Decision to leave : Basic instinct à la coréenne

Depuis sa Palme d’or manquée de très peu, en 2004, avec son Old boy révéré par Quentin Tarantino, Park Chan-wook est loin d’être resté inactif. Il a pu terminer sa trilogie de la vengeance avec un Lady Vengeance moyennement convaincant, s’attaquer aux films de vampires (Thirst), faire un film dans le système hollywoodien (Stoker), réaliser l’excellent Mademoiselle, autre classique, adapter John Le Carré dans une formidable mini-série avec Florence Pugh (The Little Drummer girl). A chaque fois, il ne s’est jamais départi de son style éblouissant, avec dix idées cinématographiques à la minute. Entre-temps, il a pu assister au sacre cannois puis hollywoodien de son collègue Bong Joon-ho, grâce à l’intouchable Parasite. L’heure de la vengeance est-elle venue pour Park Chan-wook grâce à ce Decision to leave vénéneux?

Hae-Joon, détective chevronné, prend chaque affaire très (trop?) à coeur. La nouvelle affaire qui se présente semble facile à résoudre : il enquête sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne. Soumis à un chantage, cet employé des services de l’immigration a sauté d’une falaise. Sauf que son épouse Sore ne semble éprouver aucun remords, qu’elle est poursuivie en Chine pour la mort de sa mère et qu’elle est d’une beauté fatale si troublante que Hae-Joon finit par la soupçonner, tout en étant déstabilisé par son attirance irrésistible pour elle..

Dans Decision to leave, Park Chan-wook organise avec maestria les jeux de mise en scène auxquels il excelle qui méritent toute notre attention à chaque instant, ainsi que la plus totale de nos admirations.

Park Chan-wook possède un style pharamineux, d’une somptuosité visuelle qui lui permet d’enchaîner les arabesques les plus folles, les volutes les plus originales. Il s’en donne une nouvelle fois à coeur joie dans Decision to leave, au point que, sur le strict point de vue de la mise en scène cinématographique, on peut affirmer sans crainte de se tromper qu’il est en fait un meilleur metteur en scène que Bong Joon-ho. Néanmoins un auteur ne se juge pas seulement à la virtuosité de sa mise en scène mais aussi à l’écriture de ses scénarios, à sa vision globale de la vie, à la cohérence de son oeuvre.

Il est ainsi possible d’admirer les tours de magie permanents et chatoyants de Park Chan-wook de manière presque indépendante de l’histoire elle-même qu’il a souhaité cette fois-ci nous raconter, une romance échevelée sous les atours d’un polar à la manière de Vertigo ou plutôt de Basic Instinct. Car derrière l’histoire classique d’un détective épris d’une femme fatale (sublime Tang Wei, héroïne de Lust, caution ou de Hacker, mante religieuse qui sème le malheur autour d’elle), il n’est pas très difficile de reconnaitre la trame du classique sulfureux de Paul Verhoeven. Park Chan-wook le revisite à la coréenne, c’est-à-dire sans sexe mais avec des idées incessantes de mise en scène et de montage, passant par des surimpressions, des incrustations à l’écran, des reflets impromptus.

La virtuosité stylistique est telle que Park Chan-wook mériterait un prix de la mise en scène. Cependant, Decision to leave s’inscrit peut-être dans un genre trop balisé pour lui donner une profondeur politique ou sociétale, ce que ne recherche d’ailleurs pas Park Chan-wook. N’en demeurent pas moins les jeux de mise en scène auxquels il excelle qui méritent toute notre attention à chaque instant, ainsi que la plus totale de nos admirations.

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RÉALISATEUR :  Park Chan-wook 
NATIONALITÉ : coréenne
AVEC : Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo
GENRE : Thriller, romance, drame, policier 
DURÉE : 2h18
DISTRIBUTEUR : Bac Films 
SORTIE LE 29 juin 2022