On dirait la planète Mars : savoir vivre ensemble

Avec On dirait la planète Mars, le cinéma québécois, que nous savions déjà performant, se réinvente grâce à une œuvre aux confins de l’anticipation, proposant un climat de science-fiction parodique fortement teinté d’un burlesque bien appréciable. Neuf ans après Tu dors Nicole, film qui eut l’honneur de figurer parmi les meilleures œuvres canadiennes de 2014, Stéphane Lafleur revient avec un univers saupoudré d’une certaine fantaisie, racontant les aventures pseudo-spatiales d’un petit groupe censé prévenir les problèmes interpersonnels d’une équipe d’astronautes prêts à effectuer une mission sur Mars.

La première mission habitée sur Mars est en danger. Une branche canadienne de l’agence spatiale envoie dans une base en plein désert cinq anonymes aux profils psychologiques identiques à ceux des astronautes. Ils doivent vivre et penser comme eux.

En endossant les combinaisons de cet équipage, ces citoyens québécois lambda se retrouvent au cœur d’un programme défiant les lois de l’humanité, devant gérer les multiples et possibles situations pouvant être rencontrées.

Un simple décor sec et aride sert d’exercice, une station de fortune étant le lieu où cette petite bande doit tenter de coexister. Le metteur en scène entame un voyage cinématographique vers un environnement ressemblant vainement à la planète rouge, dans un climat où l’exploration spatiale est bien sûr plus un fantasme qu’une réalité. Ce que propose Stéphane Lafleur est un cinéma ambitieux, compensant un manque de moyens palpables par une écriture alliant savamment finesse et intelligence, excellant dans cet essai d’anticipation invitant le spectateur à se représenter les vastes contrées inconnues de la mystérieuse planète. D’un endroit désertique à ce baraquement abritant les participants, On dirait la planète Mars porte bien son titre, lui qui sonne comme une invitation à la rêverie, à une plongée dans un imaginaire absurde, bien aidé par un réalisateur s’amusant à créer une ambiance parodique, entraînant ses personnages dans une série de situations souvent drôles, mais révélatrices des nombreux dysfonctionnements de notre espèce. En filmant ses personnages réglant des problèmes généralement insignifiants, des conflits inutiles, le cinéaste représente la race humaine, hommes et femmes sortant de leur condition pour organiser un vivre-ensemble, dans une mission fictive. Presque une photographie de l’esprit humain, l’œuvre raconte une expérience exprimant toute l’absurdité de l’humanité. Cette peinture ironique se moquant des codes sociaux alarme pourtant, décrivant moult situations de la vie quotidienne, d’une banalité pour certaines, symbolisant toutefois nos aptitudes à comprendre notre relationnel et résoudre les problématiques.

Derrière son allure drolatique où nous esquissons un sourire devant nombre de scènes décrivant les quelques futilités des relations humaines, le film s’éloigne progressivement de son objectif initial, pour adresser des messages contenant une part importante de dramaturgie, les ennuis relationnels étant réguliers dans la gestion d’une vie en communauté.

Ainsi, la mise en scène, avec des décors minimalistes et cette atmosphère de huis clos, exploite cette proximité relative entachée par des problèmes anodins pour beaucoup, cependant vitaux dans la bonne conduite d’une mission spatiale, comme manger deux sucres au lieu d’un, savoir utiliser l’eau. Autant de comportements à adopter pour être de bons astronautes, que Stéphane Lafleur expose sur grand écran, dévoilant alors sa vision décalée, mais juste de nos propres attitudes, dénonçant par ailleurs une lutte de caractères, si fréquente dans notre société. Dénonçant les incivilités et les multiples comportements annonçant notre déclin, il élabore un portrait peu flatteur de nos actes, le scénario explorant les quelques solutions pour résoudre de futiles situations. Au-delà de son impression burlesque, On dirait la planète Mars devient une étude de nos capacités à vivre ensemble, avec nos qualités et nos défauts ; sans doute est-ce également une façon d’idéaliser ce voyage vers l’espace. Egalement film de science-fiction, il évoque un monde à la dérive, des personnages perdus sur Terre, et la volonté utopique d’aller explorer cette planète Mars. Doit-on y voir le reflet de notre condition ? Certainement, et il s’agit d’une vaste interrogation sur l’avenir de notre environnement, de celui de toute cette population qui l’occupe. Pour Eric, joué par Steve Laplante, cette mission semble bien réelle, presque un rêve pour lui, preuve qu’il existe dans ce film le regret d’une Terre chahutée par le climat et la bêtise humaine. Cette mission imaginaire dans un paysage désertique se change en simple expérimentation, avec ses difficultés et ses enseignements. Ce que l’on retient de cette aventure futuriste reste sans doute ce message s’adressant à tous les habitants de la Terre, pour les générations à venir qui devront réfléchir et méditer sur la préservation de la planète bleue.

 

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RÉALISATEUR : Stéphane Lafleur
NATIONALITÉ :  Québéc
GENRE : Science-fiction
AVEC : Steve Laplante, Larissa Corriveau, Hamza Haq, Fabiola N. Aladin
DURÉE : 1h44
DISTRIBUTEUR : UFO Distribution
SORTIE LE 2 août 2023