Après les César de la honte en 2020, ceux du chaos en 2021, en 2022, ceux de la réconciliation? En tout cas, on a rarement vu une sélection d’un tel niveau. En raison du nombre de nominations, cette 47ème cérémonie devrait voir s’affronter Illusions perdues (15 nominations) de Xavier Giannoli et Annette (11 nominations) de Leos Carax. Jamais couronnés, ces deux metteurs en scène ont peut-être chacun réalisé leurs meilleurs films cette année à partir de matériaux qui leur sont a priori étrangers, un roman monumental d’Honoré de Balzac d’un côté, une ‘tragédie musicale » écrite par les Sparks, groupe mythique du rock, de l’autre. Si l’un ou l’autre étaient récompensés au plus haut niveau, cela ne serait guère une injustice, étant donné la réussite respective de leurs films. Illusions perdues peut se targuer d’un véritable succès public (850 000 entrées vs 250 000 environ pour Annette) mais Leos Carax est entouré d’une véritable aura de créateur mythique, vaguement autiste et mystérieux. L’on se demande même s’il se déplacera à la cérémonie, tant il semble réprouver ce type d’événements publics. Le film de Xavier Giannoli, quant à lui, atteint le record absolu de nominations pour un film aux César (15 au total), ce qui ne représente pas une garantie absolue de succès final mais demeure un signe encourageant.
A moins que les votants de l’Académie décident de mettre en avant un film plus confidentiel mais ô combien méritant, L’Evénement de Audrey Diwan qui, certes n’a pas remporté de grand succès public, en raison de son sujet choc (l’avortement dans les années soixante) mais serait peut-être le seul film qui pourrait réellement bénéficier de l’effet César. Avec ses quatre nominations seulement, il apparaît légèrement démuni face à ses redoutables concurrents mais l’on remarquera que ses quatre nominations sont placées dans des catégories en vue : meilleur film, meilleur metteur en scène, meilleure adaptation, meilleur espoir féminin. Si L’Evénement remporte quatre récompenses sur quatre nominations, cela suffira à en faire le grand vainqueur de la soirée.
En revanche, la grande déception vient de Titane, notre film de l’année 2022, qui, même avec un nombre identique de nominations à celui de L’Evénement, a très peu de chances de l’emporter dans ses catégories. En effet, même si Titane est nommé pour la meilleure mise en scène ou le meilleur espoir féminin (Agathe Rousselle), il manque des nominations évidentes comme celle du meilleur film, où le film de Julia Ducournau se fait éclipser anormalement par Aline, Bac Nord ou La Fracture, oeuvres qui, en dépit de leur intérêt, ne se trouvent manifestement pas à son niveau, et celle de Vincent Lindon, étrangement absent de la catégorie du meilleur acteur. Titane était sans doute trop extrême pour le goût des membres de l’Académie ; cette exclusion a un goût de cendres pour le film de Julia Ducournau qui s’est déjà vu refuser la nomination à l’Oscar du meilleur film étranger. Il faut donc croire que les membres des Académies (Oscars, César) ont l’esprit bien moins ouvert que celui du jury du Festival de Cannes. Pour être équitables, signalons que cette année, pour la première fois, dans les nominations de la meilleure réalisation, il existe presque autant de réalisatrices (3 : Julia Ducournau, Audrey Diwan, Valérie Lemercier) que des réalisateurs (4).
Du côté des acteurs, à moins d’une immense surprise (Adam Driver, Vicky Krieps), les César devraient aller à Valérie Lemercier pour sa performance dans Aline et Benoît Magimel pour son rôle de malade condamné à une mort certaine, dans De son vivant. Hormis la grande déception pour Titane, on remarquera avec plaisir les quelques nominations d’Onoda d’Arthur Harari, le Prix Louis-Delluc, qui parvient à tirer son épingle du jeu, même s’il ne sera sans doute pas récompensé. En revanche, Tout s’est bien passé de François Ozon et Albatros de Xavier Beauvois sont complètement oubliés, assez justement, à notre avis. Reste un cas épineux, celui des Olympiades de Jacques Audiard, qui parvient à obtenir 5 nominations, soit plus que L’Evénement ou Titane, mais nous sommes loin des razzias opérées par De battre mon coeur s’est arrêté ou Un Prophète, ce qui s’avère plutôt représentatif du relatif échec du dernier Audiard.
