Niki : académisme versus avant-garde

Avec ce biopic de Niki de Saint Phalle, artiste féministe d’avant-garde, Céline Sallette, actrice plus qu’appréciée, visait très haut pour son premier film. Elle a pu trouver en Charlotte Le Bon une comédienne idéale pour le rôle, laissant deviner des fêlures palpables derrière une apparence faussement lisse, et capable d’endosser un destin d’envergure, à l’évidence hors du commun. Pourtant, à la vision de son film, le spectateur ressent malheureusement l’impression que le côté lisse l’emporte au détriment de la personnalité révoltée et indépendante de Niki de Saint Phalle. Comme si le côté film d’époque avait phagocyté l’ensemble du projet.

Paris 1952, Niki s’est installée en France avec son mari et sa fille loin d’une Amérique et d’une famille étouffantes. Mais malgré la distance, Niki se voit régulièrement ébranlée par des réminiscences de son enfance qui envahissent ses pensées. Depuis l’enfer qu’elle va découvrir, Niki trouvera dans l’art une arme pour se libérer.

Du film, surnage donc une interprétation de grande classe qui servira au spectateur de fil rouge et permettra de découvrir le destin tragique de Niki de Saint Phalle qui a néanmoins réussi à trouver une rédemption à travers l’art.

Que dire d’un film d’une actrice qu’on aime, interprété par une autre comédienne que l’on n’adore pas moins? La vérité. Niki est un étrange cas de figure où un destin flamboyant se trouve quelque peu engoncé dans un cadre et un style qui ne lui correspondent pas. Passons sur le fait que pour une artiste d’avant-garde, on ne puisse pas, pour une question de droits, ne pas contempler les oeuvres de Niki de Saint-Phalle. Le film de Céline Sallette contourne en effet la difficulté en montrant les essais, les tentatives, et non les résultats. Après tout, cette impasse involontaire sur les oeuvres aurait pu permettre de recentrer le biopic sur sa dimension existentielle, à la manière de ce qu’a pu faire Pialat dans Van Gogh. Néanmoins, les oeuvres de Van Gogh appartiennent tant d’emblée à l’inconscient collectif, qu’il ne s’avère peut-être pas nécessaire de les voir, ce qui n’est pas forcément le cas de celles de Niki de Saint Phalle.

La difficulté ne se trouve pas là, mais dans le fait que Céline Sallette, pour son premier film, n’est pas parvenue à éviter le piège de l’académisme, ce qui représente un comble lorsqu’on traite d’une artiste d’avant-garde. Rappelons les définitions d’académique : dont la conformité à la tradition littéraire, artistique, supplée à un certain manque de naturel et d’originalité ; compassé, conventionnel, apprêté, étudié, guindé. Tout est pourtant dans le film : les ampoules; les couteaux cachés sous le lit, le traumatisme de l’inceste. Mais demeure l’impression persistante qu’une actrice exceptionnelle, Charlotte Le Bon, essaie de se battre contre un cadre conventionnel, tout comme Niki tentait de survivre face au traumatisme de son enfance.

Du film, surnage donc une interprétation de grande classe qui servira au spectateur de fil rouge et permettra de découvrir le destin tragique de Niki de Saint Phalle qui a néanmoins réussi à trouver une rédemption à travers l’art. Un art d’avant-garde qu’on ne verra pas, de nombreuses sculptures et peintures, mais qu’on devine entre les plans et que le film nous invite à découvrir hors salle.

3

RÉALISATRICE : Céline Sallette
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : biopic 
AVEC : Charlotte Le Bon, Judith Chemla, John Robinson, Damien Bonnard 
DURÉE : 1h38 
DISTRIBUTEUR : Wild Bunch distribution 
SORTIE LE 9 octobre 2024