Alliés : une romance hollywoodienne

Robert Zemeckis a longtemps été considéré comme un expert en technologies. Souvenons-nous de la trilogie Retour vers le futur ou de La Mort vous va si bien, réalisés bien avant l’apparition du numérique. Lors de la dernière décennie, il s’était même un peu enfermé dans cette image, en s’instaurant spécialiste des trucages numériques, avec Le Pôle Express ou La Légende de Beowulf, des films qui existaient surtout pour leurs prouesses technologiques, l’histoire et les personnages s’effaçant derrière la technique. Zemeckis a senti le danger de se cantonner à ce registre. Ses trois derniers films, FlightThe Walk et Alliés, se recentrent sur leurs personnages, manifestant un joli talent de conteur à l’ancienne. Alliés, en particulier, est une belle histoire d’amour et d’espionnage qui ressemble beaucoup aux classiques hollywoodiens d’antan.

Durant la Seconde Guerre mondiale, à Casablanca en 1942, un assassin et espion, Max Vatan (Brad Pitt), et une espionne française, Marianne Beausejour (Marion Cotillard), tombent amoureux durant une mission pour tuer un officiel allemand. Au vu de la bande-annonce, hachée et précipitée, on pouvait légitimement craindre un filmage épileptique et une action trop trépidante. La bonne surprise, c’est que Zemeckis a choisi le parti pris inverse au sein de son film. Ses plans respirent, ses personnages ont le temps d’exister, son histoire est plus duplice qu’il n’y paraît.

Alliés est une belle histoire d’amour et d’espionnage qui ressemble beaucoup aux classiques hollywoodiens d’antan.

Si on vous dit film d’espionnage se passant à Casablanca, vous pensez immanquablement au classique de Michael Curtiz, réunissant Ingrid Bergman et Humphrey Bogart. Sans atteindre ce niveau et égaler ce couple mythique, Zemeckis, Brad Pitt et Marion Cotillard s’en sortent avec les honneurs, d’autant plus que Alliés n’est pas seulement un film d’espionnage. Au départ, les personnages sont empêchés de vivre leur histoire d’amour en raison de la mission qui leur est assignée. Ils jouent alors à interpréter de fausses scènes de couple qu’il ne s’autorisent pas à vivre.    

Mais le film ne trouve son véritable sujet qu’au bout de quarante minutes: au-delà du film d’espionnage, il devient une étude de couple, à la manière de Soupçons d’Alfred Hitchcock ou Gone Girl de David Fincher. Le ver se trouve peut-être déjà dans le fruit, comme lorsque Cary Grant est soupçonné par Joan Fontaine de vouloir l’assassiner. On ne connaît jamais assez ceux qu’on aime. Sans invoquer les mânes d’Hitchcock, Zemeckis avait déjà utilisé la même thématique dans Apparences, néanmoins sans les oripeaux du film d’espionnage et du mélodrame historique.    

Les points forts sont ainsi le jeu de Marion Cotillard, proche du registre de ses rôles dans les films de Christopher Nolan, distillant subtilement le chaud et le froid, et surtout la mise en scène de Robert Zemeckis, servant fidèlement le scénario de Steven Knight (Peaky Blinders). Sans même avoir à recourir à des effets numériques, Zemeckis propose de beaux moments de mise en scène à l’ancienne, reposant sur de simples astuces de gestion du temps: la scène d’amour dans la voiture prise dans une tempête de sable, la scène d’attente devant le magasin du bijoutier, la scène finale de décollage de l’avion. Si on excepte cinq dernières minutes un peu trop mélodramatiques, écueil que le film avait évité jusque-là, et une Lizzy Caplan sous-exploitée en sœur lesbienne, Alliés demeure un thriller romantique où Zemeckis s’inscrit comme un digne continuateur des artisans hollywoodiens d’autrefois.

3.5

RÉALISATEUR :   Robert Zemeckis
NATIONALITÉ : américaine 
GENRE :  thriller, romance, historique
AVEC : Brad Pitt, Marion Cotillard, Lizzy Caplan 
DURÉE : 2h05 
DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures France 
SORTIE LE 23 novembre 2016