Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur La Bête de Bertrand Bonello. Visage. Léa Seydoux forever

Visage. Et pas que parce que Fade to Grey dans la (magnifique, what else) BO, mais surtout parce que celui de Léa Seydoux forever. Le film vaut-il surtout comme portrait monumental de la star, un portrait multicouche à travers différentes réalités, je me le demande. Car je ne vous cache pas que je suis sorti de la séance relativement énervé, en me disant que comme dans son précédent Coma*, Bonello singeait trop Lynch pour être honnête. Ici, plutôt qu’à Twin Peaks et sa forêt magique, on pense et pas qu’un peu à Inland Empire, qui faisait le portrait multicouche de Laura Dern à travers différentes réalités. Et puis — est-ce le visionnage du très ennuyeux La Bête dans la jungle (Chiha, 2023), qui partage la même nouvelle de Henry James comme source d’inspiration, et dont l’acteur principal a un type physique étonnamment proche de celui choisi ici pour remplacer le regretté Ulliel prévu initialement, qui m’a fait réfléchir, glissons sur cette épineuse question, de même que sur celle qui consiste à se demander comment il se fait que pour la deuxième fois après Saint Laurent, Bonello fait un film dont le thème est le même qu’un autre sorti presque en même temps —, et puis, disais-je, on se rend compte qu’il y a plein d’autres films à part ceux de Lynch dans le film. Des fonds verts comme dans Holy Motors, la splendeur en danger d’extinction d’ors début XXe façon Visconti, une scène aquatique qui rappelle celle célèbre d’Inferno, un bain de liquide noir dans un espace vide du genre d’Under the Skin, un dispositif médical type Cronenberg, un barman tout droit sorti de Shining, une home invasion à la Scream. Où est Bonello dans un tel bric-à-brac, alors. Peut-être dans le fait que ce n’est justement pas un bric-à-brac, mais absolument tenu esthétiquement. Les critiques diront, un film de pure mise en scène, et la fabrication de terreur à partir de rien de la partie Scream est l’exemple le plus spectaculaire de ce que ça signifie.

Peut-être Bonello est-il aussi dans l’espèce de méfiance, voire de rejet du futur qui semble être le propos de la chose. Mais le fond peut-être vaguement réac, ou au moins technophobe, disons nostalgique et n’en parlons plus, n’est pas ce qui m’a le plus passionné — ça fait un peu prétexte, peut-être. Peut-être est-il aussi dans l’humour, inattendu mais bien là. Prenez le personnage de l’incel — soit dit en passant, Ulliel aurait-il été aussi crédible en incel, George MacKay a la parfaite tête de l’emploi, à la fois beau et un peu Zuckerberg sur les bords —, prenez certaines répliques de Seydoux, prenez la fin, et y compris l’étonnant générique, qui fera s’écrier aux plus réacs d’entre nous, qui ne possédons pas de smartphone, Remboursez. Mais tout cela compte-t-il vraiment, comme dans une boucle infinie dans l’espace et le temps, du jardin du Petit Palais au parc MLK en passant par les collines d’Hollywood, on revient toujours au point de départ, magnétisme d’un visage magnifié par la mise en scène. Osons l’implication, Beau visage, donc beau film.