The Wonder : le pouvoir miraculeux des histoires

Adapté du roman éponyme d’Emma Donoghue, The Wonder a fait une arrivée plutôt discrète sur la plateforme Netflix le 16 novembre dernier. Le film est pourtant l’oeuvre du réalisateur chilien Sebastián Lelio, oscarisé en 2018 pour son film Une femme fantastique. Et surtout, il met en vedette une des actrices les plus suivies du moment, Florence Pugh, qui, malgré son jeune âge, a déjà marqué de son empreinte le grand écran avec des films comme Midsommar (Ari Aster, 2019), Les Filles du docteur March (Greta Gerwig, 2020), Black Widow (Cate Shortland, 2021) ou plus récemment Don’t Worry Darling (Olivia Wilde, 2022).

Dans The Wonder, Pugh incarne une infirmière anglaise du XIXème siècle, Lib Wright, qui débarque dans la campagne irlandaise pour occuper un poste dont elle ignore tout. Une fois sur place, le conseil restreint du village qui l’a convoquée, lui annonce que sa mission consiste à surveiller nuit et jour, en se relayant avec une nonne, une jeune fille de 11 ans, Anna O’Donnell. Cette dernière n’aurait, selon ses dires et ceux de son entourage, rien avalé depuis quatre mois et serait, contre toute attente, en parfaite santé. Le travail d’observation de l’infirmière et de la soeur pourrait témoigner de l’existence d’un miracle divin.

Avec The Wonder, Sebastián Lelio célèbre le pouvoir des mots contre les maux et nous prouve qu’un simple conte peut parfois suffire à sauver une vie.

Dès les premières minutes de son générique, The Wonder surprend par son audacieuse mise en scène qui n’hésite pas à faire tomber le « quatrième mur ».  Le film débute sur un plateau de cinéma désert où une voix-off, celle d’une narratrice, introduit la thématique du long métrage : « les personnes dont vous allez faire la connaissance, les personnages, ont une foi totale en leur histoire. Nous ne sommes rien sans histoires. Aussi, nous vous invitons à croire à celle-ci. » Un procédé atypique qui se répète à la toute fin du film où la narratrice, cette fois-ci présente physiquement, s’adresse face caméra aux spectateurs. A noter que cette dernière est incarnée par Niamh Algar qui joue également la sœur d’Anna, Kitty. Un personnage mystérieux qui lance un regard caméra au beau milieu d’une scène. Au travers de cet emballage, le cinéaste nous propose une magnifique mise en abyme qui sublime son propos autour du pouvoir de la fiction.

Car au-delà du combat entre la foi, représentée par le personnage de la religieuse, et la science, représentée par le personnage de l’infirmière, c’est bien de l’influence du récit sur nos vies dont il est question. Ce qui prédomine ici, ce ne sont pas les faits eux-mêmes mais plutôt la manière dont ils sont retranscrits. Comme les annotations de Lib dans son journal de bord médical qui peuvent, tour à tour, être vérité puis mensonge. Avec The Wonder, Sebastián Lelio célèbre le pouvoir des mots contre les maux et nous prouve qu’un simple conte peut parfois suffire à sauver une vie. Dans son long métrage, la narration permet aux femmes de s’émanciper et d’échapper à un destin tragique. Tel le thaumatrope offert à Anna, représentant un oiseau sur une face et une cage sur l’autre, une histoire, selon comment elle est racontée, peut, soit nous emprisonner, soit nous libérer.

The Wonder est la preuve, s’il en fallait, que les productions des plateformes de streaming sont toutes aussi importantes et novatrices, sinon plus, que celles distribuées dans les salles de cinéma. Avec une telle qualité d’écriture et de mise en scène, on a hâte de découvrir les prochains longs métrages de Sebastián Lelio qui avait déjà attiré l’attention des cinéphiles avec Désobéissance sorti en 2017 et Gloria Bell en 2018.

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RÉALISATEUR : Sebastián Lelio
NATIONALITÉ : Américano-britannico-irlandaise
GENRE :  Drame, Thriller
AVEC : Florence Pugh, Kíla Lord Cassidy, Tom Burke, Niamh Algar
DURÉE : 1h49
DIFFUSEUR : Netflix
SORTIE LE 16 novembre 2022