Primadonna : et la femme s’émancipa…

Présenté et récompensé dans plusieurs festivals du film italien en 2023 (Villerupt et Ajaccio) ainsi qu’au Festival du Film de Rome en 2022, le premier long métrage de Marta Savina met en lumière de manière très intéressante (et avec un écho certain à notre époque contemporaine) le parcours d’une femme qui a osé prendre la parole pour dire « non » publiquement aux conventions sociales.

L’histoire se déroule en Sicile en 1965. Lia a grandi dans un village rural. Elle est belle, têtue et sait ce qu’elle veut. Lorenzo, fils d’un patron local, tente de la séduire. Lorsqu’elle le rejette, fou de rage, il décide de la prendre de force. Au lieu d’accepter un mariage forcé, Lia le traîne au tribunal. Cet acte va pulvériser les habitudes sociales de son époque et va ouvrir la voie au combat pour les droits des femmes.

Marta Savina s’est inspirée d’une histoire vraie, celle de Franca Viola qui, dans les années 60, refusa la loi du « mariage réparateur », selon laquelle un violeur pouvait échapper aux poursuites judiciaires s’il épousait la victime, même mineure.

Marta Savina s’est inspirée d’une histoire vraie, celle de Franca Viola qui, dans les années 60, refusa la loi du « mariage réparateur », selon laquelle un violeur pouvait échapper aux poursuites judiciaires s’il épousait la victime, même mineure. Une disposition légale abrogée officiellement quelques années après, en 1981. Cette thématique était d’ailleurs déjà présente dans le court métrage de fin d’année d’études de la cinéaste, réalisé en 2017 à l’Université de Californie, intitulé Viola, Franca. Primadonna se présente donc comme une version longue, plus détaillée, de cette histoire.

Remarquable de justesse, elle incarne à la perfection cette femme devenue un puissant symbole d’émancipation féminine.

Le point commun entre les deux réside dans l’interprétation. C’est, en effet, la même comédienne qui interprète le rôle principal, Claudia Gusmano. Remarquable de justesse, elle incarne à la perfection cette femme devenue un puissant symbole d’émancipation féminine. Une femme qui a creusé courageusement et avec audace une voie médiane dans une société patriarcale, ce qu’explique la cinéaste : « L’histoire de Lia découle précisément de la recherche d’une troisième voie, très souvent refusée aux femmes – tant dans la réalité qu’au cinéma – qui sont reléguées dans des rôles binaires : Madone ou salope, vengeresse ou soumise, épouse ou vieille fille. » Lia entend se battre, ne pas renoncer mais sans céder aux sirènes de la vengeance et de la violence ni se complaire dans un quelconque statut victimaire. L’actrice parvient à rendre cet aspect palpable à l’écran, apportant ainsi, grâce à un jeu tout en nuances, une certaine fraîcheur et un esprit combatif. Sans aucun doute, elle est l’atout majeur d’un film nécessaire, tombant à point nommé mais dont on finit par regretter le côté trop didactique et scolaire.

En effet, sur un tel sujet, Primadonna, joliment mis en scène (avec une esthétique travaillée), n’évite pas l’écueil de l’académisme.

En effet, sur un tel sujet, Primadonna, joliment mis en scène (malgré une esthétique de facture télévisuelle), n’évite pas, malheureusement, l’écueil de l’académisme. Marta Savina a sans doute voulu éviter tout manichéisme, toute grandiloquence (notamment par le biais d’une musique omniprésente) afin de mieux coller à son sujet et épouser le plus possible le point de vue de son héroïne, certes déterminée mais aussi discrète. Ces intentions sont louables mais cela ne fonctionne qu’en partie seulement. Il manque probablement un souffle, qu’une mise en scène plus ample et moins sage aurait pu apporter. De même, certains aspects de cette histoire forte auraient peut-être mérité un développement plus important, notamment la relation de la jeune femme avec ses parents, à peine esquissée, ou les rapports de domination entre les différentes composantes sociales (même si l’on perçoit bien toute l’ambiguïté et le cynisme de l’Église, incarnés par le prêtre du village qui refuse l’accès à la messe à Lia mais organise dans le même temps des combats de coqs clandestins et illégaux). Alors que l’on comprend parfaitement les objectifs de la cinéaste, ceux-ci peinent parfois à s’incarner pleinement à l’écran, tout comme la reconstitution de la Sicile des années 60, le film passant même trop vite, manquant ainsi de profondeur.

Malgré ces défauts (rappelons qu’il s’agit d’une première œuvre) et un côté « fiction utile », Primadonna n’en reste pas moins un film plutôt réussi, un peu trop modeste, mais qui mérite le détour.

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RÉALISATEUR : Marta Savina
NATIONALITÉ : Italie, France
GENRE : Drame
AVEC : Claudia Gusmano, Fabrizio Ferracane, Francesco Colella
DURÉE : 1h40 
DISTRIBUTEUR : Destiny Films
SORTIE LE 17 janvier 2024