Le Saoudien Tawfik Alzaidi présente, dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024, Norah, un très joli premier film qui démontre de belles qualités, et parle surtout d’un sujet sensible, la représentation de la femme en Arabie Saoudite. Le cinéaste s’exprime sur le désir de s’éloigner des règles religieuses et de révéler ce qui se cache sous le voile. Dans des sociétés arabes où la religion musulmane impose des vêtements et tissus religieux, Norah est l’incarnation de la rébellion face aux lois existantes.
Arabie Saoudite, dans les années 90. Le nouvel instituteur, Nader, arrive dans un village isolé. Il rencontre Norah, une jeune femme en quête de liberté. Leur relation secrète, nourrie par l’art et la beauté, va libérer les forces créatrices qui animent ces deux âmes sœurs… malgré le danger.
Tawfik Alzaidi propose un récit risqué, mais original, qui veut combattre l’injustice et établir l’équité.
Le cinéaste offre une vision personnelle qui imagine une société égalitaire, où les femmes auraient des droits et pourraient montrer leurs visages. Tawfik Alzaidi souhaite filmer ce qu’il y a derrière la burka ou le voile, tout simplement une femme désireuse de s’habiller à l’européenne, qui fantasme sur des photos de magazines et rêve d’une véritable utopie. Quand elle décide de demander à un professeur de faire un portrait d’elle, elle exprime sa joie, mais réalise combien il est complexe de retirer le tissu. Dans une épicerie, assise derrière une étagère de nourritures, avec un semblant de cadre, Norah prend la pose, inquiète que les chefs du village ne découvrent le stratagème. Tawfik Alzaidi fait de Norah quasiment une héroïne, une rebelle qui veut s’opposer aux hommes, même si son pouvoir est limité. Il veut dénoncer l’emprise religieuse, l’archaïsme des mentalités et désire à tout prix que le sexe féminin soit respecté et non réduit à un état de soumission.
Norah propose une mise en scène élégante qui reproduit le confort rudimentaire d’un petit village saoudien.
Les décors, d’une absolue modestie, reflètent les conditions de vie. Une petite école avec quelques tables de fortune et un petit tableau accroché sur un mur, des habitations sans les commodités modernes et ne transpirant pas l’argent. Tawfik Alzaidi filme un climat rural, loin des grandes villes, désertique, où les provisions arrivent dans un délai de trois jours. Tout ceci n’est pas choisi au hasard. La jeune Norah se retrouve ainsi esseulée, sans avoir la possibilité de se déplacer, se contentant de venir à l’épicerie prendre des magazines illégaux. La mise en scène n’est pas chichiteuse, au contraire elle reproduit une atmosphère et se résume souvent à des jeux de regards, celui de Nader qui fixe la jeune femme pour ses coups de crayon, puis celui de Norah qui le regarde avec une crainte palpable. Derrière ce cadre, Norah est représentée comme une Joconde, comme si Tawfik Alzaidi voulait associer la beauté picturale à celle de la femme. Il ne néglige pas pour autant la dramaturgie, la jeune adulte devant se retrouver à faire face aux intimidations des chefs qui imposent leur poigne de fer sur tout le village. C’est un beau premier essai, très concluant, qui pose les bases d’un cinéma social possédant une certaine sensibilité et une précision dans les plans.
RÉALISATEUR : Tawfik Alzaidi NATIONALITÉ : Arabie saoudite GENRE : Drame AVEC : Yagoub Alfarhan, Maria Bahrawi, Aixa Kay DURÉE : 1h34 DISTRIBUTEUR : Nour Films SORTIE LE