Deux favoris (Illusions perdues, Annette), un outsider redoutable (L’Evénement), une déception (Titane). Tels seront les enjeux d’une soirée qui se déroulera le 25 février à l’Olympia, retransmise par Canal Plus, en espérant qu’elle permettra de redonner tout son lustre à cette cérémonie et ne sera pas l’occasion de regretter les Illusions perdues d’un Evénement.
César du meilleur film
Aline, de Valérie Lemercier
Annette, de Leos Carax
BAC Nord, de Cédric Jimenez
L’Événement, de Audrey Diwan
La Fracture, de Catherine Corsini
Illusions perdues, de Xavier Giannoli
Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, d’Arthur Harari
César de la meilleure actrice
Leïla Bekhti dans Les Intranquilles
Valeria Bruni Tedeschi dans La Fracture
Laure Calamy dans Une femme du monde
Virginie Efira dans Benedetta
Vicky Krieps dans Serre moi fort
Valérie Lemercier dans Aline
Léa Seydoux dans France
César du meilleur acteur
Damien Bonnard dans Les Intranquilles
Adam Driver dans Annette
Gilles Lellouche dans BAC Nord
Vincent Macaigne dans Médecin De Nuit
Benoît Magimel dans De Son Vivant
Pio Marmaï dans La Fracture
Pierre Niney dans Boîte noire
César de la meilleure actrice dans un second rôle
Jeanne Balibar dans Illusions perdues
Cécile de France dans Illusions perdues
Aissatou Diallo Sagna dans La Fracture
Adèle Exarchopoulos dans Mandibules
Danielle Fichaud dans Aline
César du meilleur acteur dans un second rôle
François Civil dans BAC Nord
Xavier Dolan dans Illusions perdues
Vincent Lacoste dans Illusions perdues
Karim Leklou dans BAC Nord
Sylvain Marcel dans Aline
César du meilleur espoir féminin
Noée Abita dans Slalom
Salomé Dewaels dans Illusions perdues
Agathe Rousselle dans Titane
Anamaria Vartolomei dans L’Événement
Lucie Zhang dans Les Olympiades
César du meilleur espoir masculin
Sandor Funtek dans Suprêmes
Sami Outalbali dans Une histoire d’amour et de désir
Thimotée Robart dans Les Magnétiques
Makita Samba dans Les Olympiades
Benjamin Voisin dans Illusions perdues
César de la meilleure réalisation
Valérie Lemercier pour Aline
Leos Carax pour Annette
Cédric Jimenez pour BAC Nord
Audrey Diwan pour L’Événement
Xavier Giannoli pour Illusions perdues
Arthur Harari pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle
Julia Ducournau pour Titane
César du meilleur court métrage d’animation
Empty Places, de Geoffroy de Crécy,
Folie douce, Folie dure, de Marine Laclotte
Le Monde en soi, de Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Finck
Précieux, de Paul Ma
César du meilleur court métrage documentaire
America, de Giacomo Abbruzzese
Les Antilopes, de Maxime Martinot
La Fin des rois, de Rémi Brachet
Maalbeek, d’Ismaël Joffroy Chandoutis
César du meilleur court métrage de fiction
L’Âge tendre, de Julien Gaspar-Oliveri
Le Départ, de Saïd Hamich Benlarbi
Des gens bien, de Maxime Roy
Les Mauvais Garçons, d’Élie Girard
Soldat noir, de Jimmy Laporal-Trésor
César du meilleur film d’animation
Même les souris vont au paradis, de Denisa Grimmovà et Jan Bubenicek
Le Sommet des dieux, de Patrick Imbert
La Traversée, de Florence Miailhe
