Tout s’est bien passé : la mort en direct

Depuis que le spectre de la pandémie s’est emparé de nos vies, la mort, la maladie et la dégénérescence s’affichent omniprésentes dans un grand nombre de films du Festival de Cannes 2021. Il est ainsi possible de citer De son vivant d’Emmanuelle Bercot, La Fracture de Catherine Corsini ou Tout s’est bien passé de François Ozon qui nous occupe ici. Adaptant un récit éponyme d’Emmanuèle Bernheim, Ozon rend ici hommage à l’une de ses collaboratrices, romancière et scénariste de talent, trop tôt disparue en 2017. Dans Tout s’est bien passé, Bernheim traitait de la difficulté de faire son deuil d’un parent, en particulier lorsque ce dernier formulait la demande de l’aider à mourir. Toutefois, loin de constituer un plaidoyer pour l’euthanasie, Tout s’est bien passé semble se contenter de relater les faits qui prônent une liberté de conscience individuelle devant l’immense mystère de la mort.

Ecrivaine reconnue, Emmanuèle est bouleversée lorsque son père André est victime d’un accident vasculaire cérébral. Avec sa soeur, elle reçoit alors une étrange demande de la part de son père âgé de 85 ans, celle de l’aider à mourir. Devant cette demande de suicide assisté, elle ne sait pas quelle réaction adopter…

De manière très sage, classique et appliquée, Tout s’est bien passé s’accommode ainsi des clichés les plus basiques et mélodramatiques chargés d’inspirer la larme à l’oeil des publics les plus sensibles

La mort apparaît sans doute avec l’amour comme le plus grand des sujets. Pourtant, à la différence de son sujet concurrent, elle est finalement traitée dans assez peu de films. Car, soit elle est considérée comme un fait anecdotique dans les films d’action et de guerre, soit elle apparaît comme un fait majeur, devant lequel il faudrait fatalement baisser les armes. Le seul film ayant réellement donné sa dimension tragique et métaphysique à la mort serait peut-être Cris et chuchotements d’Ingmar Bergman, où elle apparaît comme l’ultime scandale devant lequel il serait urgent et pourtant aussi inutile de se révolter. Tout s’est bien passé ne plane pas dans ces hauteurs-là. Il s’agit plutôt ici de montrer comment un homme âgé peut décider de quitter la vie avec l’aide de ses proches, en se satisfaisant d’une vie déjà bien remplie, et en refusant une trop grande dépendance.

Ozon choisit de traiter le sujet de manière légère avec un personnage de vieillard, repoussoir comique, histoire de faire reculer la part dramatique qui n’en demeure pas moins extrêmement présente. De manière très sage, classique et appliquée, Tout s’est bien passé s’accommode ainsi des clichés les plus basiques et mélodramatiques chargés d’inspirer la larme à l’oeil des publics les plus sensibles, via une Sophie Marceau, toujours aussi belle et populaire dans le coeur du grand public. C’est d’ailleurs le défaut le plus récurrent chez François Ozon, cette manière de surligner les clichés et d’enfoncer les portes ouvertes, cette façon très spécifique d’abandonner tout traitement en profondeur, en préférant des effets d’annonce spectaculaires. En dépit de quelques réussites sur la durée de vingt ans de carrière (Sur le sable, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Angel), Ozon ne cherche pas à interroger la part d’ombre de chacun et préfère aller directement à la facilité du cliché, en faisant ici du parent récalcitrant à la vie, un Tatie Danielle au masculin. Il aurait fallu le Clint Eastwood de Million Dollar Baby pour questionner réellement la problématique de la mort assistée qui ne peut se décider qu’en fonction d’une situation bien précise, correctement évaluée. Les intermèdes comiques de Dussolier, cabotinant dans un ultime tour de piste, finissent par désamorcer une situation tragique où il conviendrait de faire remarquer l’immensité du mystère, ce à quoi Ozon finit par renoncer totalement.

2.5

RÉALISATEUR : François Ozon 
NATIONALITÉ : française
AVEC : Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, André Dussolier, Charlotte Rampling
GENRE : Drame, Comédie
DURÉE : 1h53
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution 
SORTIE LE 22 septembre 2021