boseman ? Non, car tout le film se retrouve ainsi délesté de son principal atout, prenant globalement un aspect commémoratif. La présence fantomatique du personnage, parcourant tout le long-métrage, remet en cause tout le sens de cette production. Comparée au film de 2018, la représentation de la culture africaine s’efface complètement au profit d’un film Marvel classique. Le long format, 2 h 43, ne convient sans doute pas à ce type de production qui s’étire en longueur, surtout avec un scénario bien mince.

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RÉALISATEUR :  Ryan Coogler
NATIONALITÉ : Américaine
AVEC : Letitia Wright, Angela Bassett, Lupita Nyong'o, Danai Gurira
GENRE : film de super-héros
DURÉE : 2h43
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France
SORTIE LE 9 Novembre 2022