Prodigieuses : plus belle la vie

La vérité n’est pas forcément le vraisemblable. Plus les choses sont invraisemblables dans la vie, il faut s’efforcer de les rendre crédibles à l’écran. Trop facile serait la tentation de tout déballer à l’écran, sans préparation préalable, et de s’abriter ensuite sous l’alibi fort pratique « d’après une histoire vraie » qui semble vouloir excuser toutes les incohérences. C’est un peu le travers dans lequel sont tombés Frédéric et Valentin Potier en voulant adapter au cinéma l’histoire extraordinaire des jumelles Audrey et Diane Pleynet, pianistes célèbres ayant dû combattre un handicap rédhibitoire.

D’après une histoire vraie. Claire et Jeanne, jumelles pianistes virtuoses, sont admises dans une prestigieuse université de musique dirigée par l’intraitable professeur Klaus Lenhardt. Elles portent ainsi l’ambition de leur père qui a tout sacrifié pour faire d’elles les meilleures. Mais, une maladie orpheline, fragilise peu à peu leurs mains, et compromet brusquement leur ascension. Refusant de renoncer à leur rêve, elles vont devoir se battre et se réinventer pour devenir, plus que jamais, prodigieuses.

Prodigieuses fait partie de ces histoires vraies exemplaires, trop exemplaires, qui ne parviennent pas à prendre véritablement racine dans la fiction.

Pour Prodigieuses, plusieurs directions étaient possibles : l’axe Haneke, à travers l’histoire de deux soeurs pianistes, cf. La Pianiste, une narration froide et clinique d’une rivalité, avec au programme, coups bas et perversité ; l’axe Cronenberg, la substitution d’une jumelle à une autre, dans une atmosphère fantastique, cf. Faux-semblants. Prodigieuses fait ainsi illusion pendant ses 30 ou 45 premières minutes, en paraissant emprunter ces deux voies.

En revanche, à partir du coup du sort qui révèle une maladie invalidante pour les deux soeurs, le film qui aurait pu partir dans une direction esquissée de film surréalistico-fantaisiste (les scènes de Franck Dubosc pouvaient suggérer cette piste) finit par s’éteindre progressivement dans le mélodrame le plus convenu, avec résilience et résurrection à la clé. La voie surréaliste aurait été certes plus risquée mais ô combien plus payante, permettant de considérer avec plus de distance et de recul cette intrigue au potentiel dramatique trop larmoyant.

Si l’on ne peut qu’adhérer à la portée fédératrice du projet qui montre comment deux soeurs vont pouvoir surmonter un handicap qui condamnait a priori leur passion commune de la musique, le spectateur demeure assez consterné par la tournure trop académique et édifiante prise par le film qui ne sait comment rendre crédible et vraisemblable ce qui est pourtant bien arrivé dans la « vraie vie », sinon en l’assénant sans nuances. Restent surtout dans le souvenir Camille Razat et Mélanie Robert, très convaincantes dans leurs exercices pianistiques et leur lien de sororité, qui ne déméritent pas. Prodigieuses fait partie de ces histoires vraies exemplaires, trop exemplaires, qui ne parviennent pas à prendre véritablement racine dans la fiction.

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RÉALISATEUR : Frédéric et Valentin Potier 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : biopic, drame 
AVEC : Camille Razat, Mélanie Robert, Franck Dubosc, Isabelle Carré
DURÉE : 1h41 
DISTRIBUTEUR : Apollo Films 
SORTIE LE 20 novembre 2024