César du meilleur film documentaire
Animal, de Cyril Dion
Bigger Than Us, de Flore Vasseur
Debout les femmes !, de Gilles Perret et François Ruffin
Indes galantes, de Philippe Béziat
La Panthère des neiges, de Marie Amiguet et Vincent Munier
César du meilleur premier film
Gagarine, de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Les Magnétiques, de Vincent Maël Cardona
La Nuée, de Just Philippot
La Panthère des neiges, de Marie Amiguet et Vincent Munier
Slalom, de Charlène Favier
César du meilleur film étranger
Compartiment n° 6, de Juho Kuosmanen
Drive My Car, de Ryûsuke Hamaguchi
First Cow, de Kelly Reichardt
Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier
La Loi de Téhéran, de Saeed Roustayi
Madres paralelas, de Pedro Almodóvar
The Father, de Florian Zeller
César du meilleur scénario original
Valérie Lemercier et Brigitte Buc pour Aline
Leos Carax, Ron Mael et Russell Mael pour Annette
Yann Gozlan, Simon Moutaïrou et Nicolas Bouvet-Levrard pour Boîte noire
Catherine Corsini, Laurette Polmanss et Agnès Feuvre pour La Fracture
Arthur Harari et Vincent Poymiro pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle
César de la meilleure adaptation
Yaël Langmann et Yvan Attal pour Les Choses humaines
Audrey Diwan et Marcia Romano pour L’Événement
Xavier Giannoli et Jacques Fieschi pour Illusions perdues
Céline Sciamma, Léa Mysius et Jacques Audiard pour Les Olympiades
Mathieu Amalric pour Serre moi fort
César de la meilleure musique originale
Ron Mael et Russell Mael pour Annette
Guillaume Roussel pour BAC Nord
Philippe Rombi pour Boîte noire
Rone pour Les Olympiades
Warren Ellis et Nick Cave pour La Panthère des neiges
César du meilleur son
Olivier Mauvezin, Arnaud Rolland, Édouard Morin et Daniel Sobrino pour Aline
Erwan Kerzanet, Katia Boutin, Maxence Dussère, Paul Heymans et Thomas Gauder pour Annette
Nicolas Provost, Nicolas Bouvet-Levrard et Marc Doisne pour Boîte noire
François Musy, Renaud Musy et Didier Lozahic pour Illusions perdues
Mathieu Descamps, Pierre Bariaud et Samuel Aichoun pour Les Magnétiques
César de la meilleure photographie
Caroline Champetier pour Annette
Christophe Beaucarne pour Illusions perdues
Paul Guilhaume pour Les Olympiades
Tom Harari pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle
Ruben Impens pour Titane
César du meilleur montage
Nelly Quettier pour Annette
Simon Jacquet pour BAC Nord
Valentin Féron pour Boîte noire
Frédéric Baillehaiche pour La Fracture
Cyril Nakache pour Illusions perdues
César des meilleurs costumes
Catherine Leterrier pour Aline
Pascaline Chavanne pour Annette
Madeline Fontaine pour Délicieux
Thierry Delettre pour Eiffel
Pierre-Jean Larroque pour Illusions perdues
César des meilleurs décors
Emmanuelle Duplay pour Aline
Florian Sanson pour Annette
Bertrand Seitz pour Délicieux
Stéphane Taillasson pour Eiffel
Riton Dupire-Clément pour Illusions perdues
César des meilleurs effets visuels
Sébastien Rame pour Aline
Guillaume Pondard pour Annette
Olivier Cauwet pour Eiffel
Arnaud Fouquet et Julien Meesters pour Illusions perdues
Martial Vallanchon pour Titane